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La pratique narrative de l'accompagnement spirituel : une perspective anabaptiste

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Academic year: 2021

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La pratique narrative de l’accompagnement spirituel

Une perspective anabaptiste

Thèse

Jean-Victor Brosseau

Doctorat en théologie pratique

Docteur en théologie pratique (D. Th. P.)

Québec, Canada

(2)

La pratique narrative de l’accompagnement spirituel

Une perspective anabaptiste

Thèse

Jean-Victor Brosseau

Sous la direction de :

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iii

Résumé

Le travail d’administrateur des programmes du Comité central mennonite du Québec demande la coordination et l’accompagnement de travailleurs bénévoles. L’accompagnement des travailleurs entraine l’écoute du récit que tout un chacun fait de son expérience. L’écoute des récits des travailleurs bénévoles a révélé un problème identitaire et un besoin d’accompagnement spirituel adapté au terrain d’intervention. Cet état de chose a motivé cette recherche en théologie pratique sur l’accompagnement spirituel et provoqué une question de recherche contextuelle.

L’appartenance à la grande famille anabaptiste des Églises mennonites et des frères mennonites du Canada donne lieu à une expérience commune de salut en Christ. Cependant cette expérience spirituelle de salut et de vie en Christ, se vit et se raconte diversement car l’appartenance confessionnelle mennonite est une expérience culturelle et religieuse intra-muros et extra-muros. Il en ressort une pluralité de l’expression mennonite qui donne cours à diverses identifications. L’appartenance confessionnelle fait ressentir un malaise identitaire parce qu’elle implique une expérience religieuse acculturée. La recherche porte sur la proposition de départager la culture mennonite et l’anabaptisme au cœur de l’expérience de l’appartenance confessionnelle. Le départage de la culture et de la religion emmène la réconciliation des identités culturelles par le récit de Christ. La recherche examine comment le récit du mentoré informe la fonction du mentor dans un modèle anabaptiste de l’accompagnement spirituel au sein des Églises mennonites du Québec.

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iv

Abstract

The work of program administrator for the Mennonite Central Committee of Quebec requires the coordination and accompaniment of volunteer workers. Accompanying the workers involves listening to the narratives that everyone makes of their experience. Listening to the stories of volunteer workers revealed a problem of identity and a need for spiritual accompaniment adapted to the field of intervention. This state of affairs motivated this research in practical theology on spiritual accompaniment and provoked a question of contextual research.

Belonging to the great Anabaptist family of the Mennonite churches and the Mennonite Brethren of Canada gives rise to a common experience of salvation in Christ. However, this spiritual experience of salvation and life in Christ is seen and told differently because the Mennonite confessional belonging is an internal and external cultural and religious experience. The result is a plurality of Mennonite expression that gives rise to various identifications. Confessional belonging creates an identity discomfort because it involves an acculturated religious experience. This research focuses on the proposal to divide Mennonite culture and Anabaptism within the experience of confessional affiliation. The separation of culture and religion leads to the reconciliation of cultural identities through the narrative of Christ. The research examines how the mentee's story informs the mentor's function in an Anabaptist model of spiritual accompaniment within Mennonite churches in Quebec.

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v

TABLE DES MATIÈRES

Résumé ... iii

Abstract ... iv

TABLE DES MATIÈRES ... v

Liste des tableaux ... xi

Avant-Propos ... xiv

INTRODUCTION ... 1

Récit d’une pratique ... 1

1. Sujet de recherche ... 2 2. Contexte de la recherche ... 2 2.1. Dynamique des influences ... 2 2.2 Problème identitaire ... 5 2.3 Problème du discours narratif ... 5 3. Pertinence de la recherche ... 6 4. Originalité, portée et limites de la recherche ... 7 5. Retombées de la recherche ... 12 6. Itinéraire de la recherche ... 12 6.1 Première partie : Question de recherche et questionnement ... 13 6.2 Deuxième partie : Revue de littérature ... 14 6.3 Troisième partie : Méthodologie ... 15 6.4 Quatrième partie : Cadre d’analyse ... 15 6.5 Cinquième partie : Cadre théorique ... 16 PROPOS LIMINAIRES ... 18

Récits d’une pratique ... 18

Déclaration liminaire ... 19

Récit fondateur ... 20

Récit de conversion ... 25

Récit fondateur du Comité central mennonite ... 29

Conclusion ... 30

PREMIÈRE PARTIE DE LA RECHERCHE ... 31

Réfléchir la pratique ... 31 Chapitre 1 : Perspective anabaptiste ... 32 1. Origines des groupes historiques ... 32 1.1 Contexte des origines ... 33 1.2 Le contexte social ... 34 1.3 Le contexte socioéconomique ... 34 1.4 Le contexte politique ... 36

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vi 1.5 Le contexte ecclésial ... 37 1.6 Le contexte théologique ... 37 1.7 Le contexte du baptême anabaptiste ... 39 2. Les croyances essentielles du discours anabaptiste ... 39 2.1. L’histoire des croyances de l’anabaptisme suisse ... 40 2.2 L’histoire des croyances de l’anabaptisme sud allemand/autrichien ... 41 2.3 L’histoire des croyances de l’anabaptisme nord allemand/hollandais ... 42 2.4 Les croyances essentielles du discours anabaptiste ... 45 3. Le motif original du mouvement anabaptiste ... 47 3.1 Le motif original du mouvement anabaptiste observé ... 48 3.2 Le motif original de faire toutes choses nouvelles ... 51 3.3. Une perspective anabaptiste ... 51 Conclusion ... 52 Chapitre 2 : Théologie pratique ... 53 1. La théologie pratique ... 53 1.1 L’objet de la théologie pratique ... 53 1.2 Une définition personnalisée de la théologie pratique ... 55 1.3 Appui théorique ... 56 1.4 Comprendre le contexte ... 56 1.5 Comprendre la pratique ... 57 1.6 Comprendre la pratique chrétienne ... 58 2. La recherche qualitative ... 59 2.1 Une définition personnalisée de la recherche qualitative ... 59 2.2 Base théorique ... 59 2.3 La perspective constructiviste ... 60 2.4 Une connaissance transformatrice ... 61 3. Intégrer théologie pratique et recherche qualitative ... 62 3.1 La tâche théologique de la corrélation ... 62 3.2 La démarche corrélative de la catéchèse ... 62 3.3 Le rapport corrélatif ... 63 3.4 La corrélation des expériences humaines et des expériences de la foi ... 63 3.5 Les effets de la corrélation ... 64 3.6 La corrélation mutuelle critique ... 64 4. Tâche théologique ... 65 4.1 La particularité ... 66 4.2 L’universalité ... 66 4.3 La normalité ... 66 4.4 L’apparentement ... 67 4.5 La visée ... 67 5. L’approche narrative ... 68 5.1 La vie narrative ... 68 5.2 La structure historique de l’existence ... 69 5.3 La structure narrative de l’existence ... 70 5.4 L’unité narrative de la personne ... 70 6. Théologie narrative ... 72

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vii

7. Christologie narrative ... 74

8. Perspective narrative anabaptiste ... 75

Conclusion ... 77

DEUXIÈME PARTIE DE LA RECHERCHE ... 79

Décrire la pratique ... 79 Chapitre 3 : La revue de littérature ... 80 1. La vision anabaptiste ... 81 2. La théologie et la spiritualité anabaptistes ... 90 3. Identité culturelle mennonite ... 97 4. Remplacement du mennonitisme par l’anabaptisme ... 106 Conclusion ... 111

TROISIÈME PARTIE DE LA RECHERCHE ... 113

Saisir la pratique ... 113 Chapitre 4 : Méthodologie ... 114 1. La fonction des récits ... 114 1.1 La fonction identitaire ... 114 1.2 La fonction de l’utilité sociale ... 115 2. L’approche narrative ... 116 2.1 Une méthode de recherche ... 118 2.2 Un mode de pensée ... 118 2.3 L’unité narrative ... 119 2.4 La pensée narrative ... 119 2.5 Les repères de la pensée narrative ... 121 2.6 La complexité des récits ... 124 2.7 La représentation d’une expérience en récit ... 125 3. L’interprétation des récits ... 127 3.1 Perspective interprétative ... 128 3.2 Herméneutique de l’unité et de la continuité ... 129 3.3 Théories de l’interprétation ... 131 3.4 L’approche narrative empathique ... 132 3.5 L’espace empathique ... 133 3.6 L’intégration des parties en récit cohérent ... 133 4. L’analyse des récits ... 135 4.1 Les approches : structure et signification ... 135 4.2 Les interviews ... 136 4.3 Cadre et analyse des données ... 137 Conclusion ... 138

