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Les croyances essentielles du discours anabaptiste

Réfléchir la pratique

Chapitre 1 : Perspective anabaptiste

1. Origines des groupes historiques

2.4 Les croyances essentielles du discours anabaptiste

Balthasar Hubmaier fait œuvre de pionnier en rédigeant en 1525 un catéchisme pour l’enseignement des nouveaux membres de l’Église. Son catéchisme constitue le premier ouvrage à énoncer systématiquement la foi et les pratiques anabaptistes. L’ouvrage didactique est par nature compréhensible et renferme l’intégralité de l’anabaptisme du 16e siècle51.

Le catéchisme intègre le Credo des apôtres dans les fondements doctrinaires de l’anabaptisme. Cette appropriation du Credo révèle la perception identitaire du mouvement anabaptiste qui s’identifie à la tradition chrétienne52. Le catéchisme de Balthasar Hubmaier révèle également les croyances que partagent les anabaptistes avec l’ensemble des réformateurs sur l’antisacramentalisme, l’anticléricalisme, l’autorité des Écritures et le salut par grâce53. D’une part, les doctrines anabaptistes s’alignent essentiellement sur les doctrines de la Réforme radicale. D’autre part, l’anabaptisme se distingue au fil du temps par son enseignement qui associe foi et pratique. Il en résulte une spiritualité pratique en correspondance avec sa conception d’une Église visible54.

Les doctrines anabaptistes insistent sur la personne et l’œuvre de l’Esprit pour traiter du salut et des Écritures, ce qui en retour détermine leur compréhension du discipulat55 ou de l’eschatologie. L’Esprit initie et opère le processus du salut. La doctrine du salut affirme la centralité de la grâce et du moyen de la foi, mais précise la nature de la foi véritable qui s’ouvre sur le discipulat. La vie de disciple est impossible sans la présence et la communion de l’Esprit. Cet impératif implique la nécessité de répondre à l’appel de Dieu de se livrer intérieurement à l’Esprit et de se livrer extérieurement à la communauté et à sa discipline. La vie d’obéissance suppose la capacité de choisir librement d’accepter ou de refuser l’appel de Dieu par Christ56. L’anabaptisme

51 Ibid., p. 143.

52 Ibid., p. 144. 53 Ibid., p. 142. 54 Ibid., p. 149.

55 Le terme discipulat désigne la pratique de disciple. Le terme a cours au sein des Églises mennonites francophones du Québec.

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reconnaît l’autorité des Écritures mais il fait appel à l’illumination de l’Esprit pour interpréter, comprendre et mettre en pratique le texte biblique57.

Le catéchisme formule une doctrine eschatologique typique du monde chrétien du 16e siècle et propagée par les anabaptistes : les temps sont accomplis et Christ est sur le point de revenir58. Cette croyance liée à la doctrine de la présence et de l’œuvre de l’Esprit incite la majorité des anabaptistes à être attentifs aux textes prophétiques de la Bible et aux manifestations à caractère prophétique59.

La doctrine de l’Église oriente l’anabaptisme. L’Église se comprend comme le corps visible de Christ. Le modèle biblique de la communauté chrétienne est défini comme une congrégation de femmes et d’hommes régénérés et soumis à l’Esprit, baptisés et fidèles, engagés et obéissants. Cette communauté de disciples assoit la théologie et la spiritualité anabaptiste sur cette compréhension. Les doctrines sur les pratiques de l’Église donnent une identité unique à l’anabaptisme. Quatre pratiques distinctes fondent l’identité anabaptiste : le baptême des adultes, le ban, le repas du Seigneur et l’entraide60.

L’eau du baptême confère à la pratique sa dimension extérieure et publique. Lors du baptême la personne témoigne publiquement de sa foi dans le pardon de Dieu et s’engage à suivre Christ. Le baptême incorpore la personne dans la communion de la communauté pour vivre son engagement et assumer ses responsabilités fraternelles61. La pratique du ban concrétise l’engagement communautaire. À l’instar du rite de la confession et de l’absolution de la tradition catholique romaine, la pratique du ban donne à la communauté le pouvoir de lier et de délier le péché selon les instructions bibliques de Mattieu 18,15-18. Cette responsabilité communautaire s’adresse aux personnes baptisées. Cette pratique de correction fraternelle s’inscrit dans la réforme de l’Église qui a la responsabilité de reprendre, de discipliner, de corriger et de réintégrer la personne

57 Ibid., p. 150.

58 A.C. Snyder, Anabaptist History and Theology..., p. 404. L’anabaptisme historique se caractérise par la croyance généralisée du retour glorieux de Christ sur terre. Cette croyance guide les premiers pas de l’anabaptisme, mais l’échec des prédictions eschatologiques, assortie à la persécution et à la victoire des littéralistes sur les spiritualistes façonnent le développement ultérieur de l’anabaptisme. L’espérance de la résurrection remplace éventuellement l’excitation apocalyptique.

59 Ibid., p. 154. 60 Ibid., p. 155. 61 Ibid., p. 156.

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répréhensible dans la communauté. La notion théologique qui prévaut et qui rend possible et souhaitable la pratique du ban pour le salut et pour l’Église est l’unité de la vie intérieure et extérieure : l’arbre se reconnaît à ses fruits, un bon arbre porte de bons fruits62.

Le repas du Seigneur se pratique comme un mémorial de la mort et du sacrifice de Christ. La célébration du repas permet également aux membres de l’Église de concrétiser leur allégeance au corps de Christ pour les questions d’ordre économique, social et politique. L’appartenance à la communauté entraine des relations fraternelles égalitaires. La volonté d’être une Église visible comme une expression incarnée du royaume de Dieu souligne l’importance des expressions visibles de la foi. La pratique de l’entraide est une expression tangible de l’amour fraternel63. Hubmaier rédige son catéchisme en conversation avec la réalité historique de la persécution de la foi anabaptiste. Il formule une théologie du martyre en lien avec le baptême et la soumission à l’Esprit et qui met en opposition la volonté personnelle et la volonté de Dieu. Le baptême d’eau entraîne le disciple sur la voie de la souffrance et de la persécution. Le baptême de sang représente la pratique quotidienne de la vie de disciple qui soumet sa volonté à la volonté de Dieu64.

Le credo anabaptiste rallie les groupes anabaptistes des différentes régions puis s’amorcera une différenciation des discours et des pratiques et la création de dénominations65. C’est ainsi que naît une perspective anabaptiste des frères suisses, des huttérites et des mennonites.