Les détails de la théorie de la fonctionnelle de la densité sont expliqués dans le livre de R.G.
Parr et W. Yang [120]. Elle a été présentée pour la première fois dans un article de Hohenberg
et Kohn en 1964 [93]. Cet article explique que l’état fondamental est totalement déterminé par
la densité électronique. Puis Kohn et Sham [100] explicitent la forme de l’énergie, et
déter-minent le système d’équations à résoudre.
Hohenberg et Kohn en 1964 démontrent d’abord que l’on peut établir un principe
varia-tionnel à partir de la densité ϒdéfinie par (I.9), positive ou nulle et dont la norme L
1soit N,
le nombre d’électrons. Ceci nous autorise à chercher une fonctionnelle de la densité E[ϒ] à
minimiser dans le but de déterminer l’état fondamental.
La théorie permettant d’aboutir à la formulation du problème est relativement complexe.
No-tamment, on aura besoin de définir des concepts de V -représentabilité et N-représentabilité que
je ne présenterai pas ici, ce n’est pas le sujet. Le lecteur intéressé pourra se référer au livre de
Parr et Yang [120] et ses références, puis aux travaux de Levy [105]. Ces discussions soulèvent
le délicat problème de “la poule et l’œuf” : on définit la densité à partir de la fonction d’onde
de l’état fondamental, à condition que celle-ci existe pour l’hamiltonien donné. Cet
hamilto-nien dépendant lui aussi de la densité...
Pour formuler simplement le problème, on veut minimiser une énergie E
HKdite de
Ho-henberg et Kohn qui dépend de la densité, laquelle est obtenue en déterminant une fonction
d’onde :
infE
HK[ϒ] =<Ψ,H
KSΨ>,Ψ7−→ϒ . (I.18)
L’hamiltonien H
KSn’a plus la forme générale introduite dans les approximations de Hartree
et Hartree-Fock (I.12). On caractérise ici l’état fondamental par la densitéϒ. Cependant, en se
ramenant à l’étude de particules non interagissantes, l’hamiltonienH
KSs’exprime en fonction
de la densitéρ.
Nous allons dans un premier temps reprendre la densitéρdéfinie par (I.10). Si l’on suit le
principe que l’on peut décrire le système par la seule densité électronique, alors en
particu-lier on devra exprimer l’énergie cinétique à l’aide de la densité, comme dans les modèles de
type Thomas-Fermi. Cependant ce calcul est complexe, et l’on supposera plutôt que l’on peut
trouver N orbitalesψ
itelles que l’énergie cinétique s’écrive [100] :
E
c[ρ] =−1
2
N∑
i=1<ψ
i,∆ ψ
i>, (I.19)
et nous voulons minimiser cette énergie, sous la contrainte d’orthogonalité desψ
i. Je n’entrerai
pas dans les détails techniques, qui sont disponibles dans [120]. J’énoncerai uniquement le
résultat : minimiser l’énergie cinétique (I.19) sous ces contraintes est équivalent à trouver les
N états de plus basse énergie de l’opérateur suivant :
−1
2∆+V
KS(r).
Ce potentiel V
KSdécrit le potentiel agissant sur N électrons non interagissants : l’opérateur
est dans ce cas linéaire, et on calcule les N plus petites valeurs propres et les fonctions propres
associées. Cependant, nous allons dans la pratique décomposer ce potentiel en des termes qui
dépendront de la densité électronique :
V
KS(r) =V(r) +V
C(r) +V
xc(r),
où V est le potentiel extérieur de la formule (I.11), V
Cle potentiel coulombien d’interaction
entre les orbitales (I.13), et V
xcun potentiel additif permettant de corriger l’approximation de
l’énergie cinétique par (I.19), et celle de l’interaction électronique par V
C. On appelle V
xcle
potentiel d’échange-corrélation.
On résout alors N équations d’Euler pour minimiser l’énergie cinétique (I.19) de ce système
de particules non interagissantes :
−1
2∆+ [V(r) +V
C(r) +V
xc(r)]
ψ
i(r) =ε
iψ
i(r). (I.20)
L’énergie totale d’un tel système est définie par :
E =E
c[ρ] +Z
R3V(r)ρ(r)dr+1
2
Z
R3V
C(r)ρ(r)dr+E
xc[ρ].