QUATRIÈME PARTIE DE LA RECHERCHE ... 139

Raconter la pratique ... 139

Chapitre 5 : Description ... 140

(8)

viii 1.1 Interview semi-dirigée ... 141 1.2 Cinq questions ... 142 1.3 Cinq catégories ... 142 2. Résumer les récits ... 145 2.1 Luc ... 145 2.2 Paul ... 147 2.3 Anne ... 149 2.4 Étienne ... 150 2.5 Jacques ... 152 2.6 Sarah ... 154 2.7 Marie ... 155 2.8 Matthieu ... 157 2.9 Marthe ... 159 2.10 Madeleine ... 161 2.11 Marc ... 163 2.12 Esther ... 164 2.13 Rachel ... 166 2.14 Jean ... 168 2.15 Pierre ... 170 3. Établir une nomenclature ... 172 3.1 Inventaire des éléments constitutifs ... 172 3.2 La nomination des catégories ... 173 3.3 La nomination des sous-catégories ... 173 4. Décrire la pratique ... 174 4.1 La classification des sous-catégories ... 174 4.2 Description du déroulement ... 175 4.3 Le déroulement de l’accompagnement spirituel ... 175 4.4 Description du motif ... 179 4.5 Le motif de l’accompagnement spirituel ... 180 4.6 Description de la signification ... 181 4.7 La signification de l’accompagnement spirituel ... 181 4.8 Description de la conception ... 182 4.9 La conception de l’accompagnement spirituel ... 182 4.10 La description de l’accompagnement spirituel idéal ... 184 4.11 L’accompagnement spirituel idéal ... 184 Conclusion ... 185

CINQUIÈME PARTIE DE LA RECHERCHE ... 187

Réécrire la pratique ... 187 Chapitre 6 : La réécriture ... 188 1. Retour sur la pratique ... 188 1.1 Une pratique efficace multiforme ... 189 1.2 Que disent les récits ... 189 1.3 Analyse sémantique ... 190 1.4 Trois révélateurs de la pratique ... 191 2. Récapitulatif ... 197

(9)

ix 3. La portée identitaire de la réécriture ... 198 3.1 La réécriture de l’histoire des frères mennonites ... 199 3.2 La réécriture de l’histoire des mennonites ... 201 4. La thérapie narrative ... 203 4.1 Les bases théoriques de la thérapie narrative ... 204 4.2 L’approche constructiviste ... 205 4.3 Une perspective constitutionaliste ... 207 4.4 Le processus thérapeutique ... 208 4.5 Corrélation ... 210 5. Une pratique privilégiée ... 214 5.1 Le paysage de la pratique ... 215 5.2 Un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel ... 216 5.2.1 L’avènement de la nouvelle création dans l’accompagnement spirituel ... 216 5.2.2 Le salut anabaptiste dans l’accompagnement spirituel ... 217 5.2.3 La mission anabaptiste dans l’accompagnement spirituel ... 218 5.2.4 La christologie anabaptiste dans l’accompagnement spirituel ... 218 5.2.5 La tradition anabaptiste des ordonnances du Seigneur dans l’accompagnement spirituel ... 219 5.2.6 L’eschatologie anabaptiste dans l’accompagnement spirituel ... 221 Conclusion ... 223 Chapitre 7 : La vie narative ... 224 1. La textualité de la personne ... 225 1.1 La corporalité de la personne ... 226 1.2 La textualité et l’intertextualité de la personne ... 228 1.3 La poéticité de la personne ... 233 2. Une lettre vivante : fondement biblique de la textualité de la personne ... 238 2.1 Première partie : une lettre ou des lettres de recommandations? ... 239 2.2 Deuxième partie : une grande liberté ... 245 2.3. L’accompagnement spirituel de la vie narrative ... 248 2.3.1 Une pratique évangélisatrice de l’accompagnement spirituel ... 249 2.3.2 L’accompagnement spirituel d’une lettre vivante qui s’écrit ... 250 2.3.3 L’herméneutique de la vie narrative ... 251 Conclusion ... 254 Chapitre 8 : La fonction du mentor ... 256 1. Qu’est-ce qu’un mentor? ... 256 1.1 La relation mentorale vue au travers de l’apprentissage ... 257 1.2 La relation mentorale vue au travers de l’habilitation ... 258 1.3 La relation mentorale vue au travers d’un bon enseignement et d’une conversation ... 262 1.4 La relation mentorale vue au travers des lieux d’apprentissage ... 264 1.5 La relation mentorale vue au travers du développement psychosocial ... 268 1.6 Définition du mentor ... 270 1.7 Les phases de la relation mentorale ... 271 1.8 Les habiletés du mentor ... 273 1.9 Synthèse ... 275 1.10 L’efficacité mentorale démontrée ... 275 1.11 Bilan ... 276

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x 2. La perspective mentorale d’un apprentissage ... 277 2.1 Appropriation de la perspective mentorale ... 277 2.2 La pratique mentorale et de l’accompagnement spirituel ... 278 3. La perspective spirituelle de l’apprentissage et du discipulat ... 279 3.1 Un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel au sein des Églises mennonites du Québec ... 281 3.2 Les choses anciennes devenues nouvelles ... 282 3.3 Tableau thématique du modèle anabaptiste de l’accompagnement spirituel ... 283 Conclusion ... 285 CONCLUSION ... 286 Bibliographie ... 299 ANNEXES ... 306 Annexe 1 : Recrutement des participants – no d’approbation CERUL ... 307 Annexe 2 : Formulaire de consentement ... 308 Annexe 3 : Occurrence des sous-catégories ... 311 Annexe 4 : Répartition des sous-catégories ... 319 Annexe 5 : Regroupement des sous-catégories ... 324 Annexe 6 : Segmentation des interviews ... 325

(11)

xi

Liste des tableaux

I. Tableau thématique du modèle anabaptiste de l’accompagnement spirituel II. Occurrence des sous-catégories

III. Répartition des sous-catégories IV. Regroupement des sous-catégories

(12)

xii

À Annie, ma chère et tendre épouse

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre... Aragon

(13)

xiii

« Retourne dans ta maison et raconte

tout ce que Dieu a fait pour toi. »

Il s'en alla et proclama dans toute la ville tout ce

que Jésus avait fait pour lui.

Lc 8, 39

Il est clair que vous êtes une lettre de

Christ écrite par notre ministère, non avec de

l'encre mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non

sur des tables de pierre mais sur des tables de

chair, sur les cœurs.

(14)

xiv

Avant-Propos

Plusieurs années se sont écoulées depuis le commencement de ce projet de recherche.

Je remercie de tout cœur Guy Jobin, mon directeur de recherche, pour son encadrement académique rigoureux et constant qu’il a offert si généreusement depuis treize années pour l’achèvement de ma recherche.

Je remercie les membres de mon comité de recherche, Jean-Raymond Théorêt qui m’a ouvert la porte à l’Église mennonite, et Marcel Viau qui m’a ouvert la porte au programme de doctorat en théologie pratique.

Je remercie Céline Duval, agente de gestion des études, le personnel, les professeurs et les doctorants de la Cohorte 2003 pour la joie de vivre ensemble l’aventure du programme de doctorat en théologie pratique. Je salue Pierre Olivier Tremblay omi, Christian Busset pour l’amitié en Christ et les encouragements à persévérer.

Je remercie les pasteurs, les responsables jeunesse et les laïcs des Églises mennonites du Québec et de la France pour les récits de leurs expériences de l’accompagnement spirituel.

Je remercie le Comité central mennonite pour son soutien. Je remercie Stéphane Rhéaume, pasteur, et Andrée Rochon, membre de l’Église des frères mennonites de Saint-Eustache et Mario Marchand, pasteur de l’Église mennonite Ichtus de Loretteville pour l’inspiration de leurs accomplissements académiques et littéraires.

