• Aucun résultat trouvé

II. Reconnaître une émotion

2. La « Théorie de l’Esprit »

2.1. Définition

Bien que certains auteurs aient auparavant cité le concept de « Théorie de l’Esprit », nous pouvons en attribuer les recherches fondamentales à deux anthropologues en 1978 : PREMACK et WOODRUFF. Ils se sont intéressés « …à l’aptitude, qu’ils observaient chez des chimpanzés, à interpréter des comportements d’autres individus en leur attribuant des états mentaux. »1 Cette notion s’est ensuite développée dans d’autres domaines, telle que la psychologie, afin de décrire la capacité qu’ont les êtres humains à se décentrer de leurs propres pensées, de leurs idées, pour pouvoir attribuer aux autres une intention ou une pensée. Cela permet alors de pouvoir juger et interpréter les comportements des pairs, et ainsi de pouvoir entrer en communication.

La « Théorie de l’Esprit » n’est pas présente dès la naissance chez le nourrisson. Elle se développe aux alentours des trois ou quatre ans, puisque des concepts préalables comme le jeu symbolique ou encore l’attention conjointe doivent être acquis et stabilisés. Ce n’est que vers sept ans que l’enfant est capable de juger ce qui peut être dit ou fait de manière socialement correcte.

2.2. « Théorie de l’Esprit » cognitive et « Théorie de l’Esprit » affective

Aujourd'hui, certains auteurs tiennent à différencier deux types de « Théorie de l’Esprit ». Le premier, dit « cognitif », permet de comprendre les connaissances que les autres ont sur le monde. « Elle permet de comprendre, d’interférer ou de raisonner sur leurs pensées, leurs croyances ou encore leurs intentions, et ce indépendamment de toute connotation émotionnelle. » 2

1 Op.Cit. p.32

2 Revue neuropsychologique, article de synthèse, « La théorie de l’esprit : aspects conceptuels, évaluation et

La théorie dite « affective » correspond à la capacité que nous avons de nous représenter les états affectifs des autres, et donc de comprendre leurs sentiments et leurs émotions. « Elle permet d’interpréter la valence et la signification émotionnelle des actions et des intentions des autres dans un contexte social. »1

2.3. « Théorie de l’esprit » d’ordre zéro, de premier ordre et de second ordre

La distinction entre ces trois ordres est principalement fonction de l’âge de l’enfant. Le schéma ci-dessous permet de comprendre la différenciation de ces trois ordres.

Le premier ordre, appelé « ordre zéro », est purement perceptif. Il ne demande aucun raisonnement logique, ni de lien cognitif ou affectif. Il s’agit d’un simple état des lieux, d’une constatation. Ce premier ordre est développé assez tôt dans le développement de l’enfant, vers l’âge de trois ans.

1

Op.Cit. p.49

La « Théorie de l’Esprit » de premier ordre, mise en avant dans l’épreuve de Sally et Anne par exemple, se développe aux alentours de quatre-cinq ans. L’enfant est alors capable de comprendre que l’autre peut avoir une représentation mentale. Pour cela, l’enfant doit être sorti de son égocentrisme, puisqu’il sera alors capable de dire que l’autre peut penser.

La « Théorie de l’Esprit » de second ordre se développe vers l’âge de sept ans. Elle est bien plus complexe et nécessite une stabilité de la théorie de premier ordre. L’enfant est alors capable, dans la seconde théorie, d’avoir accès aux représentations mentales qu’une personne peut avoir des représentations mentales d’un autre personne. Dans le schéma ci-dessus, l’idée correspondante pourrait être : « Je pense que la femme pense que l’homme pense aux vacances ». Il y a donc ici une double stratégie à adopter, deux perspectives sont adoptées simultanément. Cette seconde « Théorie de l’Esprit » peut être mise en avant dans l’histoire « John et Mary ». Certains auteurs ont mis en parallèle la capacité qu’ont les enfants de mentir et de maintenir ce mensonge. On remarque qu’il y a une logique entre l’âge d’acquisition de la théorie de second ordre et l’âge où l’enfant est capable de maintenir un mensonge. Cette aptitude est donc associée à la manière dont l’enfant se représente les états mentaux des autres. Avant cet âge, il ne tiendra pas de propos cohérents pour maintenir son mensonge et finira par avouer la vérité. Quand s’acquiert la théorie de second ordre, l’enfant est davantage capable de rester dans ses propres représentations et ainsi de maintenir une cohérence dans la présentation de ses propos.

2.4. Epreuve de premier ordre : Sally et Anne

Il s’agit d’un test de fausse croyance de premier ordre, permettant de juger la capacité d’un enfant par rapport à la notion de « Théorie de l’Esprit » et de cognition sociale.

« Dans ce test, on montre deux poupées - Sally et Anne – soit au travers d’une histoire imagée ou directement avec deux marionnettes, ainsi que deux contenants (un panier et une boîte). Sally place une bille dans le panier (Anne est spectatrice de la scène) puis sort se promener. Entre-temps, Anne sort la bille du panier et la met dans la boîte. Au

retour de Sally dans la scène, on demande à l’enfant où elle ira chercher la bille pour jouer avec elle ? Les enfants qui ont une « Théorie de l’Esprit » développée répondent que Sally ira chercher l’objet dans le panier (là où la bille devrait se trouver). Les enfants qui n’ont pas encore une « Théorie de l’Esprit » bien développée répondent que Sally ira chercher la bille dans la boîte. Leur réponse est directement dépendante de leur point de vue égocentré. Ils n’ont pas réussi à se mettre à la place de la poupée Sally. »1

Figure 5- Epreuve de Sally et Anne

1

2.5. Epreuve de second ordre : John et Mary

L’épreuve de John et Mary met en avant l’acquisition de la « Théorie de l’Esprit » de second ordre. Il s’agit d’une histoire racontée oralement, les versions divergeant selon les auteurs, l’idée étant de présenter un cas où une personne détient une mauvaise information concernant la croyance d’une autre personne. Le récit peut alors se dérouler ainsi : « John et Mary se promènent dans un parc. Ils aperçoivent un marchand de glaces. Mary doit rentrer chez elle mais dit à John qu’elle reviendra l’après-midi pour s’acheter une glace. Ils se séparent, et John entend le marchand de glaces dire qu’il va dès maintenant vendre ses glaces près de l’église. En sortant de chez elle l’après-midi, Mary aperçoit le marchand de glaces près de l’église. » Les questions posées à l’enfant diffèrent aussi selon les auteurs, mais elles doivent porter sur la compréhension des états mentaux des personnages. Les questions peuvent donc être : « Est-ce que John sait que Mary sait que le marchand de glaces a changé de place ? Où John pense-t-il que Mary va aller acheter sa glace ? Mary sait-elle que John sait que le marchand a changé de place ? » L’épreuve permet alors de mettre en avant la capacité de l’enfant à se représenter les états mentaux des autres.