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Déclaration liminaire

La narration de mes récits s’avère une étape obligée de ma recherche sur la pratique de l’accompagnement spirituel. L’insertion de mes récits aux chapitres de l’ouvrage s’inscrit dans la logique que le récit est à la fois sujet et méthode de recherche. C’est une chose communément admise en méthode de recherche narrative que d’inclure et de commencer la recherche avec le récit du chercheur. Le récit de son expérience apporte un éclairage inattendu au problème que la recherche examine. Le récit du chercheur pose un regard personnel sur le problème à l’étude. Son récit s’avère utile pour décrire le problème d’une manière qui échappe à la littérature de recherche. Il s’en suit une conversation utile entre les théories de la littérature de recherche qui expliquent le problème et les récits de la recherche qui décrivent l’expérience du problème1. S’il est vrai que le récit du chercheur subjectivise la recherche, en revanche, son récit raconte une expérience authentique du problème en un contexte particulier. Son récit ajoute du vrai et accroit le sens de ce que l’on sait du problème en question. Il incombe alors au chercheur de parler du problème de façon à communiquer une signification sociale réelle. L’emploi du « je » doit pour ce faire connecter avec le « nous ». Finalement, le récit du chercheur est le premier d’une série de récits à décrire une expérience personnelle d’un problème commun. La narration de son récit prélude à la narration des récits que la recherche examine en lien avec la question de recherche2. Les récits que j’insère dans la recherche sont le récit fondateur de l’Église mennonite, le récit de ma conversion et le récit du Comité central mennonite. Les trois récits donnent un relief contextuel à la recherche pour l’observation de la pratique de l’accompagnement spirituel dans les Églises mennonites du Québec.

1 D. J. Clandinin et F. M. Connelly, Narrative Inquiry Experience..., p. 121. 2 Ibid.,p. 124.

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Récit fondateur

L’Église mennonite d’ici et d’ailleurs retrace ses origines à la Réforme comme un rejeton du mouvement anabaptiste qui souscrit dès son origine aux symboles des apôtres3. Les anabaptistes se constituent alors de femmes et d’hommes du peuple influencés par les courants de pensée de la Réforme, mais qui se distinguent par leurs croyances et leurs pratiques particulières. La désignation anabaptiste ou rebaptiseur leur est accolée pour cette insistance à conférer le baptême aux adultes en réponse à une décision de foi personnelle. Les anabaptistes sont considérés par les historiens comme l’aile radicale de la Réforme4.

L’histoire du baptême des anabaptistes s’écrit dès ses premières lignes en marge de la Réforme. En fait, le premier baptême d’adulte échappe au contrôle des chefs de file de la Réforme en cours en Europe. Les Luther, Calvin et Zwingli envisagent une réforme religieuse liée à l’aval des autorités et le baptême d’adulte va à contre-courant de l’humeur du moment. Une poignée de jeunes radicaux gagnés aux idées de la Réforme, mais pressés d’aller de l’avant et sans compromission, se groupent autour de Conrad Grebel et Félix Mantz et passent aux actes. Le 25 janvier 1525, au domicile de Mantz à Zurich, se déroule le premier baptême d’adultes. Tous alors présents passent par les eaux du baptême. Le premier à se faire baptiser se dénomme George Blauroch.

Le mouvement anabaptiste prend de l’ampleur et s’attire rapidement les foudres des autorités politiques qui déclarent le rebaptême illégal et punissable de la peine de mort5. Le mouvement

bascule dans la clandestinité. Toutefois, un nombre croissant d’hommes et de femmes se font baptiser, en dépit du baptême reçu à leur naissance. La certitude d’agir en conformité avec les instructions bibliques donne aux baptiseurs et aux baptisés le courage de s’affranchir du pouvoir civil pour suivre Christ dans les eaux du baptême. Des mesures de répressions s’abattent sur le mouvement anabaptiste. La répression a pour effet d’essaimer des groupes de baptiseurs dans

3 A. C. Snyder, Graines d’anabaptisme..., p. 14.

4 André Gounelle. « La réforme radicale » [http://andregounelle.fr/histoire-des-idees/la-reforme-radicale.php] (consulté le 20 décembre 2010). « L'expression “Réforme radicale”, introduite par l'historien américain Georges Williams qui en a fait le titre de son principal livre (publié en 1962), a été reprise par de nombreux auteurs ». 5 Plus de 3 000 personnes d’appartenance anabaptiste subiront la peine de mort.