Dans la DFT, l’énergie d’échange-corrélation E
xcn’est pas égale à l’énergie associée au
po-tentiel d’échange-corrélation V
xc. En résolvant le système (I.20), on détermine lesε
i, pour tout
i=1,occ, sous la forme :
ε
i=<ψ
i, −1
2∆ ψ
i>+
Z
R3V(r)|ψ
i|
2(r)dr+
Z
R3V
C(r)|ψ
i|
2(r)dr+
Z
R3V
xc(r)|ψ
i|
2(r)dr.
On remarque le facteur 1 devant l’énergie associée au potentiel de Hartree V
C. Si on exprime
E en fonction desε
i, il va donc falloir retrancher 1/2 de l’énergie de V
Cde la somme desε
i.
On obtient alors :
E =
N∑
i=1ε
i−1
2
Z
R3V
C(r)ρ(r)dr+E
xc[ρ]−
Z
R3V
xc(r)ρ(r)dr.
Nous verrons dans le chapitre suivant le lien entre énergie d’échange-corrélation et
poten-tiel d’échange-corrélation, qui n’est pas direct : on doit retrancher l’énergie associée à V
xc, et
ajouterE
xcpour obtenir l’énergie totale.
À propos du spin
Nous n’avons pas pris en considération jusqu’à maintenant le spin (introduit dans le
préam-bule) : en effet, un état électronique non dégénéré (1s par exemple) peut être rempli par deux
électrons, un de chaque spin.
I.2. MODÈLES DE DÉTERMINATION DE L’ÉTAT FONDAMENTAL
• Lorsque le nombre d’électrons N recherché est pair, alors on a autant d’électrons de spin
↑que d’électrons de spin↓, et une orbitaleψ
icorrespond à la partie spatiale de deux états
de spin différents. La densité s’écrit alors :
ρ=2
N/2
∑
i=1
|ψ
i|
2.
• Par contre, lorsque le nombre d’électrons N est impair, la densité s’écrit :
ρ =
(N−1)/2∑
i=12|ψ
i|
2+|ψ
(N+1)/2|
2=2
(N+1)/2∑
i=1n
i|ψ
i|
2,
n
1= · · ·=n
(N−1)/2=1, n
(N+1)/2=1/2.
Les N électrons sont séparés en couches, totalement ou partiellement occupées. Si on
note occ le nombre de couches occupées, alors dans le cas N impair, N =2occ−1, la
densité est de la forme :
ρ=2
occ
∑
i=1
n
i|ψ
i|
2, n
1=· · ·=n
occ−1=1, n
occ=1/2.
Remarque I.2.2 Dans notre cas la distinction entre les spins n’a pas lieu ; en revanche,
lorsque l’on considère un système soumis à un champ magnétique, nous devrons distinguer
les deux parties de la densité, qui ne vont pas réagir de la même manière à ce champ. Il
faudrait alors inclure dans le potentiel V
KSun terme dépendant du spin.
Un discussion physique au sujet des formalismes prenant en compte le spin ou non, ou
trai-tant qualitativement des questions du prochain paragraphe peut se trouver dans le livre de W.
Koch et al. [99], notamment des pages 52 à 59.
Remplissage des couches
L’écriture se complexifie lorsque l’on a affaire à des états dégénérés, comme il a été évoqué
dans le préambule. Ainsi, un état p est dégénéré à l’ordre 3, un état d est dégénéré à l’ordre 5.
Dans le cas où le nombre d’électrons permet de remplir totalement les couches, on n’a pas
de problème. Par contre, dans le cas où la dernière couche n’est pas remplie totalement, alors
l’électron peut être dans n’importe lequel de ses états dégénérés. Pour une couche de type p
par exemple, les trois états seront indexés par trois indices n
1p, n
2p, n
3p, et chaque état
corres-pond à une symétrie de l’orbitale. Comment remplir ces couches ? Physiquement, l’électron
est dans un des états, et pas dans les autres : par exemple, n
1p=1, n
2p=0, n
3p=0, mais nous
n’avons aucun moyen de prédire lequel. Nous pouvons également pondérer ces états par des
nombres d’occupation fractionnaires (n
1p=1/3, n
2p=1/3, n
3p=1/3), de manière à préserver
la symétrie de la densité. Le point crucial dans le choix du remplissage est que nous
obtien-drons à chaque fois une densité différente, comme le montre la figure (F
IG. I.2) dans le cas
d’une couche de type d, de dégénérescence 5, et présentant donc 5 types de symétrie, mais que
F
IG. I.2 – Surfaces d’isodensité (.001 a.u.) d’orbitales de type d pour l’atome de Scandium,
et énergie totale correspondante, par un calcul de DFT. L’énergie et la densité de l’orbitale
d
z2diffère des autres, qui sont identiques à une rotation près. Issu du livre [99].
