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Action poutre

2.4 Les paramètres influençant la résistance en cisaillement

2.4.4 Influence de l’effet d’échelle et du rapport a/d

Dans cette partie, l’effet d’échelle et celui du rapport d’élancement à la hauteur utile seront abordés. Bien que ces deux paramètres soient liés par l’étude de la variation de la hauteur efficace d, il est important de les distinguer. L’effet d’échelle conserve le rapport a/d tout en variant la hauteur efficace d. Il est causé par la libération d’énergie de déformation de la poutre à la zone fissurée durant la propagation de la zone fissurée : plus la structure est large plus l’énergie libérée est importante (Bazant and Sun 1987).

Le rapport a/d a clairement une influence capitale sur la résistance au cisaillement. Diverses recherches se sont focalisées sur ce paramètre indispensable du cisaillement en particulier à cause de son impact sur les différents mécanismes de résistance comme cela a été mentionné précédemment (2.2.4, 2.4.1, 2.4.2 et 2.4.3) à travers l’activation ou pas de l’effet d’arche.

Talbot (A. N. (Arthur N. Talbot 1909) fut le premier à constater le rôle du ratio longueur de poutre sur profondeur dans le cisaillement grâce aux tests réalisés sur 106 poutres sans armatures d’effort tranchant. Ce rôle a été affiné par la suite par Clark (Clark 1951) en introduisant le rapport a/d dans la formule de calcul du cisaillement. Dès lors, ce paramètre fut une manière de prendre en considération l’effet de la traction des armatures longitudinales de flexion. Malheureusement, il n’a pas pu être défini pour des cas de charges généralisés. Ce handicap a été dépassé au début des années 50 quand des chercheurs de l’Université de l’Illinois ont exprimé ce rapport sous la forme

de 𝑀

𝑉𝑑 et qui est un précurseur de la formule actuelle de l’ACI 318-14.

Travaux de Kani (G. N. J. Kani 1967)

Kani a enquêté sur la plage d’influence du rapport a/d. Il a conçu 4 séries de poutres. Chaque série avait sa propre hauteur utile, la distance « a » entre le point de charge et l’appui diffère pour chaque poutre. La hauteur utile varie de 12.7cm (série I) à près de 106.7cm (série IV).

Figure 2-38 Variation de la contrainte de rupture en cisaillement en fonction du rapport a/d (𝟏𝑴𝑷𝒂 ≅ 𝟏𝟒𝟓 𝒑𝒔𝒊)

Les résultats du diagramme montrent clairement que l’influence du rapport a/d est incontournable lorsque 𝑎

𝑑 < 2.5, au-delà ce paramètre n’a pas ou peu d’impact sur la charge ultime. En effet, une poutre avec un rapport 𝑎

𝑑 = 5.35 perd 16% de résistance au cisaillement lorsque le rapport 𝑎

𝑑=

3.02. En revanche, une poutre ayant un rapport 𝑎

𝑑 = 1 a une résistance au cisaillement 128% supérieure à une poutre avec 𝑎

𝑑 = 2. Cet impact est bien sûr lié à l’activation de l’effet d’arche avec transmission des contraintes aux appuis à travers les bielles de compression. D’autre part, pour un même rapport 𝑎

𝑑, une hauteur utile moins importante connaît des valeurs de résistance au cisaillement légèrement inférieures, ceci est sans doute dû au fameux effet d’échelle ou coefficient de sécurité selon Kani. Ce phénomène explique que lorsque les dimensions d’un spécimen sont plus importantes, la probabilité d’existence d’un défaut l’est également. Ainsi, une fissuration précoce peut avoir plus facilement lieu dans des spécimens massifs. De surcroît, il est judicieux de rappeler, que des spécimens massifs en béton sont plus sujets à la fissuration en raison du gradient thermique lors de la prise du béton.

