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Il existe sur Terre trois sources d’énergie pour la croissance des organismes vivants : la lumière, les composés inorganiques et les composés organiques. La photosynthèse est le processus bio-énergétique par lequel les plantes et certaines bactéries synthétisent de la matière organique à partir de la lumière. D’un point de vue évolutif, ce processus est d’une importance primordiale car il est probablement à l’origine de modifications environnementales profondes (passage d’une atmosphère réductrice à un milieu oxydant riche en oxygène) qui auraient permis l’apparition de la respiration sur Terre. Deux types de photosynthèse se distinguent :

– la photosynthèse oxygénique, chez les plantes, les algues et certaines bactéries (les cyanobactéries) où du CO2 est consommé et de l’O2 est relargué.

– la photosynthèse anoxygénique, chez les bactéries vertes et les bactéries pourpres, pour laquelle il n’y a pas de production d’oxygène.

3.1.1 Les bactéries photosynthétiques anoxygéniques

Les bactéries pourpres et vertes, appartenant à la famille des Eubactéries, forment un groupe extrêmement hétérogène au niveau morphologique (forme, taille, structure des membranes...), physiologique (consommation de carbone, d’azote...) et constitutif (struc- tures moléculaires de l’appareil photosynthétique, composition en pigments,...). Au niveau

métabolique elles peuvent être phototrophes ou chimiotrophes, autotrophes ou hétéro- trophes. En présence d’oxygène, elles réalisent la respiration "classique" et répriment la synthèse des complexes de l’appareil photosynthétique. En revanche lorsqu’elles sont culti- vées en anaérobie et en présence de lumière, elles réalisent la photosynthèse. Nous verrons que cela implique la production de membranes invaginées intracytoplasmiques qui sont fortement réprimées quand la bactérie utilise la respiration.

Les bactéries pourpres et vertes doivent leurs noms à la grande variété de pigments de type bactériochlorophylles (Bchl) et caroténoïdes qu’elles contiennent et qui confèrent aux cultures bactériennes des couleurs allant du vert au pourpre, en passant par le brun et le rouge.

3.1.2 Les pigments photosynthétiques

Les pigments photosynthétiques ont des fonctions très importantes dans les étapes primaires de la photosynthèse : la collecte de la lumière (par absorption), la photoprotec- tion (par dégradation de l’excès d’énergie) et la stabilisation structurale des complexes collecteurs de lumière [70].

Deux types de pigments sont présents chez les bactéries pourpres :

1. La bactériochlorophylle a (Bchl a) (figure17) : c’est un dérivé chimique de la chlo- rophylle, composé d’un macrocycle poly-substitué possédant un atome de magné- sium central. Les groupements substitués sur le macrocycle définissent les différentes structures de la Bchl. La molécule de Bchl a possède un groupement acétylé en po- sition C3, un groupement cétone en C113et une chaîne carbonée en C317. Cette chaîne

varie entre les différentes espèces, elle est par exemple de type phytol chez Rb.

sphaeroides et géranylgéraniol chez Rs. rubrum. Ces molécules présentent trois pics

d’absorption principaux vers 370, 595 et 770 nm.

2. Les caroténoïdes (figure 18) : ce sont des chaînes linéaires d’une quarantaine de carbones, présentant 7 à 13 doubles liaisons conjuguées, et terminées par des grou- pements chimiques très peu polaires de type méthyle ou cyclo-alcane. Leurs pics d’absorption, situés entre 450 et 570 nm, complètent le spectre d’absorption de la Bachl a.

3.1.3 La chaîne photosynthétique chez les bactéries pourpres

Les différentes protéines de la chaîne photosynthétique La chaîne photosyn-

thétique des bactéries pourpres possède un seul photosystème, une version simplifiée du photosystème II chez les plantes, qui convertit l’énergie lumineuse en énergie chimique. Il est composé de deux types de protéines : les antennes collectrices de lumière (LH, pour light-harvesting) qui absorbent les photons et le centre réactionnel (RC) qui réalise une séparation de charges électriques. L’antenne LH1 est présente chez toutes les souches bac- tériennes et est intimement liée au RC qu’elle entoure. Les antennes LH2 sont des antennes

Figure 17 – Structure générique de la bactériochlorophylle a . A gauche, le macro- cycle avec les cycles pyrroliques (I, II, III, et IV) et l’isocyle (V) porteur d’une chaîne de type genarylgaraniol (GG). A droite : structure des chaînes de base de la bactériochlorophylle a

