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La théorie de la fissure de cisaillement critique (Critical Shear Crack Theory) .1 Définition et application

beff vmax

2.8 Modèles de calcul de la résistance au cisaillement

2.8.2 La théorie de la fissure de cisaillement critique (Critical Shear Crack Theory) .1 Définition et application

La théorie de la fissure de cisaillement critique (CSCT) a été présentée la première fois par Muttoni en 1991 (Muttoni and Schwartz 1991) pour définir le comportement des dalles sans armatures d’effort tranchant soumises au poinçonnement. Les formules issus de la CSCT définissent la rupture en cisaillement par la formation de la fissure critique qui se propage à travers la bielle de compression inclinée limitant sa résistance et ne permettant pas au spécimen d’atteindre sa capacité en flexion (Muttoni and Fernández Ruiz 2008a).

Muttoni a proposé un critère de défaillance en termes d'un cisaillement moyen qui estime la résistance de cisaillement maximale pour une largeur de fissure critique donnée. La théorie se base sur les hypothèses suivantes (Muttoni and Fernández Ruiz 2008b) :

- La largeur de fissure est supposée proportionnelle au produit de la déformation de référence 𝜖𝑠 dans les armatures longitudinales et de la hauteur utile 𝑑.

- La résistance au cisaillement est prise dans une section où la largeur de la fissure critique peut être représentée par la déformation à une hauteur utile égale à 0.6 𝑑 de la fibre la plus comprimée.

Comme pour la version simplifiée de la MCFT, la CSCT néglige la résistance en traction du béton, pour mettre en avant l’ouverture de fissure 𝑤, la taille maximale des granulats 𝑎𝑔et la résistance en compression 𝑓𝑐. Ainsi, la CSCT est considérée être une variante de la MCFT.

L’équation adoptée est la suivante : 𝑉𝑅 𝑏 𝑑 √𝑓′𝑐 = 1 3 (1 + 120 𝜖𝑠16 + 𝑎𝑑 𝑔) (2.8-24)

La déformation des armatures longitudinales 𝜖𝑠 est dépendante du moment de flexion 𝑀 au niveau de la section critique :

𝜖𝑠 = 𝑀 𝑑 𝜌𝑠𝐸𝑠(𝑑 −𝑐𝑓𝑙𝑒𝑥3 ) 0.6 𝑑 − 𝐶𝑓𝑙𝑒𝑥 𝑑 − 𝐶𝑓𝑙𝑒𝑥 (2.8-25) 𝐶𝑓𝑙𝑒𝑥 = 𝑑 𝜌𝑠𝐸𝑠 𝐸𝑐 (√1 + 2 𝐸𝑐 𝜌𝑠 𝐸𝑠− 1) (2.8-26)

Cette formule est applicable dans le cas de spécimens en béton armé (résistance caractéristique du béton normale) soumis à un chargement linéaire ou concentré. Muttoni (Muttoni and Fernández Ruiz 2008b) a comparé les résultats expérimentaux de 150 poutres sous chargement concentré aux calculs analytiques (Figure 2-70). Il estime obtenir une bonne approximation du comportement expérimental. Appliquer un effort axial ou utiliser un BHP nécessite quelques ajustements que propose d’ailleurs l’auteur.

En revanche, ce modèle ne semble pas prendre en compte de manière fiable le rapport 𝑎

𝑑

puisque dans le cas où 1 ≤𝑎

𝑑 ≤ 3 les résultats sont trop conservatifs contrairement à ceux de (Figure 2-70) où 𝑎

108 Figure 2-70 Comparaison des résultats expérimentaux avec les résultats de calcul CSCT : 𝑽𝑹

𝒃 𝒅 √𝒇′𝒄 en fonction de 𝝐 𝒅

𝟏𝟔+𝒂𝒈

Dans le cas des dalles, Muttoni et al (Muttoni and Fernández Ruiz 2008a) distingue le cas des dalles portées sur un sens et celui des dalles portées sur 2 sens. Dans le premier cas, le cisaillement calculé est similaire à celui des poutres où l’ouverture de fissures dépend de la déformation dans les armatures longitudinales tandis dans le cas des dalles portées sur 2 sens l’ouverture des fissures 𝑤 est proportionnel cette fois-ci à l’angle de rotation de dalle 𝜓 tel que :

𝑉𝑅 𝑏 𝑑 √𝑓′𝑐 = 3 4 (1 + 15 𝜓16 + 𝑎𝑑 𝑔) (2.8-27)

A noter que dans le cas des dalles portées sur 2 sens, Muttoni considère que leur comportement s’apparente à celui du poinçonnement.

