L’Amérique du Nord

Le Conferencing handbook : The New Real Justice Training Manual des auteurs Terry O’Connell, Ted Wachtel et son frère Ben servira de base à nos propos. Nous avons vu plus haut que Terry O’Connell est ce policier australien qui a démarré les conférences familiales chez les jeunes contrevenants en 1991. Ted Wachtel est ce professeur américain qui s’en est inspiré et qui a démarré sa propre entreprise, d’abord aux États- Unis, puis maintenant dans au moins 7 pays à travers le monde.83 Leur Conferencing Handbook est appliqué à l’intérieur du système pénal des jeunes contrevenants aussi bien que dans les écoles.84 On y apprend que c’est en 1994 que la justice réparatrice a été introduite en milieu scolaire.85 Le livre reprend les concepts théoriques que nous avons vus plus haut concernant la honte réintégrative de John Braithwaite. On y voit le rôle du médiateur, la préparation et les étapes du déroulement de la conférence familiale. Nous retenons ici quelques directives importantes quant à la tenue de la médiation. Il est dit, par exemple, que les cas d’abus physiques ou sexuels sévères ne devraient pas faire l’objet d’une médiation, à moins que le médiateur ait une grande expérience concernant ces types d’offenses.86 Il semble toutefois, sans étude à l’appui, que des conférences familiales ont réussi dans le passé pour des situations semblables.87 Nous retenons aussi qu’au-delà de l’aspect technique, soit le déroulement de la médiation, les auteurs nous disent qu’il faut voir la justice réparatrice comme une approche, une philosophie, et non comme un programme.88

Ted Wachtel et son équipe ont développé un continuum des pratiques réparatrices. Notons qu’on ne parle plus de justice réparatrice mais bien de pratiques réparatrices (Restoratives Practices). La figure 4 nous montre à l’extrémité droite les pratiques plus

83 _{International Institute for Restorative Practices (IIRP), est présente aux États-Unis, Australie, Canada,}

Angleterre, Hongrie, Irlande et Nouvelle-Zélande.

84 _{Terry O’Connel et Ben Wachtel et Ted Wachtel, Conferencing handbook: The New Real Justice Training}

Manual (Pipersville : Piper’s Press, 1999), 31.

85 _{Ibid., 23.} 86 _{Ibid., 34.} 87 _Ibid. 88 _{Ibid., 82.}

formelles comme la mise en place de conférences familiales.89 À l’extrême gauche, il est question des pratiques plus informelles comme l’engagement affectif du professeur envers l’élève. Ce qui peut signifier qu’au lieu de seulement réagir à un comportement répréhensible et donner un ordre à un élève, l’enseignant pourra dire le sentiment derrière un comportement. Au lieu de dire, par exemple : « Reste assis en silence », l’enseignant pourra dire : « Je deviens en colère lorsque tu parles et que tu fais des blagues durant que j’enseigne ». Pour ce qui est des questions restauratrices de la figure 4, nous développerons davantage ces éléments plus loin. On retrouve également sur le continuum la médiation un à un. Le continuum se poursuit par la mise en place, par exemple, d’un cercle dans une classe pour régler un problème, faire face à une faute commise, construire le capital social ou introduire une règle.90 Le cercle peut être mis en place au début ou à la fin du cours.91 Finalement, en bout de piste, la conférence familiale est le moyen utilisé lorsque l’on fait face à une faute qui affecte plusieurs personnes, dont la famille immédiate et les proches.

Continuum de pratiques réparatrices

Figure 4

Du côté canadien, Lockhart et Zammit, nous apprennent que c’est en 1996 que la justice réparatrice a pris place dans certaines écoles de l’Ontario.92 La région de Kitchener/Waterloo, où l’on retrouve une large communauté chrétienne mennonite, a fait partie d’un projet pilote en utilisant l’approche de la justice réparatrice dans leurs écoles pour renforcer l’esprit communautaire, réparer les torts causés et développer des habiletés

89 _{Bob Costello et Joshua Wachtel et Ted Wachtel The Restorative Practices Handbook : for Teachers,}

Disciplinarians and Administrators (Bethlehem : IIRP, 2009), 23.

90 _Ibid. 91 _Ibid.

92 _{Arthur Lockhart et Lynn Zammit, Restorative Justice : Transforming Society (Toronto : Inclusion Press,}

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sociales chez les enfants.93 Le ministère de l’Éducation de l’Ontario s’en est inspiré en changeant ses lois et en adoptant des mesures beaucoup plus réparatrices.94 Les auteurs insistent pour mettre les balises d’une communauté saine. Pour eux, cette communauté:

-construit les relations interpersonnelles; -fait la promotion de l’inclusion sociale;

-fait face aux fautes commises dans une relation et responsabilise le fautif; -est sensible aux autres;

-fait la promotion du support et du soutien mutuel; -ne domine pas sur les autres.95

Ce guide nous servira de base pour la mise en place de notre propre conférence familiale au cours de notre recherche. On y retrouve les étapes de la mise en place, les prérequis, les questions à poser, les formulaires d’entente etc. En 2010, le ministère de l’Éducation de l’Ontario a rédigé un guide sur une approche progressive de la discipline dans leurs écoles.96 Nous pouvons voir dans ce document que le vocabulaire de la justice réparatrice est en évolution. Tout comme le démontre le modèle de l’américain Watchtel, que nous avons présenté plus haut, on parle maintenant de pratiques réparatrices. Watchtel a élaboré un continuum où l’on retrouve l’engagement affectif d’un côté et la conférence familiale à l’opposé. Pour le ministère ontarien de l’Éducation, les pratiques réparatrices mettent l’emphase sur les torts causés, la responsabilisation du fautif, la réparation, l’implication et la prise de parole des parties affectées par la situation, incluant l’offenseur par le biais de la conférence familiale.97 L’objectif de la démarche sera de rétablir la relation brisée.

93 _{A. Lockhart et L. Zammit, Restorative Justice…, p. 53.} 94 _Ibid.

95 _{Ibid., 77.}

96_{Gouvernement de l’Ontario. Bienveillance et sécurité dans les écoles de l’Ontario}

[http://www.edu.gov.on.ca/fre/general/elemsec/speced/Caring_Safe_School_Fr.pdf] (consulté le 27 septembre 2012).