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5.2.1 Principe

Les tensioactifs développés au sein de l’équipe CBSA ont pour vocation première d’être utilisés pour la manipulation des protéines membranaires. Parallèlement à leur caractéri- sation physico-chimique, il est donc indispensable de vérifier leur capacité à maintenir les protéines membranaires en solution sous forme native. Ces tests sont réalisés par d’autres laboratoires que l’équipe CBSA sur la bactériorhodopsine (BR) (à l’IBS de Grenoble).

Les tests de stabilité ont été réalisé sur le F2H9-malt et le F4H5-malt. Ils consistent à

extraire la protéine de la membrane par un détergent classique (type OG ou DDM), et à échanger celui-ci par le tensioactif à tester lors d’un gradient de sucrose (10-30% w/w). La protéine solubilisée dans le tensioactif, peut alors être prélevée, et utilisée pour un suivi de sa stabilité au cours du temps. Pour le PCC-malt nous citerons les résultats du test de stabilisation du cytochrome b6f publié en 2011 dans l’article [114].

5.2.2 Résultats

La figure 2.44 montre les gradients de sucrose de cytochrome b6f. L’inactivation du

cytochrome b6f se traduit par sa monomérisation, visible sur le gradient, ou la perte de

son activité de transfert d’électron. A faible concentration (0,2 mmol/L) en tensioactif la stabilité du cytochrome b6f est identique en DDM ou en PCC-malt. En revanche à forte concentration (5 mmol/L) le PCC-malt apparait beaucoup moins déstabilisant que le DDM, puisqu’il induit une monomérisation beaucoup moins importante et que l’activité du cytochrome b6f reste stable sur les 10 jours de tests alors qu’elle chute rapidement en

DDM.

La photo des gradients de BR, obtenus pour le DDM, le F4H5-malt et le F2H9-malt

sont montrés dans la figure 2.45 (Dr. Cécile Breyton, communication personnelle). Dans les trois cas la BR se retrouve bien maintenue en solution dans le gradient, sous la forme d’une bande de couleur violacée dans le cas du DDM, et bleue en présence des FH-malt. L’obtention d’une bande de BR absorbant dans le bleu (λmax ≈ 615nm) en présence des composés hémifluorés, et l’abaissement de la bande en F4H5-malt sont les preuves que

Figure 2.44 – Stabilité du cytochrome b6f en DDM (C12-b-M) et PCC-malt (PCC-

a-M) en fonction de la concentration. Figure reprise de [114]. En haut : migration du complexe b6f en gradient de sucrose. Bas : Évolution de l’activité d’oxidoréductase du complexe b6f au

cours du temps en fonction du tensioactif et de sa concentration

Figure 2.45 – Migration de la bactériorhodopsine en gradient de sucrose 10-30% en présence de DDM, F4H5-malt, ou F2H9-malt

DDM (absorbant dans le violet à λmax = 554 − 560nm) a déjà été observé en présence de tensioactifs fluorés [125,126]. Il est interprété comme le changement de l’environnement du rétinal sans clivage de celui-ci. Le F4H5-malt et le F2H9-malt permettent donc bien de

L’étroitesse des bandes de BR obtenues sont le signe que les complexes formés entre les différents tensioactifs et la protéine, sont homogènes d’un point de vue colloïdal, dans les limites de la résolution de la technique de séparation par gradient de saccharose. Le cas du F4H5 malt démontre bien que l’hétérogénéité des micelles à différentes concentration

n’induit pas forcément une hétérogénéité importante du complexe protéique en solution. C’est un résultat qui n’avait jusqu’à présent jamais été observé avec les tensioactifs fluorés. Habituellement en effet, les tensioactifs formant des micelles allongées forment avec la protéine membranaire des complexes dont la taille est très hétérogène. Cela se traduit par des bandes très larges et diffuses en gradient de sucrose comme pour le F6H3-malt (voir

figure2.46 extraite de [125]).

