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CHAPITRE III: LA MISE EN ŒUVRE DE LA RECHERCHE SUIVANT LA

1. Au niveau de la médiation

Nous souhaitons ici discuter plus à fond des réflexions sur les paradigmes de la tension entre la foi et le doute de Rognon pour en dégager les impacts sur la médiation. Nous reprendrons aussi les propos de Landowsky, de Cornu et de Dumais.

1.1. Le paradigme I et la médiation (La foi comme saut dans l’inconnu et le doute sceptique).

La foi comme saut vers l’inconnu n’est sûrement pas ce qui est demandé aux participants à la médiation. Sachant que le mensonge existe, croire tout ce que l’autre dit sans douter semble illogique. Croire sans douter n’est pas le but de la conférence familiale. Mais le doute sceptique ne semble pas approprié car, cette attitude encourage peu le développement de la confiance en l’autre. Par contre, l’idée de croire seulement ce qui est

démontrable nous permet d’affirmer qu’une victime peut entrer dans ce type de doute et vouloir attendre que l’offenseur prouve qu’il peut avoir un bon comportement ou réparer sa faute.

1.2. Le paradigme II et la médiation (La foi comme certitude et le doute méthodique) En ce qui nous concerne, au cours d’une médiation, avoir une certitude dans ce que l’autre dit est difficile à imaginer. Le doute méthodique qui fait place au mystère, à l’irrationnel, et à l’incompréhensible, a sa place en médiation. Sans tomber dans le doute méthodique extrême proposé par Descartes, nous croyons que ce que les parties ont à se dire devrait être accueilli de manière rationnelle et compréhensible. Aussi, comme ce doute est appelé à s’effacer après une analyse des preuves, il nous est permis de penser qu’il peut être présent et disparaître au cours du processus de médiation ou lors des excuses ou de la réparation. Voyons maintenant le troisième paradigme de la tension entre la foi et le doute : celui de la foi comme croyance et du doute cathartique.

1.3. Le paradigme III et la médiation (La foi comme croyance et le doute cathartique) À notre avis, bien qu’il se rapporte davantage à la foi, le paradigme III est extrêmement utile pour la médiation. Thomas, ainsi que les autres disciples, avaient besoin de voir pour croire. La victime ou les victimes secondaires ont besoin de voir pour croire à la sincérité de l’offenseur. Elles peuvent le croire en raison des remords qu’il a prononcés et de l’engagement qu’il a pris d’avoir un bon comportement ou de réparer le tort qu’il a fait, mais elles ont besoin que cette croyance soit soutenue par les fruits de la repentance. Voyons maintenant le dernier paradigme de la tension entre la foi et le doute : celui de la foi comme chemin et du doute existentiel.

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1.4. Le paradigme IV et la médiation (La foi comme chemin et le doute existentiel) Nous retenons dans le paradigme IV que la foi comme chemin est un processus et que le doute existentiel peut apparaître sans préavis dans ce cheminement. C’est un peu ce qui est vécu dans notre médiation : le doute est là. Ce type de doute devrait être vu comme un appel à l’aide. Il nous semble de plus en plus clair qu’une preuve tangible de la bonne volonté de l’autre ne peut qu’augmenter cette foi.

En somme, que nous faisions face au doute sceptique, méthodique, cathartique ou existentiel, une constante demeure celle : du désir de la victime de voir l’offenseur prouver qu’il peut avoir un bon comportement ou réparer sa faute. Maintenant, du côté de l’analyse sémiotique, regardons plus en profondeur les impacts des propos de Landowski sur la médiation.