Je remercie tendrement ma famille et mes enfants Jeanne, Eve et Micaël pour leur soutien fidèle et indéfectible tout au long du projet.

Je remercie mon épouse Annie pour son aide et son apport inestimable à l’écriture et à la relecture de tous mes travaux académiques du programme de doctorat en théologie pratique.

(15)

1

INTRODUCTION

(16)

2

1. Sujet de recherche

Le sujet de recherche de ma thèse est la pratique de l’accompagnement spirituel dans les Églises mennonites québécoises. Le recours au récit sert d’assise à cette recherche en théologie pratique. J’opte conséquemment pour l’emploi du « je » dans la rédaction de la thèse pour des raisons de style et d’épistémologie1. L’emploi du « je » crée un espace propice pour l’expression des idées personnelles et la narration des récits. Il crée une association harmonieuse entre la théorisation et la description des expériences dans une tonalité affective d’authenticité. L’emploi du « je » aura pour effet de personnaliser la thèse en un récit et de révéler l’histoire sous-jacente à la question de recherche.

La formulation de ma question de recherche est descriptive. Je formule une question qui propose l’utilisation des récits et du mentorat comme vecteur de l’accompagnement spirituel. Ma question de recherche se lit comme suit : « Comment le récit du mentoré informe la fonction du mentor dans un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel au sein des Églises mennonites du Québec? ».

2. Contexte de la recherche

La pratique de l’accompagnement spirituel dans les Églises mennonites québécoises est l’objet de ma recherche. Pour cette raison, je juge à propos de faire connaître dès le début de la thèse le contexte de la pratique de l’accompagnement.

2.1. Dynamique des influences

Le discours théologique et les diverses expressions de la foi en Christ des Églises mennonites se fondent sur l’autocompréhension des anabaptistes et les diverses pratiques qui en découlent. La résolution commune des anabaptistes était de « suivre Christ ». La mise en pratique quotidienne de l’enseignement de Jésus tel que trouvé dans le Sermon sur la montagne a prévalu sur les

1 André Forget Ph. D, Guide de présentation des travaux universitaires, Juillet 2009,

http://www.enap.ca/enap/docs/Portail_etudiant/Services_offerts/Guide_pour_redaction/Guide_presentation_travaux_ %20janvier_2012-02-15.pdf, (page consultée le 24 septembre 2010), « Dans certaines disciplines dont

l’anthropologie (ethnographie) et la sociologie (études féministes, postmodernistes, poststructuralistes, etc.), l’emploi du “je” peut être accepté pour des raisons épistémologiques ».

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3

discours théologiques et doctrinaux. Cette approche pragmatique a engendré une spiritualité pratique2. De cinq siècles d’anabaptisme, il se dégage une théologie anabaptiste dont les principaux éléments sont : l’autorité de la Bible, le salut par grâce et le discipulat, le baptême des adultes et la communauté, le repas du Seigneur, le sacerdoce du peuple de Dieu, la séparation de l’Église et de l’État, le partage économique et le pacifisme3.

Je travaille pour le Comité central mennonite (MCC) et je suis membre de l’Église des Frères mennonites. Cette situation m’expose à de multiples influences. Le personnel des bureaux du MCC au Canada et les membres des Églises mennonites à l’extérieur de la province de Québec comptent des personnes dont les parents ou les ancêtres sont nés en Russie et ont pour langue maternelle le bas-allemand. La spiritualité de ces personnes s’est affinée avec le temps et reflète l’apprentissage de l’Évangile transmis par les générations précédentes. L’étendue de leur mise en pratique de l’Évangile est ecclésiale, sociale, culturelle. La diversité des institutions, des sociétés, des missions et des agences mennonites témoignent de cette réalité4.

Au Québec, le personnel du bureau du MCC et les membres des Églises mennonites rassemblent des personnes majoritairement issues du catholicisme et de la culture francophone. Ces personnes ont été rebaptisées à l’âge adulte5. La spiritualité de ces personnes est pionnière et reflète

l’apprentissage de l’Évangile acquis par la première génération6. L’étendue de leur mise en

pratique de l’Évangile est ecclésiale. Le patrimoine institutionnel comprend une école biblique, une colonie de vacances, un périodique et dessert l’ordre du jour ecclésial7. L’Église mennonite québécoise est issue d’efforts missionnaires entrepris dans les années 1950 par des mennonites

2 Ernest Hege, Vision et spiritualité anabaptistes, Montbéliard, Éditions Mennonites, 2001, p. 7.

3 Arnold C. Snyder, Graines d'anabaptisme: éléments fondamentaux de l'identité anabaptiste, Montbéliard, Editions Mennonites, 2000, p. 15, « L’autorité des Écritures, le rôle primordial du Saint-Esprit, le salut par la conversion grâce à l’Esprit vivant de Dieu et une vie de disciple, tels étaient les accents les plus importants particuliers aux anabaptistes ».

4 John H. Lohrenz et Abe J. Dueck, « General Conference of Mennonite Brethren Churches » [http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/G463ME.html] (consulté le 23 décembre 2010). 5 L’âge des candidats au baptême varie, mais l’âge minimal se situe aux alentours de 10 ans

6 L’Église des Frères mennonites et l’Église mennonite du Québec entrent dans leur troisième génération de membres baptisés.

7 Jean-R. Théorêt, « Quebec Conference of Mennonite Brethren Churches »

[http://gameo.org/index.php?title=QuebecConference_of_Mennonite_Brethren_Churches] (consulté le 22 décembre 2010).

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4

canadiens d’arrière-plan culturel russe. Le fruit de l’effort missionnaire culmine dans les années 1970 avec des conversions nombreuses qui donnent jour à une dizaine d’Églises locales8.

L’identité de l’Église mennonite québécoise est hybride. Plusieurs influences pénètrent sa jeune histoire. Il y a, par exemple, le contexte de son établissement en sol québécois. L’Évangile a été apporté par un couple missionnaire mennonite rapatrié du Congo en 1960 en raison de l’instabilité politique qui prévaut au pays. La mission se déplace au Québec afin d’entreprendre l’évangélisation de la population québécoise9. L’arrière-plan catholique de la majorité des membres de l’Église mennonite québécoise laisse deviner le labeur des missionnaires pour implanter des Églises locales au Québec. L’invitation à croire et à se convertir à Christ pour le pardon de ses péchés et le don de la vie éternelle se heurte au refus, à l’incrédulité, à l’opposition, mais des conversions au Seigneur surviennent. Les douleurs de l’enfantement s’accompagnent de la joie que procure la naissance de petites assemblées mennonites à Saint-Laurent, Saint-Jérôme, Sainte-Thérèse, Saint-Eustache et Sainte-Rose. La croissance numérique des années 1970 a été fondée sur une théologie kérygmatique saine, mais aux accents réducteurs. Une autre influence de son histoire a été la littérature édifiante francophone qui provenait de traduction d’ouvrages fondamentalistes américains et d’ouvrages calvinistes, aux accents piétistes, de France et de Suisse. Enfin, les années 1990 ont été marquées par la formation théologique de premier cycle et de deuxième cycle du leadership de nos Églises dans les collèges et les séminaires canadiens et américains des Frères mennonites. Ces années marquent le début d’une appropriation de la théologie anabaptiste. Le déclin de la pratique religieuse dans la société québécoise est un phénomène observé dans les Églises mennonites. La transmission de la foi intergénérationnelle constitue le défi récurrent de l’Église des Frères mennonites.

8Jean-R. Théorêt, « Quebec Conference of Mennonite Brethren Churches »

[http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/Qu4345ME.html] (consulté le 29 décembre 2010). « Il y a deux associations d’Églises mennonites au Québec : les Frères mennonites comptent 530 membres et dix Églises; et les mennonites comptent 100 membres et trois Églises. Les deux conférences collaborent à des projets communs particuliers. »

9 James R. Nikkel, « Canada Inland Mission (Canadian Conference of Mennonite Brethren Churches) »

[http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/canada_inland_mission_canadian_conference_of_mennonite_brethre n_church] (consulté le 23 décembre 2010).