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toute l’Europe. Des anabaptistes se réfugient au Pays-Bas, le mouvement est à l’aube encore indécise de l’ère mennonite.

De Menno Simons, prêtre catholique hollandais du 16e siècle, à l’Église mennonite québécoise d’aujourd’hui, il y a cinq siècles d’histoire pour décrypter le curieux parcours du temps. L’adhésion, d’abord sympathisante, de Menno Simons au mouvement anabaptiste se manifeste ouvertement par son baptême en 1537. Ce premier pas de disciple sur la voie de Christ marque sa rupture avec l’Église catholique et son entrée dans l’Église naissante de la communauté anabaptiste.

La lente conversion de Menno en fidèle défenseur de la pensée anabaptiste se décide lors d’évènements fâcheux. Des anabaptistes aux idées par trop progressistes, voire révolutionnaires, s’emballent dans un élan apocalyptique pour hâter l’établissement du royaume de Dieu sur terre. À force d’habiles manœuvres, en 1534, la ville de Münster, en Allemagne, tombe sous leur pouvoir et, avant longtemps, le bon sens cède la place au délire6. Des chefs de file s’imposent, déclarent Münster la nouvelle Jérusalem, et s’autoproclament rois et prophètes de la ville. Münster attirent des anabaptistes de partout. On y croit. L’aventure se termine cependant dans le sang et la désillusion. L’insurrection est sévèrement réprimée par l’armée de l’évêque le 25 juin 1535, les insurgés sont mis à mort et les rescapés sont pris en chasse7. Le mouvement anabaptiste

des Pays-Bas se trouve dans une conjoncture difficile, il est en voie de perdre son identité originale si la pensée anabaptiste n’est pas recouvrée et clairement enseignée. L’aube de l’ère mennonite se dessine.

Des anabaptistes dissidents des munstérites pressent Menno d’accepter la charge d’ancien8. Menno se rend à leur demande et, comme un bon berger, il rassemble les anabaptistes errants et

6 James M. Stayer, « Münster Anabaptists » [http://gameo.org/index.php?title=Münster_Anabaptists] (consulté le 22 décembre 2010), « Anabaptist governments ruled Münster, the major city of Westphalia, (Germany) for 16 months from February 1534 to June 1535, under continuous siege by the bishop of Münster, who received military assistance from both Catholic and Lutheran rulers. During the siege the Anabaptists instituted a harsh internal regime based on community of goods and polygamy, and attempted with some limited success to win military assistance from Anabaptists in Westphalia and the Netherlands ».

7 Ibid.,http://gameo.org/index.php?title=Münster_Anabaptists

8 Cornelius Krahn et Cornelius J. Dyck, « Menno Simons (1496-1561) »

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dispersés pour les enseigner bible en main9. La tête de Menno Simons est mise à prix et ainsi commence une vie d’errance et une légendaire pratique de prédicateur de la nuit. Menno visite les communautés anabaptistes sous sa charge, il les enseigne, leur prodigue conseils et directions10. Au fils des ans, une pensée mennonite de l’anabaptisme va éclore.

Menno Simons s’éteint en 1561 au Danemark, mais l’Église mennonite lui survit. Cependant le mouvement anabaptiste ne jouit toujours pas de la clémence des autorités civiles et religieuses d’où il faut être plus précis, malgré le témoignage probant de vies transformées. Münster laisse aux opposants des anabaptistes un arrière-goût de répulsion, bien longtemps après son dernier épisode. Cette hostilité farouche sert de prétexte pour restreindre les droits des mennonites, pour les harceler et les expulser du territoire11. Commence dès lors, la longue pérégrination des mennonites qui se déplacent, de lieu en lieu, au rythme des temps et des circonstances adverses, avec l’espoir d’arriver enfin dans une terre hospitalière. Cette terre promise se laisse voir, se laisse approcher, mais se défile sous leur pieds, au moment où la communauté mennonite semble l’avoir conquise.