Le CSCT est notamment utilisé dans le code suisse SIA 262 (2003) (Code 2003) et ses versions récentes. Il est également la base du Fib Model Code 2010 (Sigrist et al., n.d.).

2.8.2.2 Fib Model Code 2010

Le Fib Model Code 2010 se base sur une combinaison de CSCT, SMCFT et de résultats empiriques. Ses auteurs, Sigrist, Muttoni et al (Sigrist et al., n.d.), décrivent les avantages de ce modèle comme suit:

- Les règles basées sur des modèles comme le CSCT peuvent être expliquées, comprises et justifiées avec les principes physiques et ont le potentiel d’être développés ultérieurement.

- Le modèle fournit une plate-forme cohérente pour la conception dans diverses situations (avec/sans armatures d’effort tranchant, utilisation de fibres etc…). - Le CSCT fournit des équations de conception simples qui sont largement vérifiées

par rapport aux résultats expérimentaux et permettent l’utilisation d’une approche de niveau d’approximation (LOA) pour la conception et l’analyse, conformément aux principes généraux du Model Code 2010.

Niveau d’Approximation LOA

Le fib Model Code 2010 a la singularité de présenter des niveaux d’approximation LOA permettant une conception avec un niveau de précision plus ou moins raffiné. Ces différents niveaux dépendent du niveau de détail à atteindre (étude préliminaire, étude détaillée…) et de l’élément structurel à analyser. Les chercheurs distinguent des LOA simplifiées, de base et supérieures. Ainsi, une LOA simplifiée est dérivée de son niveau de base et présente des résultats plus conservatifs. Les LOA supérieurs ne peuvent être utilisées que dans le cadre d’un calcul aux éléments finis en raison de leur complexité et nécessitent le soin particulier de choisir un modèle cohérent.

Les auteurs définissent 4 ou 3 niveaux d’approximation selon que les spécimens étudiés soient équipés ou non d’armatures d’effort tranchant (Tableau 2-16).

Tableau 2-16 Distribution des niveaux d'approximation (LOA) selon la nature des spécimens

Type de spécimen LOA de base LOA simplifié LOA supérieur

(modélisation aux éléments finis) Sans armatures de cisaillement II I III Avec armatures de cisaillement III I et II IV

110 Les auteurs ont décrété un LOA de base plus élevé dans le cas des spécimens avec armatures de cisaillement. Les niveaux inférieurs présentent en effet des résultats très dispersés comme en témoignent les graphiques (Figure 2-71):

Figure 2-71 Comparaison des résultats expérimentaux et analytiques du fib Model Code 2010 selon

plusieurs niveaux d'approximation (LOA I, II et III) pour des spécimens sans (a) et avec (b) épingles

La résistance au cisaillement d’un spécimen avec armatures d’effort tranchant est :

𝑉𝑅𝑑= 𝑉𝑅𝑑,𝐶+ 𝑉𝑠 (2.8-28)

La formule générale de la résistance du béton au cisaillement selon le fib Model Code 2010 est la suivante :

𝑉𝑅𝑑,𝐶 = 𝑘𝑣√𝑓𝑐𝑘𝑏𝑤𝑑 𝛾𝑐

(2.8-29)

Le fib Model Code 2010 introduit le facteur 𝑘𝑣 qui prend en compte la déformation et l’effet d’échelle. La détermination de ce paramètre dépend du niveau d’approximation choisi :

LOA II LOA III 𝑘𝑣(𝐼𝐼) = 0.4 1 + 1500𝜖𝑥 1300 1000 + 𝑑 𝑘𝑎𝑔 𝑘𝑎𝑔 = 32 16 + 𝑎𝑔 ≥ 0.75 𝑘𝑣(𝐼𝐼𝐼) = 0.4 1 + 1500𝜖𝑥 (1 − 𝑉𝐸𝐷 𝑉𝑅𝑑𝑚𝑎𝑥(𝜃𝑚𝑖𝑛)) 𝑉𝑅𝑑𝑚𝑎𝑥(𝜃𝑚𝑖𝑛) = 𝑘𝜖(30 𝑓𝑐𝑘) 1 3𝑓𝑐𝑘 𝛾𝑐 𝑏𝑤𝑑 sin 𝜃 cos 𝜃 𝑘𝜖 = 1 1.2 + 55 (𝜖𝑥+ (𝜖𝑥+ 0.002) cot2𝜃) Avec

La déformation axiale des armatures longitudinales est prise :

𝜖𝑥 =

(M𝑑ED + 𝑉𝐸𝐷+ 𝑁𝑢(12 ±∆𝑒2 )) 2𝐸𝑆𝐴𝑠