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5

2.2 Problème identitaire

Ces données théologiques, historiques, sociales et culturelles jalonnent mon terrain d’intervention. Mon emploi d’administrateur et de coordonnateur de programmes pour le MCC m’introduit auprès de communautés et de personnes de différents horizons et parcours. Certaines sont issues du milieu mennonite d’arrière-plan suisse ou russe, certaines viennent de communautés mennonites ou évangéliques ayant un arrière-plan catholique et parfois certaines proviennent d’Églises mennonites françaises, suisses, congolaises, burkinabés, américaines. Le dénominateur commun de ces communautés et de ces personnes est la foi en Christ, mais l’articulation de cette foi s’exprime différemment selon leur lieu d’appartenance. Je constate une diversification sur le comment « suivre Christ ». Il y a une pluralité de l’expression mennonite. Certains se consacrent aux œuvres sociales faites au nom du Christ, mais récusent la légitimité d’évangéliser; certains militent pour le pacifisme et la défense des droits des personnes marginalisées, mais négligent la vie de l’Esprit; certains accomplissent des œuvres sociales, mais avouent des motifs d’évangélisation. La pluralité de l’expression mennonite donne cours à des identifications disparates. Cette disparité évoque un problème identitaire, du moins la difficulté de s’identifier. La question de recherche s’élabore à partir de ce problème identitaire.

2.3 Problème du discours narratif

Je suis membre de l’Église mennonite depuis plus de 40 ans. Mon appartenance à l’Église mennonite alimente la trame de mon récit. J’étais étranger et ils m’ont accueilli, et depuis, mon récit s’entrecroise avec leur récit. Au fil des ans, j’ai pris conscience d’un problème identitaire : la difficulté d’harmoniser l’identité mennonite et l’identité québécoise. L’Église mennonite est issue des groupes anabaptistes de la réforme du 16e siècle. Est-il envisageable de délimiter une frontière entre la culture et la théologie de manière à différencier, dans la mesure du possible, la culture mennonite et la théologie anabaptiste? Cette hypothèse envisage l’appropriation de la théologie anabaptiste pour résoudre ce conflit identitaire. Une question sous-jacente à ce malaise identitaire concerne l’épanouissement de l’individualité au sein de la communauté et l’influence de la tradition religieuse. À cet effet, l’apport de la tradition religieuse et culturelle dans la quête identitaire d’une personne et d’une collectivité est en cause. Cette observation me conduit vers la valorisation et l’appropriation de la théologie anabaptiste pour l’accompagnement de personnes.

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6

Je projette l’idée de faire appel à la théologie anabaptiste pour accompagner la personne dans le développement de son identité lors de la narration de son récit. Ultimement, l’action de s’approprier la pensée des anabaptistes sert à nommer la fonction de mentor dans un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel.

3. Pertinence de la recherche

Quoique son histoire regorge de témoignages de femmes et d’hommes dont la vie est solidement ancrée dans la foi biblique, la tradition anabaptiste, à laquelle adhèrent l’Église mennonite québécoise et le MCC Québec, n’a pas à ce jour proposé un modèle d’accompagnement spirituel10. Cette recherche se penche sur ce besoin. L’absence de modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel ne signifie pas l’absence d’une pratique d’accompagnement dans l’Église mennonite du Québec, mais signale le besoin d’élaborer une pratique fondée sur sa tradition. La question de recherche oriente ma recherche vers l’identification de la pratique actuelle de l’accompagnement spirituel dans les Églises mennonites québécoises en vue d’une pratique d’accompagnement fondée sur la tradition anabaptiste.

J’explique l’orientation de la question de recherche par des motifs d’ordre biblique, philosophique et narratif. En premier lieu, la Bible fait état de la narrativité de la personne. Dans la deuxième épitre aux Corinthiens, Paul emploie une métaphore expressive pour étayer la défense de son ministère. Il emploie l’image d’une lettre qui s’écrit avec de l’encre pour décrire la nature incontestable de son ministère dans l’Église de Corinthe. Je découvre dans la métaphore d’une lettre vivante écrite par l’Esprit et le dirigeant spirituel le parfait fondement pour établir un accompagnement spirituel axé sur la narrativité de la personne11. En deuxième lieu, l’idée de camper l’accompagnateur dans le rôle de mentor se comprend à la lumière de l’histoire de Mentor à qui Ulysse confia la gérance de ses biens et l’éducation de son fils Télémaque. Mentor

10 Le texte utilise l’appellation mennonite comme nom générique pour désigner l’ensemble des mennonites autrement le texte utilisera l’appellation distinctive (Église des Frères mennonites ou Église mennonite) de la communauté lorsque requis.

11« C’est vous qui êtes notre lettre, écrite dans nos cœurs, connue et lue de tous les hommes. Vous êtes

manifestement une lettre de Christ, écrite, par notre ministère, non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les cœurs. » 2 Co 3,2-3.

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s’avère, en l’absence du père, le guide spirituel et moral qui prodigue conseils et savoir12. Enfin, en regard avec la question de recherche, la pratique d’accompagnement imaginée a une visée autobiographique. Le récit du mentoré, du mentor et du Christ meublent l’espace de l’accompagnement pour révéler comment le rapport d’appartenance culturelle et religieuse du mentoré favorise ou non la narration de toutes ses expériences vécues. L’accompagnement du mentor guide le mentoré dans la narration intégrale de son récit et dans l’identification de sa vérité en Christ.

L’utilisation des récits et de la fonction de mentor a pour visée la mise en place d’une pratique anabaptiste d’accompagnement spirituel. La perspective envisagée est celle d’une spiritualité pratique intégrale, une identité anabaptiste assumée, l’unité communautaire.

4. Originalité, portée et limites de la recherche

La tradition de recherche sur le mentor et le mentorat d’ordre social ou spirituel est volumineuse et diversifiée, mais le chercheur fera face à une pénurie de documents en ce qui a trait à la fonction de mentor dans un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel. La rareté de la littérature dans le cercle mennonite sur le mentorat ne signifie pas l’absence d’une pratique d’accompagnement, mais atteste de l’originalité de la question de recherche. Enfin, il est étonnant de constater qu’un grand nombre d’universités à travers le pays prodiguent des services de mentorat aux étudiantes et aux étudiants, mais que la formation universitaire en mentorat est une rareté et une nouveauté à l’état embryonnaire.

La portée et les limites de cette recherche répondent à des facteurs internes et externes de mon terrain d’intervention. J’identifie six besoins associés à la question de recherche. L’ordre de présentation n’est pas hiérarchique, mais indique l’interdépendance des besoins.

1) L’absence d’un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel :

L’essence de cette recherche porte sur la fonction de mentor et de l’accompagnement spirituel que je tente de définir à partir de la tradition anabaptiste. La théologie anabaptiste a été

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réhabilitée dans l’Église mennonite de l’Amérique du Nord par la parution du livre de Harold S. Bender, intitulé Anabaptist Vision, en 194413. L’influent historien mennonite défend l’idée romantique d’un anabaptisme pur et original qui commence à Zurich en 1525 et qui traverse les siècles intégralement malgré quelques déviations. L’anabaptisme original a survécu sans altération et a été transmis sans interruption dans l’Église mennonite.

La thèse de Harold S. Bender d’une genèse unique de l’anabaptisme a été reléguée au second plan depuis que des historiens ont attiré l’attention sur la diversité des enseignements, des pratiques et des origines historiques des différents groupes anabaptistes du 16e siècle. L’approche de la polygenèse mise de l’avant par ces historiens a révolutionné le champ d’étude de l’histoire et de la théologie anabaptiste14. L’histoire d’un anabaptisme pur et original ne correspond pas aux différences observées parmi les anabaptistes. Cette diversité au sein du mouvement anabaptiste nous éclaire sur le développement de la tradition anabaptiste et la création des confessions mennonites, huttérites, frères en Christ et amish. Ces confessions partageaient un ensemble de convictions communes, mais elles se distinguaient les unes des autres par leur accent respectif mis sur des enseignements et des pratiques bibliques.