Le zèle de l’Évangile de paix et l’opposition des adversaires tracent le chemin du périple. L’Église mennonite repousse ses frontières. Des mennonites quittent la Hollande et se réfugient en Pologne dès 154312. La noblesse polonaise accueille les mennonites pour leur savoir-faire

agricole et leur habilité à drainer les sols. Les mennonites s’installent à demeure, construisent des fermes, établissent des Églises et, ironie imperceptible du temps, développent un mode de vie communautaire isolé du reste du monde13. Le souvenir toujours présent de leur histoire passée

9 Ibid.,http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/M4636ME.html 10 Ibid.,http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/M4636ME.html 11 Harold S. Bender, « Punishment of the Anabaptists »

[http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/punishment_of_the_anabaptists] (consulté le 22 décembre 2010). 12 Horst Penner, « East Prussia » [http://gameo.org/index.php?title=East_Prussia] (consulté le 22 décembre 2010). « The Anabaptists who moved from the duchy to the Danzig Werder and to Polish Prussia in 1543 belonged for the most part to the group later called Mennonites; for there is no mention of any other wing after this time in Prussia. Menno Simons himself visited the Anabaptists here in 1549 ».

Walter Gering et Harold S. Bender, « Danzig Refugees » [http://gameo.org/index.php?title=

Danzig_Refugees&oldid=141081] (consulté le 22 décembre 2010). « The exact beginning of Mennonite history in the Vistula area in northern Europe cannot be determined, but it is known that by 1549 several congregations had been organized, for Menno Simons, who had worked among them, addressed them at that time as "the children of God in Prussia."Dirk Philips followed Menno as a worker among these churches and in the region of Danzig until 1568. These migrations may have taken place as early as 1529 ».

13 Cornelius Krahn, Harold S. Bender et John J. Friesen, « Migrations »

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leur dicte la voie de la prudence. Les mennonites se font discrets au point que la population vient à les identifier comme « les gens tranquille du pays » (the quiet in the land)14. L’élan missionnaire s’estompe et une culture mennonite va éclore15.

Deux cent cinquante années s’écoulent sans que rien ne perturbe la tranquillité des mennonites. En 1772, la passation de la Pologne sous le pouvoir de la Prusse change le cours de l’histoire des mennonites. Les politiques militaristes et agraires du nouveau gouvernement confrontent les convictions de non-résistance des mennonites et contrecarrent leur projet d’acquérir plus de terres. Cette conjoncture défavorable convainc les mennonites de partir pour une nouvelle terre d’accueil. En avant, vers la Russie16! Cette fuite vers l’avant mène éventuellement les mennonites hollandais au Canada. Le chapitre russe des mennonites compte plus d’un siècle d’histoire. Ces années consolident l’identité culturelle et doctrinaire mennonite17. Ce siècle va élargir le cercle mennonite et donner naissance aux Frères mennonites18.

La première arrivée des mennonites russes en Amérique du Nord remonte aux années 1870; des facteurs économiques et la mise en place du service militaire universel par le gouvernement russe

14 Ibid., http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/M542ME.html, « L’histoire des mennonites fait état de migrations provoquées par les persécutions qu’ils ont subies en raison de leurs croyances. Ainsi, les mennonites d’arrière-plan suisse émigrèrent principalement au sud de l’Allemagne, en France et en Pennsylvanie; la plupart des mennonites à l’est de la rivière Mississipi sont de cet arrière-plan. Des groupes restreints de mennonites d’arrière- plan suisse allèrent aussi en Hollande, en Pologne, en Russie et en Prusse. Durant le 16e siècle, les mennonites des Pays-Bas allèrent surtout vers l’est à Danzig et en Russie polonaise. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du 19e siècle que leurs descendants commencent à émigrer en Amérique, à l’exception des premières familles mennonites hollandaises-allemandes qui s’établissent à Germantown en Pennsylvanie. Les mennonites qui émigrent durant le 19e siècle, s’établissent surtout dans les états et les provinces des Prairies, et se retrouvent à l’ouest de la rivière

Mississipi. Presque tous les mennonites ayant émigrés en Amérique du Sud sont de cet arrière-plan. » (Traduction Jean-Victor Brosseau).