1.5. Impact de l’analyse sémiotique au niveau de la médiation

Pour Landowski la question de confiance passe par deux composantes soit la promesse et le pari. Au niveau de la justice réparatrice, le contrat signé par les parties est un engagement, une promesse au sens de Landowski. Selon le protocole de médiation, cet engagement est sollicité par une demande de la victime ainsi que des participants lors de la conférence familiale, ceci en accord avec l’offenseur. Un suivi est sûrement de mise pour s’assurer que le fautif respecte son engagement. Du côté du pari, c’est la victime qui a une demande particulière à faire. Pour développer sa confiance envers le fautif, cette dernière devrait voir une représentation positive de la personne et percevoir qu’elle est capable de réaliser ce qu’on lui demande, qu’il est désireux de le faire et qu’il est compétent. Rappelons-nous qu’au cours de la conférence familiale, le médiateur transfère l’objet de parole à l’offenseur en lui demandant ce qu’il est capable d’accomplir parmi les suggestions données par le groupe. Sa décision sera alors basée sur sa compétence et son désir de réaliser ce qui est proposé. Nous sommes conscients que la pression du groupe peut être un facteur déterminant pour qu’il accepte d’accomplir cet engagement. Nous retenons aussi que le discours de l’énonciateur est un construit. L’auteur parle même

d’une illusion énonciative. Il n’est donc pas étonnant pour nous que le doute puisse s’installer dans la tête de l’énonciataire en lien avec le discours de l’énonciateur.

Remarquons également que des codes de référence influencent l’interprétation de la conduite de l’énonciateur. L’auteur mentionne le « code d’honneur » et le « code du vraisemblable ». Le premier code se moule davantage au code de vie que l’école se donne tandis que le « code du vraisemblable », lui, permet au médiateur de voir, lors des rencontres individuelles, à quel niveau se situe l’offenseur. Nous recherchons la présence de remords chez lui. Une personne non repentante ne ferait qu’augmenter la méfiance et la défiance chez les victimes. À ce titre, citons en exemple un homme accusé de vol par effraction qui se présente à une médiation pour rencontrer une victime de vol. À leur première rencontre, le détenu, sans retenue, adresse une remarque au médiateur, en présence de la victime, à l’effet que cette dernière avait des assurances. Par conséquent, elle n’avait pas à se plaindre. Citons également en exemple un jeune homme qui se présente en médiation avec un t-shirt sur lequel est écrit « je suis un voleur ». Comment une victime peut-elle interpréter ce geste ?

1.6. Impact de la confiance sur la médiation

Les écrits de Cornu et de Dumais sont révélateurs quant à la notion du doute et de la confiance:

- La promesse responsabilise l’individu car quelqu’un attend qu’elle se réalise;

- La promesse est plus qu’un contrat qui peut être vu davantage comme un instrument; - La demande de fidélité renvoie l’individu à sa propre fragilité, car nous avons été un jour ou l’autre, infidèles envers soi ou envers l’autre;

- Derrière le doute peuvent se cacher des préjugés sur l’autre qui empêche toute évolution;

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- Pour dissiper le doute et avoir confiance, l’humain a besoin de preuve; - La confiance dans une relation peut être fragile et à bâtir;

- Une personne qui se sent aimée aime l’autre davantage; - L’élève a besoin d’expériences dans lesquelles, il se raconte.

Cornu et Dumais ramènent à l’avant-scène la place du shalom et de l’alliance. Ainsi, dans le but de dissiper le doute, l’insistance devrait être moins centrée sur la signature du contrat, mais davantage sur la promesse et l’engagement de l’offenseur auprès de la victime. Aussi, on devrait être sensible aux préjugés lorsqu’il y a un doute sur la sincérité de l’autre. On devrait également encourager la repentance et le changement de comportement chez le fautif comme preuve de son engagement. Le doute peut vouloir dire que la relation de confiance est à construire. L’amour du prochain n’est pas quelque chose que l’on peut commander. Cependant, le médiateur peut certainement jouer ce rôle d’accompagnant aimant. Finalement, le besoin de se raconter confirme les bienfaits de la conférence familiale qui vise justement à ce qu’on se raconte mutuellement l’évènement. Dans ce cas, l’un des buts de raconter son récit sera pour l’élève d’établir son autorité sur sa vie.