La tradition et la théologie anabaptiste ont été épurées au creuset du temps. L’anabaptisme a inspiré le meilleur comme le pire des scénarios. Il s’est cantonné dans le légalisme et le séparatisme comme il a détrôné le dogmatisme et l’élitisme15. L’histoire anabaptiste nous sert

d’exemples à suivre et à éviter, de voies à poursuivre et à réformer. Les expressions de la vie chrétienne peuvent être étouffantes ou épanouissantes. Mon travail pour le Comité central mennonite du Québec m’introduit auprès de membres de confessions anabaptistes traditionnelles, progressistes et libérales. Ces personnes incarnent dans leur service des compréhensions de la suivance de Christ. La nature de mes contacts avec ces personnes originaires de l’Amérique, de l’Europe et de l’Afrique justifie cette recherche sur un accompagnement spirituel vers des pratiques toujours plus épanouissantes. La question de recherche suggère l’utilisation du récit et

13 Harold S. Bender, The Anabaptist Vision, Waterloo, Ontario, Herald Press, 1944.

14 James Stayer, Werner Packull et Klaus Depperman ont inventé le terme polygenesis pour décrire les origines multiples de l’histoire anabaptiste et de l’anabaptisme. Dans Anabaptist History and Theology : Revised Student

Edition, p. 5. Je propose l’usage du mot polygénèse comme équivalent.

15 Les mennonites de souche ont développé une théologie de séparation sociale qui a engendré des pratiques sectaires, mais qui en contrepartie ont démocratisé les pratiques de l’Église. Le sacerdoce universel de tous les croyants est un concept vérifiable dans les Églises mennonites québécoises.

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de la fonction de mentor pour favoriser la diversité des pratiques et l’authenticité des expériences individuelles dans son milieu de vie.

2) La collectivité québécoise en manque de modèles :

Les conclusions d’une recherche-action dans le diocèse de Saint-Jérôme auprès des adolescents et des adolescentes déplorent la rareté de points de repère pour ces jeunes personnes livrées à elles-mêmes16. Le rapport intergénérationnel pose problème. Les adultes minent le processus d’identification en demeurant d’éternels adolescents17. Au nombre des solutions proposées pour remédier au drame engendré par une société adolescentrique se trouve la rencontre d’adultes authentiques. La rencontre assidue d’un homme, d’une femme adulte mature qui s’intéresse au parcours de la jeune personne à l’adolescence change le drame en espoir. L’adolescente, l’adolescent bénéficie beaucoup de ces rencontres mêlées de compréhension, d’affirmation, de confrontation. La jeune personne découvre son identité, apprend à s’assumer et aspire à devenir adulte18.

La solution au drame identitaire des adolescentes et des adolescents requiert des rencontres avec une femme, un homme adulte mature. La collectivité québécoise doit susciter des modèles susceptibles d’être imités par la génération montante. Les jeunes personnes des Églises mennonites du Québec ont pareillement besoin de rencontres avec une personne adulte mature pour se laisser attirer par le projet d’une vie assumée. Mon terrain d’intervention dépasse les bureaux administratifs. Mon travail s’accomplit au sein des Églises mennonites et de la société québécoise. Je vis et je travaille en présence d’une jeunesse aux aguets. La question de recherche s’intéresse à la quête des jeunes et propose la fonction de mentor pour les accompagner dans leur parcours.

16 Jacques Grand Maison (dir.), Le drame spirituel des adolescents. Profils sociaux et religieux, Montréal, Fides, 1992, p. 94.

17 Michael P. Jensen, The Tower Building, New York, Publisher Bloomsbury T&T Clark, 2010, p. 24. « The widespread phenomenon of ‘extended adolescence’ in contemporary Western culture signifies that there is perhaps a greater difficulty in the quest for the self than was experienced in the past, a greater dissatisfaction with the answers on offer, given the disappearance of traditional ‘horizons of significance’; and a greater unwillingness to ‘settle down’ and be more shaped by the expectations of a less flexible set of relationships. So, the promise of a return to an uncorrupted ideal of authenticity is an appealing notion. », p. 24.

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10 3) La polarisation des enjeux spirituels :

Une contribution de la tradition spirituelle anabaptiste concerne les applications d’une vie vécue dans la soumission de Dieu et la dépendance du Saint-Esprit. Les écrits anabaptistes insistent sur la notion que la suivance de Christ et la vie de disciple n’est possible que par l’intervention de la grâce de Dieu et de l’assistance du Saint-Esprit19. Ces vérités maintes fois répétées font échec à un christianisme réduit à une philosophie de vie qui s’aligne sur une éthique du Sermon de la montagne. Le behaviorisme chrétien se montre déficient pour vivre la vie en Christ.

Je côtoie constamment sur mon terrain d’intervention des personnes aux prises avec une polarisation des enjeux spirituels. Je me retrouve en présence de personnes totalement préoccupées par le ciel ou par la terre, par la chair ou par l’esprit, par la contemplation ou par l’activisme. La vie de l’Esprit idéale est holistique et intégrale, elle a les deux pieds ancrés sur la terre et le cœur au ciel. Cette polarisation des enjeux spirituels motive la question de recherche sur la fonction de mentor dans un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel.

4) La croissance spirituelle avec un mentor :

Les Écritures regorgent d’exemples de mentorat spirituel : Moïse et Josué; Élie et Elysée; Naomi et Ruth; Jésus et Pierre, Jean et Jacques; Paul et Timothée. La relation mentorale joue un rôle primordial dans la formation de disciple de la tradition chrétienne parce qu’il s’agit d’une des meilleures façons de progresser dans la vie spirituelle. L’enseignement gagne en efficacité lorsqu’il est appuyé par l’exemple. Le mentor incarne l’enseignement et la personne mentorée imite la vie du mentor20. La pertinence de la question de recherche par rapport au terrain d’intervention a une visée d’utilité et d’efficacité. La relation mentor/mentoré crée une synergie favorable à la croissance spirituelle et à la multiplication du leadeurship.

19 La suivance est un néologisme en usage parmi les mennonites francophones pour exprimer l’action de suivre l’exemple, les enseignements et la personne de Jésus-Christ. Le néologisme « suivance de Christ » correspond à la locution latine sequela christi de la spiritualité chrétienne. « Chrétiens protestants mennonites. Qui sommes-nous ? » [http://eglise-lamorlaye.fr/qui-sommes-nous.html] (consulté le 20 décembre 2016). « Nous sommes mennonites : nous considérons la vie chrétienne comme une « suivance » du Christ, d'où la prise en compte de la non-violence et une conception communautaire et non hiérarchique de l'Église ».

20 Keith R. Anderson, Spiritual Mentoring: A Guide for Seeking and Giving Direction, Illinois, InterVarsity Press, 1999, p. 25.

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11 5) La mouvance des repères identitaires :

La fonction de mentor dans un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel s’incarne dans la culture québécoise postmoderne, séculière et multiculturelle. Un lieu où il fait bon vivre, mais où une personne sur trois vit seule21. Le tissu social québécois s’enrichit des fibres culturelles et religieuses des nations qui s’intègrent à la trame de son histoire. Montréal est un carrefour de valeurs traditionnelles et postmodernes. La rencontre des cultures et des religions implantées au Québec est un phénomène transformateur qui requiert une faculté d’adaptation, d’improvisation et d’innovation. Notre histoire s’écrit comme une intrigue. Il est compréhensible d’éprouver un sens de désarroi devant tant de changements et de trouver refuge dans un attentisme ambiant ou dans un style de vie en rupture avec ses traditions.22 La collectivité, sous certains égards, se cantonne dans l’immédiat. La personne banalise sa destinée dans la trivialité du quotidien. Ce refus de s’engager témoigne d’une quête momentanément figée. Il y a plus d’une raison capable d’expliquer cette peur de l’avenir, mais à la source il y a un manque, un vide. Les repères ont disparu. La fonction de mentor s’inscrit dans cette réalité. L’inertie de la majorité silencieuse est chargée de sens, de questions à poser. Y-a-t-il un sens à la vie? Qui est Dieu? Qui suis-je? Comment vivre sa vie? Qui est mon prochain? Le mentor s’intéresse aux questions du sens de la vie. Il s’occupe de ces questions lorsqu’il assure la fonction d’accompagner le mentoré pour qu’il imprègne de sens son récit.

