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CHAPITRE II : LES DIMENSIONS THÉOLOGIQUES DE LA JUSTICE

2. La justice dans la Bible

2.7. Une théologie de la réparation

Le théologien mennonite Baecher a écrit un article sur l’éthique du chrétien et le shalom de Dieu.190 Ce shalom peut se vivre en aimant tout humain, quel qu’il soit, et en surmontant les différences sociales (sexuelles, raciales, de nationalité et d’âge). Selon l’auteur : « La référence à la paix ne touche pas seulement le but mais également les moyens utilisés pour arriver à cette finalité ou du moins pour en témoigner ».191

2.7.1. Une éthique chrétienne

Selon Baecher, la personne chrétienne doit être toujours tenue responsable de ses actes car elle aura à en rendre compte. Donnant l’exemple de l’universalité du commandement d’amour que Jésus demande (Mt.5.44), la loi de Dieu est en faveur du rétablissement et de la restauration des relations. Selon lui, l’État est la servante de Dieu pour limiter la propagation du mal. Cependant, la justice doit intégrer l’amour : il n’y a pas de justice sans amour ni d’amour sans justice. Vivre de bonnes relations est voulu par Dieu. En ce sens, Dieu ne fait pas de distinction entre l’amour et la justice. La loi du talion était quelque chose d’insuffisant pour les disciples de Jésus. Selon l’auteur, le problème avec la loi du talion, c’est que l’être humain cherchera toujours à rejeter la faute sur quelqu’un d’autre. La justice ne devrait pas servir à condamner car elle doit inclure la miséricorde.

Nous comprenons dans ces propos que l’on ne devrait pas cautionner des justices qui cherchent autre chose que la restauration de bonnes relations. L’auteur ajoute toutefois que cela ne doit pas se faire sans confrontation, sans explications et sans un accord. Selon Baecher, vivre en paix avec les autres ne signifie pas seulement l’absence de guerre, mais cela touche la qualité de la relation. Vivre le shalom veut dire que chacun se demande « Est-ce que je te dois quelque chose? », « Es-tu heureux de me voir? ».192 Le sermon sur la montagne (Mt 5-7) nous décrit le projet de Dieu qui désire que son peuple soit des

190 Claude Baecher et col., Pour une éthique biblique. Les Dossiers de Christ Seul, n° 3 (Montbéliard,

France : Édition Mennonites, 2005), 21-49.

191 Ibid., 28. 192 Ibid., 39.

bâtisseurs de paix (Mt 5.9). Pour l’auteur, le Nouveau Testament préconise donc la restauration des relations brisées et cela ne peut se faire sans réconciliation.

2.7.2. La réconciliation

Nous aimerions maintenant présenter une vision concernant les bases théologiques de la réconciliation voulue par Dieu. Par la mort et la résurrection du Christ, Dieu est venu réconcilier les hommes avec lui-même. C’est l’offensé, en l’occurrence Jésus, qui prend l’initiative de la réconciliation. Selon Baecher, la paix ne peut se faire sans réconciliation. En exemple, il écrit que les Juifs ont peur des Arabes, qu’ils voient comme des usurpateurs, tandis que les Arabes voient les Juifs comme des colonisateurs. Pour lui, pour qu’une réconciliation soit possible entre eux ou ailleurs, cela prend des attitudes meilleures pour créer des relations plus harmonieuses. L’idée est de rapprocher des personnes éloignées, sur l’initiative de l’une d’entre elles. On ne veut pas changer l’autre, mais changer à l’égard de l’autre. On veut donc rétablir une relation similaire à celle suggérée en Mt 5.23-24 : « Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande ».

Ce qui nous fait dire qu’en milieu scolaire, la paix et la réconciliation ne viendront pas toutes seules. Des efforts doivent être faits pour amener une reprise du dialogue entre les protagonistes. La justice réparatrice est l’un de ces moyens pour encourager le dialogue. Dans cet appel à la réconciliation, l’auteur ne promeut par une réconciliation « bonbon » : on affronte le mal, on appelle à la repentance et on travaille à la réconciliation. En ce sens, selon Baecher, cela dépasse la loi de Moïse et son aspect pénal. On ne se limite pas à dire le droit et la sanction mais à restaurer la relation. Selon l’auteur, seule la restauration des relations peut mener à la paix et à la diminution de la peur.

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2.7.3. Une éthique de la création et de la rédemption

Pour Baecher, comme Dieu est amour, le projet créationnel va dans le sens d’un état de bienveillance mutuelle et une parfaite communion.193 L’origine du pouvoir de contrainte se trouve dans la chute et se concrétise dans la tyrannie de Caïn et Abel. Le droit mosaïque avait le pouvoir de limiter la vengeance des puissants. Le mal était limité par des moyens humains. On parle ici de l’alliance mosaïque. Pour Baecher, cette alliance que Dieu a faite avec son peuple était quelque chose de provisoire. Elle limitait le mal étape par étape. L’étape de l’expérience d’Israël fut nécessaire pour que le peuple apprenne que le Salut ne découle pas d’une institution humaine mais d’une intervention divine. C’est pourquoi le Messie est venu. Il a révélé pleinement l’intention de Dieu en matière « d’éthique sociale ». Pour l’auteur, la nouvelle alliance en Jésus propose une éthique supérieure, surmonter le mal en l’affrontant et en le combattant par le bien. Maintenant, face à la faute, voyons ce qu’en pensaient quelques Pères de l’Église.