Nous allons donc redéfinir la densité de telle sorte que l’on garde la liberté de remplir les
couches dégénérées :
e
ρ(r) =2
occ∑
i=1n
i|ψ
i|
2, (I.21)
avec 0 6n
i61, ∀i=1, . . . ,occ, et 2
occ∑
i=1n
i=N. Le nombre de couches occupées occ
cor-respond alors au nombre d’ε
iqu’il faut calculer. Cette forme de la densité est connue dans la
littérature par la dénomination closed shell. L’énergie cinétique du système composé des occ
orbitales s’écrit :
e
E
c[eρ] =−
occ∑
i=1n
i<ψ
i,∆ ψ
i> .
La minimisation de l’énergie totale nous amène alors au système suivant :
{−n
i∆+2 n
i[V(r) +V
C(r) +V
xc(r)]}ψ
i(r) =ε
0i
ψ
i(r). (I.22)
Dès lors, en posantε
i=ε
0i
/(2 n
i), on retrouve alors l’équation (I.20). L’énergie totale s’exprime
en fonction desε
i:
e
E =2
occ∑
i=1n
iε
i−1
2
Z
R6e
ρ(r)eρ(r
0)
|r−r
0| dr dr
0+E
xc[eρ]−
Z
R3V
xc(r)eρ(r)dr. (I.23)
Remarque I.2.3 L’entier occ désigne le nombre d’orbitales occupées. On peut également
écrire la densité sous la forme :
e
ρ(r) =2
occ+Nu∑
i=1n
i|ψ
i|
2,
I.2. MODÈLES DE DÉTERMINATION DE L’ÉTAT FONDAMENTAL
où les N
un
i,i=occ+1, . . . ,occ+N
usont nuls. La résolution de l’équation (I.20) pour i>occ
donne les orbitales non occupées, ou virtuelles de l’hamiltonien.
Signification physique des énergiesε
iDans la DFT, on se place dans l’hypothèse d’électrons non interagissants soumis à un potentiel
V
KS, et dès lors lesε
ine correspondent pas exactement aux énergies de chaque couche réelle.
La symétrie des orbitales est préservée, et dans la pratique les énergies de Kohn et Sham
cor-respondent à des états de même dégénérescence que les vrais états électroniques.
Cependant, il est possible de déduire certaines propriétés physiques du système à partir de
valeurs propres particulières :
– L’énergieε
occ+1, notéeε
LU MO1, est égale en valeur absolue à l’affinité électronique A>0
du système, c’est-à-dire l’énergie reçue par le système pour capter un électron.
−A=ε
LU MO.
– Le plus grand état occupéε
occ, ou ε
HOMO 2, correspond en valeur absolue à l’énergie
d’ionisation du système, qui est l’énergie fournie au système pour lui retirer un électron.
−I=ε
HOMO.
Ces deux relations seraient vérifiées si l’énergieE
xcétait exacte. Cependant, il n’existe, et
ce sera l’objet d’une section du prochain chapitre, que des approximations deE
xc.
En conclusion, après avoir introduit le problème de la détermination de l’énergie
fondamen-tale d’un système fermé, composé de noyaux et d’électrons, nous avons présenté les principaux
modèles utilisés en chimie quantique : les deux premiers modèles s’appuient sur la recherche
d’une solution sous une forme particulière. C’est le modèle de Hartree-Fock qui est le plus
couramment utilisé, et donne de bons résultats. Nous avons ensuite introduit un modèle
uti-lisant comme variable centrale la densité électronique (Thomas-Fermi) ; l’approximation de
ce modèle nécessite de nombreux termes correctifs, mais l’idée d’exprimer l’hamiltonien en
fonction de la densité, et donc de simplifier le problème, est tout à fait remarquable. Hohenberg
et Kohn, poursuivant cette voie en montrant que l’état d’un système est totalement déterminé
par sa densité électronique, puis Kohn et Sham, permettent alors de définir un nouveau
sys-tème d’équations pour déterminer les états de particules non interagissantes coexistant dans un
champ moyen.