6) Discours et pratique :

Le discours et la pratique révèlent la correspondance entre les paroles et les actions et vice et versa. Les discours théologique, doctrinal, confessionnel me préoccupent, car ils s’ouvrent sur une prospective et un mode de vie. La sécularisation de la société québécoise et la postmodernité changent les paradigmes interprétatifs. La vérité se dit différemment. La pluralité religieuse et culturelle de Montréal constitue un micro-territoire des nations du monde23. Il faut maintenant

21 Erik Cimon, Myriam Bouchard, Yin Yang. Le célibat, Production Soma/Avanti Ciné-Vidéo, Québec, 2004. 22 Jocelyn Maclure et Alain-G. Gagnon (dir.), «Débat identitaire et éthique du dialogue en contexte québécois », dans

Repères en mutation. Identité et citoyenneté dans le Québec contemporain, Montréal, Éditions Québec Amérique,

2001, p. 15.

23 Micheline Labelle, « Options et bricolage identitaire dans le contexte québécois », dans Repères en mutation.

Identité et citoyenneté dans le Québec contemporain, Montréal, Éditions Québec Amérique, 2001, p. 320. « Dans

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composer avec ces notions et plus particulièrement avec la pluralité et lasubjectivité. Comment concilier le discours théologique, doctrinal, confessionnel et la pratique axés sur la proclamation de l’Évangile et la suivance de Christ avec la coexistence pacifique interreligieuse? Comment honorer la foi et la spiritualité des nations dans l’espace public de Montréal comme du Québec tout en demeurant cohérent et fidèle à sa foi et à sa tradition ? La question qui est soumise à la recherche s’élabore autour de ces préoccupations.

5. Retombées de la recherche

Cette recherche propose une pratique réfléchie sur l’utilisation des récits du mentoré pour l’accompagnement spirituel selon une perspective anabaptiste par un mentor. Cette pratique pourra servir de catalyseur aux pratiques observées dans les Églises mennonites du Québec.

6. Itinéraire de la recherche

La thèse de cette recherche comprend cinq parties réparties sur 8 chapitres. Les cinq parties constituent une suite d’actions servant à réfléchir, décrire, saisir, raconter et réécrire la pratique. La question de recherche évoque l’utilisation des récits et du mentorat comme vecteur d’accompagnement spirituel. Fidèle à l’approche narrative, j’aborde la narrativité comme un phénomène pour la recherche et une méthode de recherche24. Ainsi, deux récits porteurs d’identité trouvent place dans l’entredeux de l’introduction et du premier chapitre. Ces deux récits portent ma signature et tiennent lieu de propos liminaires pour situer la pratique de l’accompagnement spirituel dans son contexte. La narration de ces récits amorce la saisie de la pratique dans son point d’ancrage et me positionne vis-à-vis mon terrain d’intervention.

subvertir le discours réducteur, celui de la totalité. Le Québec peut se raconter et se dire autrement qu'au moyen des dichotomies blancs autochtones ou blanc noires ou québécoises ethnies et ce, sans tomber dans le leurre d'une citoyenneté abstraite et niveleuse. Au contraire, une citoyenneté différenciée au multiculturel suppose la reconnaissance publique de la diversité comme principe, mais n'enferme pas les groupes porteurs d'un marqueur identitaire divers dans une spécificité exclusive, qu'elle soit ethnique ou racisée. ».

24 D. Jean D. Clandinin et F. Michael Connelly, Narrative Inquiry: Experience and Story in Qualitative Research, San Francisco, Jossey-Bass, 2000.

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6.1 Première partie : Question de recherche et questionnement

L’énoncé de la problématique identitaire s’articule autour de données théologiques, historiques et culturelles observées au sein des Églises mennonites québécoises. Mon travail d’administrateur et de coordonnateur des programmes pour le Comité central mennonite du Québec occasionne des relations avec des personnes de diverses provenances. Ce travail demande l’accompagnement des personnes pour la mise en chantier des projets. Ce travail d’accompagnement des personnes, en privé ou en groupe, fait ressortir la nécessité d’un accompagnateur dont la fonction consiste à inviter la personne à faire le récit de son expérience du projet. Il ressort que malgré une appartenance confessionnelle commune, l’articulation de la foi en Christ varie d’une personne à l’autre. Le discours donne jour à des pratiques dissemblables et à des expressions diversiformes de l’identité confessionnelle. Cette problématique identitaire prépare la voie à la question de recherche et aux questions sous-jacentes.

La question de recherche est la suivante : « Comment le récit du mentoré informe la fonction de mentor dans un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel au sein des Églises mennonites du Québec? ». La formulation de la question de recherche expose un procédé d’accompagnement à l’égard de la diversification de l’identité confessionnelle observée dans mon terrain d’intervention. La mise en œuvre de la question de recherche dans les Églises mennonites québécoises constitue une pratique d’accompagnement spirituel axée sur les récits et le mentorat et modelée sur une perspective anabaptiste. La question de recherche oriente la recherche vers une compréhension approfondie de la tradition anabaptiste, de la communauté mennonite, de la narrativité et du mentorat.

Je consacre la première partie de la recherche à me positionner en regard de la question de recherche. Les deux premiers chapitres servent à démontrer comment j’entends réfléchir la pratique à partir d’une perspective anabaptiste (chapitre 1) et d’une théologie narrative (chapitre 2).

Le chapitre 1 présente un contenu historique sur les origines polygénétique du mouvement anabaptiste. Je m’aide de l’ouvrage de l’historien mennonite Arnold C. Snyder pour présenter le contexte des croyances essentielles du discours théologique des quatre principaux groupes

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historiques d’anabaptistes25. Le chapitre avance la théorie d’un motif commun entre les divers groupes anabaptistes comme base de réflexion à une perspective anabaptiste.

Le chapitre 2 examine les matériaux constituants de la théologie narrative. Je commente divers textes de théologiens sur la narrativité : 1) ces textes examinent l’unité narrative de la vie humaine à partir des vertus (l’être); 2) ces textes établissent la nature narrative inhérente à la vie à partir des expériences (le faire); 3) ces textes interprètent les éléments internes et externes du récit religieux à partir d’une définition de la révélation divine; 4) ces textes théorisent sur le rôle d’une théologie narrative systématique à partir d’éléments fondamentaux du récit (la performance); 5) ces textes sont commentés en relation avec des considérants philosophiques. Ce chapitre pose l’assise de la trame de la narrativité selon une perspective anabaptiste.

Ce positionnement révèle ma manière d’exécuter la tâche théologique pour saisir la pratique en cours au sein des Églises mennonites, pour l’analyser, la repenser et la réintroduire en une pratique réflexive au sein des Églises mennonites.

6.2 Deuxième partie : Revue de littérature

La revue de littérature permet de décrire et de nommer la tradition religieuse de l’Église mennonite du Québec. Elle entame la démarche d’un processus critique de valorisation et d’appropriation de la tradition anabaptiste. J’entends par ce moyen établir l’identité québécoise et par mode corrélatif valoriser les appartenances identitaires de la personne dans une tradition religieuse. Le chapitre 3 fait appel à un corpus de littérature sur la pratique pour examiner le problème identitaire à la source de la question de recherche. L’ensemble des textes font état des lieux de la spiritualité pratique au sein des Églises mennonites et confirment mes intuitions et mes observations sur la dynamique des appartenances identitaires des personnes.

La tradition de recherche sur la spiritualité pratique des anabaptistes ne contient pas de texte sur la fonction de mentor telle qu’imaginée par la question de recherche. Néanmoins le corpus alimente la question sur 1) les orientations théologiques et philosophiques de la spiritualité pratique des mennonites, de ses accents et de ses lacunes; 2) l’expérimentation de contraintes

25 Arnold C. Snyder, Anabaptist History and Theology: Revised Student Edition. Kitchener, Ontario, Pandor Press, 1995, p. 5.