Figure 18 – Les principaux caroténoïdes chez les bactéries pourpres

périphériques, présentes uniquement chez certaines espèces. Leur développement dépend des conditions de culture [71] et est accru en faible lumière pour augmenter la capacité de collecte et de transfert de la lumière vers le RC. Outre leurs localisations (autour du RC ou périphérique), les antennes LH1 et LH2 se différencient aussi par leur longueur d’onde d’absorption maximale. Chez Rb. sphaeroïdes ou Rb. Capsulatus, les antennes LH1 absorbent vers 875 nm et les antennes LH2 entre 800 et 850 nm. Ces deux antennes sont les plus fréquemment observées chez les bactéries pourpres mais quelques espèces possèdent d’autres types d’antennes que nous n’aborderons pas ici. Enfin, deux autres protéines transmembranaires interviennent dans la chaîne photosynthétique, le complexe

Figure 19 – Schématisation de la chaîne photosynthétique. Extrait [72]. Voir texte pour explication.

Le cycle photosynthtétique La chaîne photosynthétique peut être schématisée par

la figure 19. Après absorption de la lumière, les antennes vont transférer leur énergie au RC qui devient un puissant donneur d’électron pour les quinones. Ce transfert d’électron se fait en deux temps : il y a tout d’abord réduction de la quinone QB située dans le site QB du RC via la quinone QA. Puis un deuxième acte photochimique va réduire et doublement protoner QBqui va alors se détacher du RC et migrer dans la membrane pour être oxydée par le complexe bc1. Le RC oxydé va récupérer ses électrons par l’intermédiaire

du cytochrome c2 réduit par le complexe bc1. Ce transfert cyclique d’électrons couplé à

une prise de protons à travers la membrane va permettre la formation d’un potentiel de membrane qui permettra de générer de l’ATP grâce une ATPase.

Localisation dans les membranes invaginées L’appareil photosynthétique est lo-

calisé au niveau des membranes intracytoplasmiques qui se développent à partir de la membrane cytoplasmique. La forme de ces invaginations varie d’un genre à un autre, avec la présence de tubes (Rps. rubrum, Rb. capsulatus), de lamelles (Blastochloris (Blc.) viri-

dis, Rps. palustris) ou de vésicules (figure20). Cependant la formation de ces membranes

invaginées et leur rendement de production sont fortement régulés par les conditions en- vironnementales [73–75]. La tension en oxygène et l’intensité lumineuse sont les deux paramètres majeurs qui influencent la synthèse de ces membranes invaginées.

3.1.4 Organisation dans la membrane native

Les premières observations de membranes photosynthétiques ont été réalisées par Mil- ler en 1982 [77] sur la bactérie Blc. viridis par microscopie électronique. Elles avaient déjà à l’époque permis de constater l’organisation très structurée et la haute densité de ces

Figure 20 – Morphologie des membranes invaginées

membranes, ainsi que le positionnement particulier du RC au cœur d’une antenne collec- trice de lumière. Le développement des techniques d’imagerie (microscopie electronique ou AFM) a permis de franchir un cap en terme de qualité d’image et de multiplier les observations. Sur la figure21, il est possible d’apprécier la grande diversité architecturale des complexes photosynthtétiques qui existe chez les différentes souches bactériennes [76]. Les antennes LH2, périphériques, ont une forme d’anneau circulaire peu variable, alors que les antennes LH1 plus elliptiques présentent une plus grande flexibilité structurale au- tour du RC. Ces structures peuvent être complètement fermées (cas A et B) ou ouvertes sous forme de monomère (C) ou de dimère (D).

Le laboratoire de bioénergétique cellulaire du CEA Cadarache (LBC) fut l’un des premiers a montré l’existence de dimères de RC-LH1 en forme de S [78], résultant de l’association de deux monomères de RC-LH1 grâce à la présence d’un polypeptide sup- plémentaire : le pufX. Dans ce complexe, les antennes LH1 s’associent en formant un anneau ouvert (en forme de C) qui entoure le RC (figure 22). L’organisation de ces di- mères en longs alignements réguliers et très denses avait également été révélée et il avait été suggéré que la proximité des différents partenaires jouait un rôle sur la cinétique de transfert d’électron [79]. L’organisation supramoléculaire de ces complexes aurait donc un rôle fonctionnel dans le cycle photosynthétique.

Mais sans structure à haute résolution des RC-LH1 de nombreuses questions sur l’or- ganisation supramoléculaire de ces complexes restent sans réponses (Quelle est l’influence d’un dimère par rapport à un monomère ? Pourquoi existe-t-il des antennes ouvertes et des antennes fermées ? etc.). Plusieurs groupes de recherche se sont donc attachés à étudier la structure de ces complexes dimériques de RC-LH1.