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Impact des variables sociales sur l’intention comportementale selon le type de comportement

Chapitre 4 Dimension sociale et effet contingent dans l’étude du comportement

4.4. Impact des variables sociales sur l’intention comportementale selon le type de comportement

La partie précédente a permis de montrer qu’il existe de multiples variables sociales utilisables en

guise de composantes complémentaires à la TCP, notamment en vue d’améliorer l’explication de

l’intention comportementale. Plus exactement, l’explication de l’intention comportementalepar

ces variables sociales varie de 1 à 14%. Face à cette variabilité nous nous sommes interrogés sur

les conditions de leur efficacité. Est-ce que les variables sociales (normes subjectives, normes

descriptives, identité personnelle, image, et normes morales) peuvent avoir un effet différent en

fonction des comportements que l’on cherche à prédire ?

À cette question Manning (2009, 2011a, 2011b) répond en reprenant la discussion

générale à propos de l’effet non constant des normes subjectives. C’est initialement dans une

méta-analyse portant sur 196 études que Manning (2009) différencie les études basées sur la TCP

comportements socialement désapprouvés, des comportements motivés socialement versus des

comportements non motivés socialement, et enfin des comportements utiles versus plaisants

(i.e. agréables). Plus spécifiquement dans sa méta-analyse, Manning (2009) s’intéresse à l’effet

des normes subjectives et des normes descriptives sur le comportement. Ainsi, sur la base de la

comparaison entre ces différentes catégories de comportements, il valide l’hypothèse ad hoc

selon laquelle les normes subjectives sont plus prédictives des comportements socialement

désapprouvés comparés aux comportements socialement approuvés. De plus, l’effet des normes

subjectives dans la prédiction comportementale est légèrement plus grand pour les

comportements plaisants que pour les comportements utiles. L’auteur montre également que les

normes descriptives sont plus prédictives des comportements socialement désapprouvés. Enfin,

dans les cas où le comportement correspond à une motivation sociale, et lorsqu’il est agréable, les

normes descriptives sont plus prédictives que lorsque les comportements ne correspondent pas à

ces deux critères.

De la même manière, en se basant sur la TCP, Conner et Armitage (1998) s’intéressent à

l’efficacité de l’identité personnelle dans la prédiction du comportement. Ils montrent que

l’identité est une composante significative de la prédiction de l’intention comportementaledans

certaines conditions particulières, comme faire de l’exercice (Theodoratis, 1994), consommer des

légumes (Sparks et Shepherd, 1992), faire le don de son sang (Charng, Piliavin et Gallero, 1988),

aller voter (Granberg et Holmberg, 1990), recycler (Terry et al., 1999), choisir sa nourriture

(Cook et al., 2002). De fait, pour l’ensemble de ces comportements, que l’on peut qualifier à la

suite de ces auteurs de pro-sociaux, il nous est donné à voir que l’identité personnelle est un

déterminant essentiel de l’intention comportementale.

Dans cette logique, s’agissant de la variable image, même si elle est opérationnalisée

différemment dans le champ de la TCP, rappelons qu’elle existe aussi dans l’IDT et surtout dans

l’UTAUT. Ainsi dans le cadre de la prédiction de l’intention d’utilisation, elle est supposée suivre

la loi observée par celle du facteur qualifié d’« influence sociale », à savoir que son effet est

dépendant du cadre contextuel d’usage obligatoire versus volitif (Venkatesh et al., 2003).

En complément, Manstead (2000), puis Godin et al. (2005) se sont intéressés à l’efficacité

des normes morales dans la prédiction de l’intention comportementale. Ces auteurs font

l’hypothèse que l’effet des normes morales sur l’intention comportementaleest dépendant du type

de comportement mis en œuvre. Plus exactement les normes morales devraient être plus

fortement corrélées avec l’intention comportementalepour les comportements dotés d’une forte

valeur éthique ou morale (e.g. donner son sang, utiliser un préservatif), c'est-à-dire pour les

Sheeran et Armitage (2009) démontrent la validité de cette hypothèse dans une méta-analyse

(i.e. étude corrélationnelle) réalisée sur 46 articles incluant la mesure des normes morales dans le

cadre de la TCP. Les auteurs valident la modulation de l’effet des normes morales par le type de

comportement. Autrement dit, les normes morales ont un impact dans la prédiction

comportementale, mais uniquement pour les comportements à forte dimension morale ou éthique.

Finalement, selon Rivis et al. (2009) et Fishbein et Ajzen (2010), les comportements pour

lesquels les normes morales ont un effet dans la prédiction comportementale sont des

comportements qualifiés de pro-sociaux (i.e. ayant une dimension morale).

Nous venons de montrer que le type de comportement (e.g. les comportements

socialement approuvés versus les comportements socialement désapprouvés, les comportements

motivés socialement versus les comportements non motivés socialement, et enfin les

comportements utiles versus plaisant, les comportements obligatoires versus volitifs, les

comportements pro-sociaux versus non pro-sociaux) est un déterminant essentiel de sa prédiction

par les variables sociales. Les résultats des méta-analyses vont dans le sens de l’idée que les

variables sociales interviennent davantage dans la prédiction des comportements les plus

pro-sociaux. Ces résultats constitueront l’argument essentiel développé au sein de notre

problématique.

Ce qu’il faut retenir de l’efficacité des différentes variables sociales dans le cadre de la Théorie

du Comportement Planifié :

 Les normes subjectives sont plus explicatives des comportements socialement

désapprouvés comparés aux comportements socialement approuvés. De plus, l’effet des

normes subjectives dans l’explication comportementale est légèrement plus grand pour

les comportements plaisant que pour les comportements utiles (Manning, 2009).

 Les normes descriptives sont plus explicatives des comportements socialement

désapprouvés, des comportements correspondant à une motivation sociale et des

comportements plaisants (Manning, 2009).

 L’identité personnelle a un effet sur l’intention comportementale pour certains

comportements (i.e. comportement pro-sociaux) mais pas pour d’autres (Conner et

Armitage, 1998).

 L’image suit la loi observée par le facteur d’« influence sociale », à savoir que son

effet est dépendant d’un cadre contextuel d’usage contraint versus volitif

 Les normes morales ont un effet sur l’intention comportementaledépendant du type

de comportement (Fishbein et Ajzen, 2010 ; Godin et al. 2005 ; Manstead, 2000 ; Rivis,

Sheeran et Armitage, 2009). Autrement dit, les normes morales ont un effet plus

important pour les comportements ayant une dimension morale ou éthique importante

que pour les autres comportements n’ayant pas cette dimension.

 L’efficacité de chacune de ces variables sociales (normes subjectives, normes

descriptives, identité personnelle, image, normes morales) est dépendante du type de

comportement que l’on cherche à prédire.

La présence de ces modérateurs justifie l’existence de différences entre les

comportements prédits, et montre notamment la spécificité des comportements

pro-sociaux.

Finalement, dans la Théorie du Comportement Planifié l’efficacité des variables sociales dépend

du type de comportement à prédire, et plus précisément de l’approbation sociale dont est l’objet

le comportement. Ces comportements altruistes, pro-sociaux seraient spécifiques par rapport aux

autres.

4.5. La spécificité des comportements altruistes ou pro-sociaux