54 Figure 2-39 Variation du rapport du moment ultime sur le moment de flexion en fonction de d et du

rapport a/d

Dans la Figure 2-39, Kani introduit le rapport 𝑀𝑢

𝑀𝑓𝑙 (avec 𝑀𝑓𝑙 le moment de flexion de la poutre et 𝑀𝑢 le moment de résistance ultime). Plus le rapport 𝑎

𝑑 est important plus 𝑟𝑢 est proche de 1. Pour 𝑎

𝑑

6, 𝑟𝑢 peut atteindre la valeur de 1 lorsque la poutre est suffisamment mince. Effectivement, le moment 𝑀𝑓𝑙 représente l’action poutre responsable de la rupture en flexion. Ce type de mode de ruine est observé sur les poutres minces et élancées. Ainsi, la Figure 2-39 présuppose pour des valeurs supérieures à 6, 𝑟𝑢 = 1 c’est pour cela que la résistance ultime au cisaillement ne dépend plus du rapport 𝑎

𝑑. En définitive la conclusion suivante peut être tirée, l’effet d’arche dépend à la fois du rapport 𝑎

𝑑 que de la hauteur utile.

Bon nombre de campagnes expérimentales ont été réalisées à la suite de celles de Kani qui ont confirmé que la résistance au cisaillement augmentait lorsque le rapport 𝑎

𝑑 diminue notamment celles de Zwiyer (Zwoyer and Siess 1954), Berg (Berg 1962), Fung Kew (Kong, Robins, and Cole 1970) puis celle de Smith (K. N. Smith and Vantsiotis 1982). Dans ce dernier article cité, Smith observe une claire augmentation de la fissuration diagonale lorsque 𝑎

𝑑 diminue, cela est accompagné évidemment d’une amélioration de la résistance ultime au cisaillement (Figure 2-40).

Une étude menée par Yuliang Xie (Xie et al. 1994) décrit l’influence du rapport 𝑎

𝑑 sur les courbes charges-flèches. Il s’avère que la rigidité élastique est augmentée pour les rapports 𝑎

𝑑 les plus faibles. En revanche, le déplacement relevé lors de l’atteinte de la charge de résistance maximale au cisaillement est identique quel que soit la valeur du paramètre.

Figure 2-40 Contrainte de résistance au cisaillement ultime et contraintes de fissuration en fonction du

56 Figure 2-41 Effet du rapport a/d sur la courbe charge-flèche

Les études les plus récentes comme celle de Collins (Collins, Bentz, and Sherwood 2008), celle de Angelakos (Angelakos, Bentz, and Collins 2001) et celle de Ismail (Ismail, Guadagnini, and Pilakoutas 2017) se sont intéressées à l’évaluation des méthodes de calcul analytiques et de les comparer aux résultats expérimentaux sur l’influence du rapport 𝑎

𝑑 sur la résistance au cisaillement des poutres ainsi que d’évaluer l’interaction de ce paramètre avec d’autres mécanismes comme il a été précédemment mentionné.

En ce qui concerne l’effet d’échelle, la bibliographie est riche d’une base de données expérimentales est analytique importante et diversifiée.

Les premières sont celles présentées par Taylor (Taylor 1972) et Kani (G. N. J. Kani 1967) qui montrent effectivement la diminution de résistance au cisaillement en fonction de la profondeur de poutre.

D’autres chercheurs se sont intéressés au sujet, dont Walraven et Lehwalter (Walravena and Lehwalter 1994), Tan et Lu (Tan and Lu 1999), Zhang et Tao (Zhang Tao, Visintin Phillip, and Oehlers Deric John 2016), Sneed et Ramirez (Sneed and Ramirez 2010) etc… Tous affirment que l’effet d’échelle conduit à la réduction de la résistance au cisaillement des poutres.

Ci-dessous quelques travaux brièvement présentés avec les observations les plus pertinentes émises par leurs auteurs respectifs.

