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Action poutre

2.3 Les mécanismes de transfert et résistance au cisaillement

2.3.2 Cas des structures avec armatures d’effort tranchant

Dans cette partie, le mécanisme de résistance au cisaillement des armatures d’effort tranchant est mis en évidence. L’objectif est de démontrer la complexité du mécanisme qui résulte des interactions qu’il peut avoir avec les autres modes de résistances au cisaillement. L’étude se consacrera essentiellement au cas des épingles.

Lorsqu’un élément est soumis à du cisaillement, le béton seul non fissuré reprend ces contraintes. Quand la contrainte de traction présente dans le béton devient plus grande que la résistance caractéristique du matériau en traction, des fissures verticales de flexion se créent suivies par des fissures inclinées de cisaillement. Ce n’est qu’à ce moment-là que les armatures d’effort tranchant sont activées et qu’elles reprennent les contraintes à travers plusieurs mécanismes.

On distingue 5 types de mécanismes à travers lesquels les armatures d’effort tranchant participent à la résistance au cisaillement :

• La résistance intrinsèque des armatures d’effort tranchant.

• L’amélioration du mécanisme de transfert des contraintes de tractions résiduelles dans le béton.

• La consolidation du mécanisme de goujon.

• Le renforcement du mécanisme d’engrènement des granulats. • L’augmentation de la ductilité de la structure.

2.3.2.1 Mécanisme de résistance propre aux armatures d’effort tranchant (épingles)

Historiquement, le rôle des armatures d’effort tranchant dans une structure en béton armé a toujours été assimilé à celui d’un treillis. Cette analogie est la base des modèles de calculs réglementaires. Les procédures de dimensionnement actuelles estiment la capacité au cisaillement ultime des poutres minces en B.A avec épingles, 𝑉𝑢 en simplement ajoutant la contribution du béton à celle des épingles :

𝑉𝑢 = 𝑉𝑐+ 𝑉𝑠

𝑉𝑠 est simplement déterminé en se basant sur le modèle treillis parallèle avec 45% d’inclinaison des fissures de cisaillement :

𝑉𝑠 = 𝐴𝑣𝑓𝑦𝑑

32 Les études expérimentales de Mphonde (Mphonde, 1989), Russo et Puleri (Russo and Puleri, 1997) ont montré que l’ajout d’épingles améliorait la résistance du béton au cisaillement et souvent conduisait à une valeur de 𝑉𝑐 plus importante que celle calculée par les considérations d’équilibre du modèle treillis 45°.

Chana (Chana, 1987) a suggéré que le mécanisme de rupture en cisaillement des poutres en B.A avec armatures d’effort tranchant est fondamentalement différent de celui des poutres non renforcées en effort tranchant, et c’est pour cela que 𝑉𝑐 et 𝑉𝑠 influent l’un l’autre.

En ajoutant simplement ces paramètres pour déterminer la résistance au cisaillement nominale des poutres en B.A avec épingles peut induire une erreur significative et n’a pas encore été prouvée valide.

Figure 2-23 Les modèles de treillis de Mörsch et Ritter (Grandić, Šćulac, and Štimac Grandić 2015)

Néanmoins, le modèle actuel permet de valider le premier rôle des épingles à savoir la liaison entre la traction des aciers longitudinaux et la compression du bloc de béton en flexion et

assure que ces deux aspects agissent en un unique bloc (Collins (Collins, Bentz, and Sherwood 2008)).

Dans la suite, l’implication des épingles dans les différents mécanismes de résistance au cisaillement est mise en évidence.

2.3.2.2 Soutien au mécanisme de transfert des tractions résiduelles dans le béton

Les épingles ont une rigidité près de 100 fois supérieure à celle du béton ce qui leur permet de maintenir les ouvertures de fissures et ainsi préserver le transfert de traction à travers le béton (Bazant and Sun 1987).

Figure 2-24 Influence des épingles sur le mécanisme de transfert des tractions résiduelles dans le béton

2.3.2.3 Soutien à l’engrènement des granulats

L’engrènement des granulats nécessite une ouverture de fissure limitée. En effet, selon le comité de recherche néerlandais d’ingénierie civil (NEN Committee 351001 1995), l’engrènement des granulats perd toute influence dès lors que l’ouverture de fissure dépasse 1.3 mm (Bazant and Sun 1987) (Figure 2-25) .