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culturelles de la tradition mennonite sur la spiritualité pratique anabaptiste; 3) les aveux d’un manque de savoir-faire et d’emprunts à la tradition catholique pour pallier les lacunes ou remédier à cette carence de la tradition mennonite; 4) les éléments forts d’une spiritualité anabaptiste pour l’avenir et les correctifs pour sa concrétisation.

La revue de littérature s’accompagne d’une réflexion théologique rédigée avec une préoccupation pour une pratique épanouissante à la gloire de Dieu.

6.3 Troisième partie : Méthodologie

Le chapitre 4 se concentre sur la méthodologie pour saisir la pratique qui a cours au sein des Églises mennonites du Québec. Je justifie dans cette partie le choix de la méthode narrative pour mener à bien la recherche. Une brève présentation du problème identitaire relié à la question de recherche permet de vérifier la pertinence du choix de l’approche narrative. Un exposé détaillé de l’épistémologie de cette approche laisse voir : 1) l’importance des récits comme source de l’identité; 2) la présence des récits dans la vie et les sciences sociales; 3) le cadre philosophique de l’interprétation des récits; 4) et la méthode de classification et d’organisation pour l’analyse des récits. Cette partie se termine par une réflexion sur le lien entre le problème identitaire énoncé dans la question de recherche et la méthode retenue. Je limite mon propos sur l’adéquation de la méthode pour les fins recherchées. Dans une partie ultérieure, je reprends le sujet de la méthode narrative pour expliquer la mutation de la méthode de saisie en pratique d’accompagnement spirituel.

6.4 Quatrième partie : Cadre d’analyse

Cette partie de la recherche raconte la pratique à partir des récits recueillis lors des interviews. Cette partie de la recherche porte sur le cadre d’analyse et l’analyse des données. Le chapitre 5 présente le mode de l’approche structurelle catégorie-contenu qui est employé pour classifier et organiser l’analyse des récits. Les catégories ciblées par les questions semi-dirigées de l’interview focalisent sur 1) le déroulement d’une session d’accompagnement; 2) le motif d’une demande d’accompagnement; 3) la signification de la relation mentor/mentoré, accompagnateur/accompagné; 4) la conception de l’accompagnement/du mentorat; 5) la description d’une rencontre idéale. La structuration des catégories et des sous-catégories sert à

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dégager le discours thématique pour raconter la pratique. Cette étape charnière de la recherche valide les postulats du cadre théorique imaginé par la question de recherche.

6.5 Cinquième partie : Cadre théorique

La cinquième partie de la recherche réécrit la pratique à partir du descriptif de la pratique identifiée et de la question de recherche. Cette partie consiste en un travail d’arrimage des éléments identifiés au cours de la cueillette des données, de l’analyse et de l’interprétation. Cette étape s’échelonne sur trois chapitres. Le chapitre 6 imagine une pratique différente de préférence à la pratique actuelle. J’emprunte cette approche à la thérapie narrative qui invite le sujet à réécrire un récit préféré pour se défaire d’un récit problématique. Cette approche est mise en corrélation avec un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel. J’énumère les éléments architecturaux de cette approche pour démontrer leur applicabilité selon une perspective anabaptiste. J’expose comment écrire et réécrire les récits préférés à partir de la narration proclamatrice du récit de Christ et de la célébration du repas du Seigneur. Ce chapitre se lit comme le devis d’une construction. Le plan laisse voir l’ensemble de la construction. Les chapitres subséquents s’alignent sur cette assise pour détailler leurs apports.

Le chapitre 7 répertorie les diverses approches herméneutiques disponibles pour interpréter les textes bibliques. J’expose les forces et les faiblesses de l’herméneutique anabaptiste. Je défends l’idée de soumettre cette herméneutique communautaire aux questions débattues sur la place publique. Cet intérêt pour les herméneutiques de la vie rencontrée sur la place publique vise à décloisonner les interprétations captives de la dogmatique et à actualiser le récit de Christ.

Je présente le sommaire d’une interprétation du texte biblique de la deuxième lettre de Paul aux Corinthiens pour introduire le concept biblique de la textualité de la vie et de la nécessité d’être une auteure, un auteur public. Un premier ouvrage sur la biographie comme base théologique et un second sur la doctrine chrétienne comme source identitaire du récit étayent le concept.

Je discute ensuite du concept biblique de la textualité de la vie en Christ en conversation avec quatre textes d’auteurs différents dont deux femmes mennonites. Ces textes parlent 1) des actions du sujet comme agent de connaissance de soi; 2) de la textualité du sujet comme base expérimentale d’une spiritualité postmoderne; 3) de l’intertextualité de nos vies pour une

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herméneutique anabaptiste féministe. Je trace des parallèles avec la diversification identitaire du comment suivre Christ rencontrée sur le terrain d’intervention. Cet exercice cherche à réconcilier une vision binaire du discipulat observée parmi les mennonites et qui oppose dévotion et vie intérieure à éthique de l’obéissance26. Le concept biblique de la textualité de la vie en Christ démontre que les actions et les pensées du sujet établissent l’identité. L’orthodoxie des croyances et la praxéologie sont sources identitaires complémentaires. L’une ne va pas sans l’autre.

Le chapitre 8 dresse premièrement un inventaire des pratiques du mentorat tout en tenant compte des théories qui militent en faveur ou en opposition d’une pratique du mentorat. La découverte des constituants théoriques de la pratique de mentor est ensuite mise en rapport avec une théologie anabaptiste de l’accompagnement spirituel. En second lieu, je justifie le choix du concept de mentor en lien avec la perspective anabaptiste du discipulat. Je réponds ainsi à la question de savoir en quoi ce concept emprunté à la mythologie grecque s’agence avec un mouvement radical de la Réforme du 16e siècle. En troisième lieu, je démontre en quoi et comment la fonction de mentor offre des voies nouvelles pour l’accompagnement spirituel en regard avec la tradition anabaptiste qui n’a pas mis par écrit de modèle d’accompagnement spirituel.

Ce dernier chapitre de la cinquième partie s’insère dans la problématique identitaire énoncée dans projet du chercheur qui demande « comment le récit du mentoré informe la fonction du mentor dans un modèle anabaptiste d’accompagnement spirituel au sein des Églises mennonites du Québec? ».

26 Arnold C.Snyder, « Modern Mennonite Reality and Anabaptist Spirituality: Hubmaier’s Catechism of 1526 », The

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PROPOS LIMINAIRES

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Déclaration liminaire

La narration de mes récits s’avère une étape obligée de ma recherche sur la pratique de l’accompagnement spirituel. L’insertion de mes récits aux chapitres de l’ouvrage s’inscrit dans la logique que le récit est à la fois sujet et méthode de recherche. C’est une chose communément admise en méthode de recherche narrative que d’inclure et de commencer la recherche avec le récit du chercheur. Le récit de son expérience apporte un éclairage inattendu au problème que la recherche examine. Le récit du chercheur pose un regard personnel sur le problème à l’étude. Son récit s’avère utile pour décrire le problème d’une manière qui échappe à la littérature de recherche. Il s’en suit une conversation utile entre les théories de la littérature de recherche qui expliquent le problème et les récits de la recherche qui décrivent l’expérience du problème1. S’il est vrai que le récit du chercheur subjectivise la recherche, en revanche, son récit raconte une expérience authentique du problème en un contexte particulier. Son récit ajoute du vrai et accroit le sens de ce que l’on sait du problème en question. Il incombe alors au chercheur de parler du problème de façon à communiquer une signification sociale réelle. L’emploi du « je » doit pour ce faire connecter avec le « nous ». Finalement, le récit du chercheur est le premier d’une série de récits à décrire une expérience personnelle d’un problème commun. La narration de son récit prélude à la narration des récits que la recherche examine en lien avec la question de recherche2. Les récits que j’insère dans la recherche sont le récit fondateur de l’Église mennonite, le récit de ma conversion et le récit du Comité central mennonite. Les trois récits donnent un relief contextuel à la recherche pour l’observation de la pratique de l’accompagnement spirituel dans les Églises mennonites du Québec.