Travaux de Walraven et Lehwalter (Walravena and Lehwalter 1994)

Les 10 spécimens testés par Walraven et Lehwalter sont des poutres rectangulaires en B.A avec un rapport 𝑎

𝑑= 1, une hauteur utile variant entre 𝑑 = 360𝑚𝑚 à 𝑑 = 930𝑚𝑚 et un rapport 𝑙𝑒

𝑑

constant avec la 𝑙𝑒 la longueur de la zone de charge. Le taux d’armatures d’effort tranchant varie entre 𝜌𝑣 = 0 et𝜌𝑣 = 0.3%

Figure 2-42 Variation de la contrainte de rupture en cisaillement en fonction de la profondeur effective d (Birrcher et al. 2014)

L’effet d’échelle est bien observé dans les résultats de ces essais. Walraven a d’ailleurs attribué la cause de ce mécanisme à la croissance des ouvertures de fissures avec l’augmentation de la hauteur utile. En effet, des fissures plus larges diminuent le transfert des contraintes de traction à travers les fissures diagonales. De ce fait, les mécanismes de résistance comme l’engrènement des granulats sont dégradés.

En revanche, il ne semble pas y avoir de corrélation entre l’effet d’échelle et l’influence des armatures d’effort tranchant. Ces essais indiquent qu’ils sont indépendants.

Travaux de Tan et Lu (Tan and Lu 1999)

12 poutres en B.A ont été testées en cisaillement par Tan et Lu. 4 valeurs du rapport a/d ont été choisies :

58 Tableau 2-5 Valeurs de a/d suivant chaque série (Tan and Lu 1999)

Série I II III

a/d 0.56 0.86 1.13

La hauteur d varie quant à elle entre 440mm et 1560mm. La longueur de la zone de charge est constante et égale à 250mm.

Figure 2-43 Variation de la contrainte de rupture en cisaillement en fonction de la profondeur effective d (Birrcher et al. 2014)

Les auteurs ont remarqué que la réduction de la résistance au cisaillement en augmentant la profondeur était significativement amortie quand la profondeur de poutre dépasse 884mm, sauf pour le cas où 𝑎

𝑑 ≤ 0.56 car il semble que l’effet d’échelle continue de manière linéaire.

Travaux de Birrcher (Birrcher et al. 2014)

La campagne expérimentale menée par Birrcher concernait 12 poutres en B.A soumises à l’effort tranchant. La profondeur utile varie de 584 à 1905mm.

L’auteur a conclu que la résistance au cisaillement des poutres profondes vérifiant 𝑎

𝑑< 2 n’a pas augmenté proportionnellement avec la profondeur (Figure 2-44). De ce fait, les approches basées sur une progression linéaire de la résistance au cisaillement sont à rejeter.

Figure 2-44 Variation de la contrainte de rupture en cisaillement en fonction de la profondeur effective d

(1in=25.4mm) (Birrcher et al. 2014)

L’effet d’échelle par rapport à la largeur de fissure diagonale est atténué une fois que la profondeur de la section atteint 1067mm La largeur maximale de la fissure diagonale à un pourcentage donné de la charge maximale appliquée a tendance à augmenter au fur et à mesure que la profondeur du spécimen passe de 584mm à 1067mm. Cela n’est plus observé pour des profondeurs de poutres plus élevées.

60 Figure 2-45 Ouverture de fissure maximale pour des spécimens dont a/d=1.85 et 𝝆𝒗 = 𝝆𝒉= 𝟎. 𝟐%

En résumé les travaux présentés montrent que bien que l’effet d’échelle soit un réel paramètre influant de la résistance au cisaillement. Il dépend aussi du rapport 𝑎

𝑑 et est sans doute corrélé avec le mécanisme d’engrènement des granulats puisqu’il est responsable de l’augmentation de l’élargissement des fissures lorsque la hauteur efficace est plus importante. D’autre part, l’évolution de la contrainte de cisaillement ultime en fonction de la profondeur efficace n’est pas linéaire ce qui invalide les approches qui le suppose en particulier lorsque 𝑎

𝑑<