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Réfléchir la pratique

Chapitre 2 : Théologie pratique

6. Théologie narrative

La Bible révèle l’œuvre de Dieu au moyen d’une succession ininterrompue de récits. C’est tout dire. Dieu se fait connaitre et cette expérience se raconte. L’audition ou la lecture des récits bibliques, de la Genèse à l’Apocalypse, renvoie à l’expérience d’une personne, d’une communauté. Leurs récits transmettent la connaissance de Dieu acquise lors de l’expérience. L’œuvre de Dieu dans le monde est significative, elle a un sens et se raconte comme une histoire; il y a un commencement et une fin. Voilà pourquoi la Bible privilégie le mode narratif, pour la

30 Christopher J. Thompson, Christian Doctrine, Christian Identity: Augustine and the Narratives of Character, Lanham (Maryland), University Press of America, 1999, p. 87. « Selon la perspective d'une théologie narrative contemporaine, le récit de nos luttes avec le péché et la conversion, malgré la chronologie d'action et de décisions morales disparates, demeurera néanmoins le narratif d'un seul caractère, d'un seul je, d’un sujet persistant durable permanent dans le temps qui est le locus des actions bonnes et mauvaises...Il faut remarquer que ce n'est pas sur la base d'un faible narratif de la simple chronologie des expériences qu’Augustin exhibe les grandes lignes de l'authentique caractère chrétien. Augustin sait que la simple description de l'expérience ne peut être le guide normatif, car la narration d'une expérience peut être faite à partir de différentes perspectives dont certaines peuvent être hostiles à la doctrine chrétienne. Pour Augustin, il ne suffira pas de simplement dire, raconter ses expériences, mais il doit les raconter correctement. Le narratif du caractère chrétien prendra en considération la doctrine de l'Église comme guide normatif ». (Traduction Jean-Victor Brosseau).

31 « Le jeune homme lui dit : J’ai observé toutes ces choses ; que me manque-t-il encore ? » (Mt 19, 20); « Car je prends plaisir à la loi de Dieu, selon l’homme intérieur ; mais je vois dans mes membres une autre loi, qui lutte contre la loi de mon entendement, et qui me rend captif de la loi du péché, qui est dans mes membres. Misérable que je suis ! Qui me délivrera du corps de cette mort ? » (Rm 7, 22-24).

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simple et bonne raison que l’expérience de la présence de Dieu génère des récits. C’est ainsi que le récit de Dieu entre dans la trame narrative des récits de la personne qui écoute et qui est en quête de sens32.

De par son contenu narratif, la Bible est un recueil de récits et la théologie narrative accorde de l’importance à cet aspect dans sa réflexion sur la personne et l’œuvre de Dieu. Elle discerne dans la narration une source de révélation, elle y décèle également des intentions. Les récits sont en quelque sorte le témoignage que Dieu se révèle, mais l’aveu que sa grandeur échappe à la formulation. Les récits bibliques racontent tour à tour le don et la quête de la connaissance de Dieu. Cet état de choses conduit la théologie narrative à toujours plus rechercher la présence de Dieu dans le monde sachant que son œuvre se poursuit et génère aujourd’hui des récits33.

La théologie narrative accorde une portée universelle au récit de Dieu en ce qu’il répond aux grandes questions existentielles qui habitent l’esprit de la naissance à la mort. Dieu est vivant et se donne au monde. Son don devient un récit de salut pour toute personne en quête de sens. La réception du récit de Dieu libère les récits captifs d’impasses narratives reliées à la finalité de l’existence. Le récit de Dieu est un récit de salut comme le font entendre les membres des Églises mennonites québécoises. La présence de Dieu renouvelle le récit de la personne et l’insuffle d’espérance. Le cours de son existence, de la naissance à la mort, se vit et se raconte désormais avec le récit de Dieu. La présence de Dieu dans le monde se fait voir et entendre par la narration de ces nouveaux récits. La théologie narrative est une herméneutique pour lire les récits du monde et sa lecture a pour objet de faire entendre le récit de Dieu34.

32 « Jésus ne le lui permit pas, mais il lui dit : Va dans ta maison, vers les tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur t’a fait, et comment il a eu pitié de toi » (Mc 5,19).

33 S. Hauerwas, A Community of Character…,p. 91. « We are ‘storied people ‘ becuse the God that sustains us is a ‘storied God,’whom we come to know only by having our character formed appropriate to God’s character. The formation of such charater is not an isolated event but requires the existence of a corresponding society – a ‘storied society’...Through the church, therefire, the world is given a history » .

34 Ibid., p. 12.

« Mais voici comment parle la justice qui vient de la foi : Ne dis pas en ton cœur : Qui montera au ciel ? c’est en faire descendre Christ ; ou : Qui descendra dans l’abîme ? c’est faire remonter Christ d’entre les morts. Que dit-elle donc ? La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur. Or, c’est la parole de la foi, que nous prêchons. Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Car c’est en croyant du cœur qu’on parvient à la justice, et c’est en confessant de la bouche qu’on parvient au salut,…Ainsi la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ » (Rm 10, 6-10,17).

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