15 E.K Francis, « The Russian Mennonites: From Religious to Ethnic Group », The American Journal of Sociology [vol.54] no 2 (septembre 1948), p. 101-107.

16 C. Krahn, H.S. Bender et J.J. Friesen, « Migrations » [http://www.gameo.org/encyclopedia/contents/

M542ME.html] (consulté le 22 décembre 2010). « When Catherine the Great issued her Manifesto in 1763 inviting farmers from Western countries to settle in the Ukraine, the Mennonites of Prussia and Danzig were soon attracted, because they were continually encountering restrictions in their economic and religious life. Later the matter of exemption from military service became important. The approximate number that emigrated to Russia in 1787-1870 was 1,907 families, with a total of some 8,000 persons. This constituted a true mass migration of Mennonites in comparison with previous movements ».

17 Royden Loewen, « The Poetics of Peoplehood : Mennonite Ethnicity and Mennonite Faith in Canada » Mennonite

Historian [vol. XXXII] nº 2 (2006), p. 2 .

18 John H. Lohrenz, « Mennonite Brethren Church » [http://gameo.org/index.php?title=Mennonite_Brethren_

Church&oldid=141215] (consulté le 22 décembre 2010). « La création des Frères mennonites est le fruit d’un réveil religieux au sein des communautés mennonites » (Traduction par Jean-Victor Brosseau).

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occasionnent cette première vague migratoire19. Une seconde arrivée de mennonites survient dans les années 1920; cette fois, tour à tour, la guerre 1914-1918, la révolution bolchévique et la guerre civile en Russie scellent le sort de cette immigration vers le Canada. Une troisième arrivée de mennonites prend place dans les années 1940 marquées par le régime stalinien; le retrait de l’Ukraine des troupes allemandes d’occupation à l’automne 1943 ouvre une brèche aux mennonites pour fuir et venir s’établir au Canada et en Amérique du Sud20.

La migration massive de mennonites pour une terre d’accueil se raconte avec des récits d’élans missionnaires et de persécutions religieuses, de colonies prospères et de repli culturel, d’orientation pacifiste et de politiques bellicistes. Immanquablement la narration fait appel à des récits de réveil, d’évangélisation et d’efforts missionnaires pour relier tous ces récits ensemble. Car l’histoire mennonite se raconte depuis la Réforme avec la Bible et l’histoire des mennonites américains, sud-américains et canadiens perpétue cette tradition.

Il en découle que les mennonites développent au fil des siècles une identité forte et un sentiment d’appartenance à leur communauté. L’identité mennonite s’assume, de nos jours, par une appartenance historique, culturelle, religieuse. Être mennonite se revendique avec l’une ou l’autre ou l’ensemble de ces appartenances. Car la vie à la mennonite s’expérimente aussi bien à la maison, qu’à la colonie de vacances, qu’à l’Église. La famille, la communauté et l’institution sont tous dépositaires d’une riche tradition mennonite. Les noms, les coutumes, les œuvres mennonites témoignent tous de cette réalité. Bref, il convient de parler d’un patrimoine mennonite historique, ou socioculturel, ou théologique au moment d’écrire et d’interpréter ce récit fondateur.

19 Il importe de préciser l’existence des mennonites hollandais et les mennonites suisses qui trouvent refuge premièrement en terres allemandes et françaises avant d’émigrer en grand nombre en Pennsylvanie dans les années 1711et en Ontario dans les années 1788.

20 Cornelius Krahn et Walter W. Sawatsky, « Russia » [http://gameo.org/index.php?title=Russia&oldid=131482] (consulté le 22 décembre 2010). « When the German front collapsed in Russia and the retreat began, the remaining Mennonite population of the Ukraine was evacuated by the retreating German army by trains or wagon caravans starting in the fall of 1943 with the goal of settling them in the Warthegau, former western Poland, along the Vistula River, near the general area where they had come from 150 years before. With the collapse of Hitler's empire, these Mennonites fled westward; one third ultimately reached Canada and South America; the majority, however, were returned to Russia and only a very few remained in Germany. It is estimated that some 35,000 Mennonites were taken along to Germany by the German army in 1943, of whom nearly two thirds were forcibly repatriated by the Red army, while one third or some 12,000 went to Canada and Paraguay ».