Nous n’avons pas encore détaillé certains aspects de la DFT : d’abord la manière de
ré-soudre numériquement l’équation de Poisson, puis les différentes approximations du potentiel
d’échange-corrélation. Enfin, nous introduirons également dans le chapitre suivant les
diffé-rentes bases utilisées dans les codes de chimie quantique.
1LUMO signifie Lowest Unoccupied Molecular Orbital
II
THÉORIE DE LA FONCTIONNELLE DE LA
DENSITÉ
Nous avons vu dans le chapitre précédent différentes approximations de l’équation de
Schrödinger. Les deux les plus utilisées sont les formulations de Hartree-Fock, et la théorie
de la fonctionnelle de la densité. C’est cette dernière que nous avons choisi d’étudier, car
l’ha-miltonien ne dépendant que de la densitéρ, sa construction peut se faire avec un coût linéaire
par rapport au nombre d’électrons.
Dans un premier temps, nous détaillons l’implémentation du potentiel
d’échange-corréla-tion V
xcet du potentiel extérieur V . Si l’on connaissait la forme exacte de V
xc, alors la DFT
nous permettrait de calculer exactement l’état fondamental d’un système. Malheureusement,
ce n’est pas le cas, et plusieurs approches existent pour construire un potentiel
d’échange-corrélation V
xcpossédant une vraisemblance physique. Nous présentons ici une des plus
con-nues, dite Approximation de la Densité Locale (LDA). De plus, on utilise dans les codes de
calcul de structures électroniques, encore appelés codes ab initio, une forme lissée du potentiel
d’interaction entre un électron et un noyau V , appelée pseudo-potentiel. Le pseudo-potentiel
doit vérifier certaines propriétés physiques, et conserver le comportement asymptotique de
V . Les principales conditions requises sont expliquées ici, puis nous donnons un exemple de
pseudo-potentiel, utilisé dans nos tests.
La deuxième partie de ce chapitre est consacrée aux principaux types de bases de
projec-tions habituellement utilisés dans les codes. On distingue deux grandes familles de base : celles
de type gaussienne ou Slater, qui offrent l’avantage d’être localisées spatialement autour des
noyaux, et celle des ondes planes, qui permet de résoudre simplement le problème à l’aide de
transformées de Fourier. Après avoir écrit la discrétisation des équations de Kohn et Sham,
nous détaillons les avantages et les faiblesses de ces deux types de base.
Nous traitons dans la dernière section de la prise en compte des conditions aux bords
pério-diques pour résoudre ce système. Certains codes ab initio permettent en effet de calculer l’état
fondamental d’une molécule dans le vide, en mettant cette molécule au centre d’un ouvert
Ω, et en supposant que cet ouvert soit assez grand pour que toutes les fonctions du problème
(potentiels, orbitales) aient leurs supports inclus dansΩ. Pour des potentiels comme V ou V
C,
nous verrons quelles techniques appliquer pour traiter leurs comportements à longue portée, en
1/|r|. Nous présentons en particulier l’utilisation des conditions aux limites périodiques dans
le cas d’une résolution à base d’ondes planes.
II.1 Approximation des potentiels de la DFT
Nous avons introduit dans le chapitre précédent une fonctionnelle de la densitéE
xc[ρ]
conte-nant toutes les interactions auxquelles sont soumises les orbitales ψ
i, et que les autres termes
ne prennent pas en compte. L’énergie E
xc[ρ] est une somme d’interactions complexe, et il
est très difficile de lui donner une forme réaliste. La prochaine section en propose une forme
inspirée du cas où le système n’est composé que d’électrons, appelé gaz d’électrons uniforme.
II.1.1) Potentiel d’échange-corrélation selon l’approximation de la
Dans le document
Les ondelettes comme fonctions de base dans le calcul de structures électroniques
(Page 34-41)