1 D. J. Clandinin et F. M. Connelly, Narrative Inquiry Experience..., p. 121. 2 Ibid.,p. 124.

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Récit fondateur

L’Église mennonite d’ici et d’ailleurs retrace ses origines à la Réforme comme un rejeton du mouvement anabaptiste qui souscrit dès son origine aux symboles des apôtres3. Les anabaptistes se constituent alors de femmes et d’hommes du peuple influencés par les courants de pensée de la Réforme, mais qui se distinguent par leurs croyances et leurs pratiques particulières. La désignation anabaptiste ou rebaptiseur leur est accolée pour cette insistance à conférer le baptême aux adultes en réponse à une décision de foi personnelle. Les anabaptistes sont considérés par les historiens comme l’aile radicale de la Réforme4.

L’histoire du baptême des anabaptistes s’écrit dès ses premières lignes en marge de la Réforme. En fait, le premier baptême d’adulte échappe au contrôle des chefs de file de la Réforme en cours en Europe. Les Luther, Calvin et Zwingli envisagent une réforme religieuse liée à l’aval des autorités et le baptême d’adulte va à contre-courant de l’humeur du moment. Une poignée de jeunes radicaux gagnés aux idées de la Réforme, mais pressés d’aller de l’avant et sans compromission, se groupent autour de Conrad Grebel et Félix Mantz et passent aux actes. Le 25 janvier 1525, au domicile de Mantz à Zurich, se déroule le premier baptême d’adultes. Tous alors présents passent par les eaux du baptême. Le premier à se faire baptiser se dénomme George Blauroch.

Le mouvement anabaptiste prend de l’ampleur et s’attire rapidement les foudres des autorités politiques qui déclarent le rebaptême illégal et punissable de la peine de mort5. Le mouvement

bascule dans la clandestinité. Toutefois, un nombre croissant d’hommes et de femmes se font baptiser, en dépit du baptême reçu à leur naissance. La certitude d’agir en conformité avec les instructions bibliques donne aux baptiseurs et aux baptisés le courage de s’affranchir du pouvoir civil pour suivre Christ dans les eaux du baptême. Des mesures de répressions s’abattent sur le mouvement anabaptiste. La répression a pour effet d’essaimer des groupes de baptiseurs dans

3 A. C. Snyder, Graines d’anabaptisme..., p. 14.

4 André Gounelle. « La réforme radicale » [http://andregounelle.fr/histoire-des-idees/la-reforme-radicale.php] (consulté le 20 décembre 2010). « L'expression “Réforme radicale”, introduite par l'historien américain Georges Williams qui en a fait le titre de son principal livre (publié en 1962), a été reprise par de nombreux auteurs ». 5 Plus de 3 000 personnes d’appartenance anabaptiste subiront la peine de mort.

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toute l’Europe. Des anabaptistes se réfugient au Pays-Bas, le mouvement est à l’aube encore indécise de l’ère mennonite.

De Menno Simons, prêtre catholique hollandais du 16e siècle, à l’Église mennonite québécoise d’aujourd’hui, il y a cinq siècles d’histoire pour décrypter le curieux parcours du temps. L’adhésion, d’abord sympathisante, de Menno Simons au mouvement anabaptiste se manifeste ouvertement par son baptême en 1537. Ce premier pas de disciple sur la voie de Christ marque sa rupture avec l’Église catholique et son entrée dans l’Église naissante de la communauté anabaptiste.

La lente conversion de Menno en fidèle défenseur de la pensée anabaptiste se décide lors d’évènements fâcheux. Des anabaptistes aux idées par trop progressistes, voire révolutionnaires, s’emballent dans un élan apocalyptique pour hâter l’établissement du royaume de Dieu sur terre. À force d’habiles manœuvres, en 1534, la ville de Münster, en Allemagne, tombe sous leur pouvoir et, avant longtemps, le bon sens cède la place au délire6. Des chefs de file s’imposent, déclarent Münster la nouvelle Jérusalem, et s’autoproclament rois et prophètes de la ville. Münster attirent des anabaptistes de partout. On y croit. L’aventure se termine cependant dans le sang et la désillusion. L’insurrection est sévèrement réprimée par l’armée de l’évêque le 25 juin 1535, les insurgés sont mis à mort et les rescapés sont pris en chasse7. Le mouvement anabaptiste

des Pays-Bas se trouve dans une conjoncture difficile, il est en voie de perdre son identité originale si la pensée anabaptiste n’est pas recouvrée et clairement enseignée. L’aube de l’ère mennonite se dessine.

Des anabaptistes dissidents des munstérites pressent Menno d’accepter la charge d’ancien8. Menno se rend à leur demande et, comme un bon berger, il rassemble les anabaptistes errants et

6 James M. Stayer, « Münster Anabaptists » [http://gameo.org/index.php?title=Münster_Anabaptists] (consulté le 22 décembre 2010), « Anabaptist governments ruled Münster, the major city of Westphalia, (Germany) for 16 months from February 1534 to June 1535, under continuous siege by the bishop of Münster, who received military assistance from both Catholic and Lutheran rulers. During the siege the Anabaptists instituted a harsh internal regime based on community of goods and polygamy, and attempted with some limited success to win military assistance from Anabaptists in Westphalia and the Netherlands ».

7 Ibid.,http://gameo.org/index.php?title=Münster_Anabaptists

8 Cornelius Krahn et Cornelius J. Dyck, « Menno Simons (1496-1561) »

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dispersés pour les enseigner bible en main9. La tête de Menno Simons est mise à prix et ainsi commence une vie d’errance et une légendaire pratique de prédicateur de la nuit. Menno visite les communautés anabaptistes sous sa charge, il les enseigne, leur prodigue conseils et directions10. Au fils des ans, une pensée mennonite de l’anabaptisme va éclore.

Menno Simons s’éteint en 1561 au Danemark, mais l’Église mennonite lui survit. Cependant le mouvement anabaptiste ne jouit toujours pas de la clémence des autorités civiles et religieuses d’où il faut être plus précis, malgré le témoignage probant de vies transformées. Münster laisse aux opposants des anabaptistes un arrière-goût de répulsion, bien longtemps après son dernier épisode. Cette hostilité farouche sert de prétexte pour restreindre les droits des mennonites, pour les harceler et les expulser du territoire11. Commence dès lors, la longue pérégrination des mennonites qui se déplacent, de lieu en lieu, au rythme des temps et des circonstances adverses, avec l’espoir d’arriver enfin dans une terre hospitalière. Cette terre promise se laisse voir, se laisse approcher, mais se défile sous leur pieds, au moment où la communauté mennonite semble l’avoir conquise.

Le zèle de l’Évangile de paix et l’opposition des adversaires tracent le chemin du périple. L’Église mennonite repousse ses frontières. Des mennonites quittent la Hollande et se réfugient en Pologne dès 154312. La noblesse polonaise accueille les mennonites pour leur savoir-faire

agricole et leur habilité à drainer les sols. Les mennonites s’installent à demeure, construisent des fermes, établissent des Églises et, ironie imperceptible du temps, développent un mode de vie communautaire isolé du reste du monde13. Le souvenir toujours présent de leur histoire passée

9 Ibid.,http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/M4636ME.html 10 Ibid.,http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/M4636ME.html 11 Harold S. Bender, « Punishment of the Anabaptists »

[http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/punishment_of_the_anabaptists] (consulté le 22 décembre 2010). 12 Horst Penner, « East Prussia » [http://gameo.org/index.php?title=East_Prussia] (consulté le 22 décembre 2010). « The Anabaptists who moved from the duchy to the Danzig Werder and to Polish Prussia in 1543 belonged for the most part to the group later called Mennonites; for there is no mention of any other wing after this time in Prussia. Menno Simons himself visited the Anabaptists here in 1549 ».

Walter Gering et Harold S. Bender, « Danzig Refugees » [http://gameo.org/index.php?title=

Danzig_Refugees&oldid=141081] (consulté le 22 décembre 2010). « The exact beginning of Mennonite history in the Vistula area in northern Europe cannot be determined, but it is known that by 1549 several congregations had been organized, for Menno Simons, who had worked among them, addressed them at that time as "the children of God in Prussia."Dirk Philips followed Menno as a worker among these churches and in the region of Danzig until 1568. These migrations may have taken place as early as 1529 ».

13 Cornelius Krahn, Harold S. Bender et John J. Friesen, « Migrations »

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