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Le récit des mennonites fige le passé ou ouvre le présent selon l’usage qu’on en fait. En ce qui me concerne, la narration du récit mennonite se poursuit, le temps n’a pas de prise sur lui. Le récit des mennonites est missionnaire, il voyage et il se donne à entendre. Les mennonites forment une communauté porteuse de vie et leur récit engendre des récits de foi parce qu’il se raconte avec la Bible21. Le récit fondateur de l’Église mennonite amorce aujourd’hui le récit fondateur des Églises mennonites d’ici et d’ailleurs. Ce récit se comprend comme une invitation à se raconter avec le récit de Christ.

Récit de conversion

Le récit fondateur de l’Église mennonite structure mon récit de conversion. Lorsque je me raconte à un auditoire mennonite, je campe mon récit dans son univers culturel et religieux. Je m’identifie, je décline mes origines, la source de ma foi et de ma conversion. Je m’efforce d’exposer un récit congruent capable d’éveiller des résonnances profondes dans l’esprit de mes vis-à-vis. Je me présente et je raconte ma foi en Christ avec le souci d’authentifier la tradition de l’Église mennonite. Je sais cependant, quoique intuitivement, que le récit fondateur de l’Église mennonite n’a pas de prise sur mon récit susceptible de le figer dans une tradition. Car, en effet, le récit fondateur confirme sa véracité, trouve sa raison d’être dans la narration. Le récit fondateur de l’Église mennonite m’invite à écrire mon récit avec le récit de Christ en présence de la communauté de foi, au vu et au su de la collectivité. Le récit fondateur sert à m’identifier.

La narration de mon récit au sein de l’Église mennonite retrace ma conversion et explique comment je suis devenu membre de l’Église mennonite. Mon récit commence avec mon prénom et mon nom de famille : je m’appelle Jean-Victor Brosseau. Comme mon nom l’indique, je suis Canadiens-français, né au Québec en 1950 et baptisé comme nouveau-né. Ma famille est catholique et à l’instar de mes parents, je pratique la religion catholique toute mon enfance. Ma langue maternelle est le français comme pour sept millions de Québécois.

21 « Vous qui avez été régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole vivante et permanente de Dieu » (1 P 1,23).

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Dans les années 1960, de grands changements politiques et sociaux au Québec chambardent la pratique religieuse. Cette période de l’histoire est désormais connue comme « la Révolution tranquille ». Cette période coïncide avec le concile de Vatican II et son projet d’adapter l’Église au monde moderne. Quoique Vatican II soit annonciateur de changements significatifs pour l’ensemble du catholicisme, l’agenda de la Révolution tranquille gagne la faveur populaire et entraine des changements sociaux-politiques profonds et irréversibles. Le Québec, jusqu’alors bastion du catholicisme, se sécularise22. Les Églises se vident. Les Québécois maintiennent cependant leur attachement à la tradition catholique, on se fait toujours baptiser et marier à l’Église, mais on cesse d’aller à la messe. Après avoir vu l’évêque du diocèse décerner une médaille à mon père un dimanche matin à l’Église de la paroisse, je suis témoin du désintérêt graduel de mes parents envers l’Église. Je suis à l’aube de l’adolescence et, chose impensable, voire condamnable, au temps fort du catholicisme de mon enfance, je délaisse à mon tour l’Église. À cette même époque, à l’autre bout du monde, des missionnaires des Églises des Frères mennonites du Canada reçoivent l’ordre de quitter le Congo/Zaïre en proie à de vives tensions politiques. Sur le chemin du retour, un couple missionnaire de l’Ouest canadien décide, avec la bénédiction de la société missionnaire, de s’installer au Québec pour annoncer la Bonne Nouvelle aux Québécois23.

En 1973, une quête impérative de sens, de vérité, de certitude m’amène jusqu’en Inde à la