34 Figure 2-25 Courbe montrant l'évolution de la résistance au cisaillement due à l'engrènement des

granulats dans un béton sans armatures en fonction de l'ouverture de fissure (NEN Committee 351001

1995)

Les armatures d’effort tranchant, en particulier les épingles, jouent ce rôle de couture qui permet de mieux contrôler l’ouverture des fissures.

Une étude a été menée dans ce sens. Il s’agissait de connaître l’impact de l’espacement des épingles sur la largeur des fissures de poutres soumises au cisaillement (ZAKARIA, 2009). Les résultats de la campagne expérimentale démontrent que pour une même déformation mesurée au niveau des épingles, l’ouverture des fissures décroît à mesure que l’espacement entre les épingles diminue. Ainsi, plus l’espacement entre les épingles est réduit (taux d’armatures d’effort tranchant plus élevé), plus la zone de béton contrôlée par chaque épingle est petite : effet de confinement crée entre l’épingle et le béton environnant. Ainsi l’ouverture des fissures est mieux limitée.

Figure 2-26 Effet de l'espacement des épingles sur l'ouverture de fissures: en bleu l'espacement choisi est

de 100 mm et en rouge l'espacement choisi est de 200mm

2.3.2.4 Soutien à l’effet de goujon

Les armatures de cisaillement soutiennent également l’effet de goujon initié par les armatures longitudinales. Selon Bazant et Sun (Bazant and Sun, 1987), les épingles soutiennent les armatures longitudinales et empêchent le béton de se fracturer tout au long de la barre.

Plusieurs campagnes d’essais ont été réalisées sur des poutres soumises à un chargement uniforme pour prouver l’influence des épingles sur l’effet de goujon (Poli, Prisco, and Gambarova 1993). La technique utilisée consistait en la mesure de la contrainte de traction verticale appliquée par l’armature longitudinale Vu (équivaut l’effet de goujon) à différentes distances « t » de la première épingle. La Figure 2-27 traduit les résultats de ces tests.

La courbe obtenue démontre la forte influence que peut avoir une épingle à proximité du plan de cisaillement, sur l’effet de goujon. Ainsi, en augmentant le confinement du béton, les épingles l’empêchent de se désolidariser de l’armature longitudinale. Toutefois, on peut remarquer aussi que l’influence est rapidement amortie avec la distance, ainsi un espacement des épingles trop important rendrait ce mécanisme négligeable.

36 Figure 2-27 Evolution de l'effet de goujon en fonction du rapport t/db avec t la distance à la première

épingle et db le diamètre de l'armature longitudinale (Poli, Prisco, and Gambarova 1993)

2.3.2.5 Influence des armatures d’effort tranchant sur la ductilité des structures

Les épingles apportent un dernier mécanisme de résistance au cisaillement qui est l’amélioration de la ductilité de la structure (Said and Elrakib 2013). Cet avantage est primordial puisque les ruptures en cisaillement sont fragiles et brutales tandis qu’un comportement ductile laisse place à des déformations importantes et une meilleure absorption d’énergie (Husain and Eisa 2017) .

2.3.2.5.1 Influence sur le profil de fissuration

En ajoutant des renforts verticaux comme les épingles, les ouvertures de fissures sont limitées et leur propagation est plus homogène offrant un profil comportant des fissures plus nombreuses et plus étroites ce qui augmente la ductilité de la structure comme suggéré par Tompos (Eric J. Tompos and Robert J. Frosch 2002) et Mohammadyan-Yasouj (Mohammadyan-Yasouj et al. 2015).

Figure 2-28 Profil de fissuration poutres larges sous chargement de cisaillement avec différentes

dispositions d'armatures d'effort tranchant (Mohammadyan-Yasouj et al. 2015)

2.3.2.5.2 Influence sur les déformations

La ductilité se manifeste par d’importants déplacements (déformations) avant la rupture. Plusieurs campagnes expérimentales sur poutres et dalles ont comparés le comportement des structures soumises à du cisaillement avec et sans épingles (Husain and Eisa 2017), (Wu Yu-Fei and Hu Biao 2017), (Cucchiara, La Mendola, and Papia 2004), (N. M. Hawkins 1974) etc… Ils obtiennent des courbes charges-déformations où les structures avec épingles connaissent d’importantes déformations sans augmentation de charge à proximité de la rupture. A l’inverse des structures sans épingles où la rupture est tout à fait brutale.

38 Figure 2-29 Courbes charge-flèche de deux poutres similaire telles que : A00 est sans épingle et A01 avec

épingles (Cucchiara, La Mendola, and Papia 2004)