Le suivi au cours du temps de la stabilité de la BR sur 80 jours a montré des résultats similaires pour le DDM et le F4H5-malt. En présence de F2H9-malt la protéine se dégrade

un peu plus rapidement, mais dans des proportions très faibles, qui sont acceptables pour l’utilisation de ce composé lors d’essais de cristallisation. Le nombre restreint de carbones fluorés du F2H9-malt pourrait être à l’origine de cette légère diminution de la

stabilisation de la BR par rapport aux tensioactifs à 6 carbones fluorés (F6DiGlu) [126] ou à 4 carbones fluorés (F4H5-malt) qui maintiennent la BR en solution aussi bien que

le DDM. En effet compte tenu de la couleur bleue de la BR lors de la solubilisation en FH-malt les interactions protéine/tensioactif ont lieu majoritairement par l’extrémité de la chaîne fluorée quelque soit la longueur du segment fluoré. Cette instabilité de la BR en F2H9 est donc liée à la plus faible concentration en fluor dans ce tensioactif. La

dénaturation de la BR avec ce tensioactif, peut s’opérer de deux façons :

– par insertion de la chaîne fluorée dans le domaine transmembranaire. Mais cette option est peu vraisemblable étant donné le caractère lipophobe du fluor.

– par une interaction de moins bonne qualité entre le tensioactif et la protéine qui conduit à une exposition du domaine hydrophobe de la protéine à l’eau.

Toutefois la stabilisation de la protéine dans le temps est suffisante pour envisager la réalisation d’essais de cristallisation en F2H9-malt. Et ces interactions protéine/F2H9-

malt plus faibles pourraient devenir un atout pour la formation du cristal, en permettant la libération d’une nouvelle surface accessible pour la création de contacts cristallins.

Le test de stabilité n’a malheureusement pas pu être réalisé avec le F6H2-malt, mais il

est donné dans la littérature pour un composé à tête maltose, et une chaîne composée de 6 carbones fluorés et 3 carbones hydrogénés (équivalent du F6H3-malt selon la nomenclature

adopté dans ce manuscrit) [125], pour lequel une bande très diffuse avait été obtenue (cf. 2.46). Comme le F6H2-malt, le F6H3-malt forme de grosses micelles en solution qui

semblent grossir avec la concentration (pour le F6H3-malt : Rh=10 nm à 2 CMC à 4◦C, et

12.5 nm à 25 CMC à 4◦C), et ce sont ces caractéristiques qui avaient été pointées du doigt

par les auteurs pour expliquer l’obtention de ces complexes protéiques très hétérogènes. Il est donc possible que le F6H2-malt produise des résultats similaires au F6H3-malt en

Figure 2.46 – Migration de la bactériorhodopsine en gradient de sucrose 10-30% en présence de DDM, F6H3-malt. Repris de [125].

5.2.3 Conclusion

Le F2H9-malt, le F4H5-malt et le PCC-malt sont tous les trois capables de se lier à la

partie hydrophobe des protéines membranaires, et de les maintenir en solution sous leur forme native. Les durées de stabilisation de protéines modèles avec ces tensioactifs sont comparables à celles obtenues en présence de DDM, voire même supérieure dans le cas du PCC-malt utilisé à forte concentration. Ces trois tensioactifs apparaissent donc tout à fait adaptés pour la manipulation des protéines membranaires.

La relation entre hétérogénéité de la micelle et hétérogénéité du complexe protéique ne semble pas évidente d’un point de vue colloïdal, avec la technique de gradient qui est cependant peu résolutive. Mais puisque ce n’est pas la protéine qui s’insère dans la micelle, mais le tensioactif qui vient former une bouée autour de la protéine, il est possible que ce nouvel assemblage soit mieux défini, comme ça à l’air d’être le cas pour le F4H5-

malt. La forme de la bouée va donc dépendre de la forme et de la taille de la micelle initiale (une grosse micelle a plus de chance de former une grosse bouée), mais aussi de la surface hydrophobe de la protéine à couvrir. Nous n’avons pas eu l’occasion d’effectuer les essais de stabilisation de la BR avec le F6H2-malt. Il forme de grosses micelles dont

la masse augmente avec la concentration en tensioactif, mais dans une moindre mesure que le F6H3-malt, puisque cette évolution n’est pas visible en DLS. Il est donc difficile de

prédire quel sera son comportement lors de la formation du complexe PDL avec la BR.