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Un territoire d’expérimentation, l’accompagnement à la pluriactivité en Languedoc-Roussillon

En Languedoc-Roussillon, un ensemble de démarches et d’expérimentations qui porte sur l’accompagnement de la pluriactivité est mené ces dernières années. Ces démarches sont parfois convergentes et liées, ou sont isolées les unes des autres. Elles apportent des connaissances partielles mais néanmoins importantes à notre sujet. Le Haut-Languedoc est un territoire de la région Languedoc-Roussillon69, et l’analyse des invariants ou à l’inverse des décalages entre les deux échelles en matière de pluriactivité et d’accompagnement nous permettra de repérer ce qui peut émaner ou non d’une spécificité territoriale. Les analyses qui sont présentées dans ce chapitre découlent de deux démarches menées actuellement à

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l’échelle régionale, l’expérimentation régionale « Pluriactivité des entreprises en milieu rural » et le projet « Intersama », démarches détaillées ci-dessous, et du focus opéré sur le Haut-Languedoc.

a) L’expérimentation régionale « Pluriactivité des entreprises en milieu rural » En 2006, lors de la révision de ses documents stratégiques, le Service gestion de l'espace rural et littoral du Conseil régional du Languedoc-Roussillon fait le constat que de plus en plus de projets de création, de développement ou de transmission d’entreprise en milieu rural sont basés sur la pluriactivité. Plus précisément, le Conseil régional observe qu’il est plus difficile d’entreprendre en milieu rural qu'en milieu urbain, que la pérennité de nombreuses entreprises situées en milieu rural passe par la pluriactivité, et que cette pluriactivité peut être basée sur une activité élémentaire agricole ou non (Pombo, 2008). Les dispositifs jusqu’alors mis en place par la Région (Pacte Agriculture ou le Pacte Entreprise) soutiennent majoritairement des projets de création et de développement d’entreprises monoactives, laissant ainsi de côté les entreprises intégrant des stratégies de pluriactivité. Pour recadrer sa politique, la Région Languedoc-Roussillon met en place une expérimentation d’une durée de trois ans. L’expérimentation programmée a pour objectif d’interroger les formes d’accompagnement potentiellement adaptées aux projets considérés comme « atypiques » car de petite taille ou pluriactifs. La Région fait le choix d’intégrer à sa réflexion les acteurs de l’accompagnement. Ce sont en effet eux les principaux mobilisateurs des dispositifs de financement liés à la création d’activité, et ils représentent le meilleur relai possible entre les porteurs de projet et les dispositifs régionaux d’accompagnement. En 2006, la Région et ses partenaires établissent un diagnostic et élaborent un protocole d’accompagnement qui permet d’accompagner pendant un an des projets pluriactifs ciblés et, par retour réflexif, d’analyser le fonctionnement et les besoins du binôme projet / accompagnement. Après une large consultation, 36 entreprises pluriactives et 4 projets collectifs participeront entre 2007 et 2008 à l’expérimentation.

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Bordé par la Région Midi-Pyrénées et caractérisé par ses juxtapositions ou imbrications hétérogènes de territoires de projets, il n’est cependant ni le plus cohérent, ni le plus emblématique de cette région.

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Cette démarche apporte de nombreuses informations, de nature très diverse, à la fois sur les projets pluriactifs, sur leurs porteurs et sur les pratiques et outils d’accompagnement. La démarche expérimentale, toujours en cours, réunit aujourd’hui des structures d’accompagnement autour de l’élaboration d’outils d’accompagnement. Cette expérimentation nous donne un premier aperçu de l’accompagnement à la pluriactivité en Languedoc-Roussillon. Elle fait état de l’hétérogénéité des situations de pluriactivité et de l’accompagnement proposé. Les démarches d’accompagnement analysées sont de ce fait peu généralisables, mais elles plaident pour une grande souplesse du dispositif. Les réunions de partenaires montrent clairement comment, d’un secteur d’activité à l’autre, l’impact des différentes « cultures » d’accompagnement sur la prise en charge d’un projet pluriactif influence l’ensemble du processus, et comment les enjeux des questions posées par la pluriactivité peuvent être de nature et de poids différents. Les conclusions du suivi de l’accompagnement sont présentées en annexe 3. Nous en rappelons ici les principales :

Tout d’abord la pluriactivité est un projet. Elle n’est pas un choix d’activité en tant que tel, pour la plupart des porteurs de projet elle est une nécessité économique. Elle est plutôt liée au développement d’entreprises en place plutôt qu’à leur création. Le choix du domaine dans lequel elle s’exerce découle directement des « compétences métier » possédées par le porteur. Cependant les motivations proviennent de manière équivalente des dimensions professionnelle et personnelle du projet. Les besoins en financement sont modestes, portant plus sur l’immatériel que sur le matériel, souvent détenu dans l’activité préexistante. La combinaison d’activités majoritairement représentée est l’agriculture couplée à l’artisanat (le secteur agricole est sur-représenté dans l’expérimentation, mais le couple agriculture / artisanat n’est pas à priori celui qu’on attendait le plus) ;

Ensuite, la dimension territoriale des projets pluriactifs est importante. Elle est une source de motivation. Le lien au territoire peut être un facteur déclenchant de l’installation et de la pluriactivité. Les pluriactifs ont une bonne connaissance de leur territoire d’activité. La pluriactivité semble bien être une piste de développement des territoires ruraux ;

Enfin l’accompagnement de projets pluriactifs nécessite plus de temps, notamment du fait de la complexité des projets, et plus de coordination, du fait du cumul de champs d’activités différents. Les méthodes d’accompagnement développées pour ces projets pluriactifs ne se sont pas révélées innovantes, les méthodes classiques d’accompagnement de

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projet de création/développement d’entreprises prédominent. Les réorientations vers une autre structure sont fréquentes, et ils se font majoritairement en direction d’instances institutionnelles (chambres consulaires et organismes de formation). L’expérience des accompagnateurs à la pluriactivité est variable d’une structure à l’autre. Pour certaines structures, l’engagement dans le champ de la pluriactivité relève d’une stratégie bien identifiée. Mais pour beaucoup d’autres, notamment agricoles, elle relève d’un positionnement récent en réponse au contexte de crises sectorielles. En définitive peu de pratiques d’accompagnement intègrent les problématiques liées à la pluriactivité (analyse des combinaisons d’activité, équilibre économique, équilibre du temps de travail, etc.). Les accompagnateurs et prescripteurs de l’accompagnement ont des besoins manifestes de renforcement de compétences et d’outils pour aborder les dimensions spécifiques des projets pluriactifs : gestion du temps, combinaison de statuts et d’activités économiques, approche globale du système d’activité.

L’état des lieux, opéré par l’expérimentation menée par la Région, fait ainsi ressortir que le choix de la pluriactivité est très dépendant des parcours personnels et professionnels des créateurs d’activité, et que sa mise en place est liée à un ancrage territorial fort dans lequel le porteur de projet peut (re)mobiliser des compétences maitrisées dans un domaine extérieur à son activité principale (Pombo, 2008).

Cette expérimentation, initiée et pilotée par la Région Languedoc-Roussillon, se développe en en parallèle à un projet de recherche-action régional portant sur le même thème, le projet Intersama.

b) Le projet Intersama

Le projet Intersama (INsertion TERritoriale des Systèmes d’Activité des Ménages Agricoles) est un projet de recherche en partenariat, du programme français « Pour et Sur le Développement Régional » (PSDR3/INRA)70, d’une durée de 3 ans (de 2008 à 2011), axé sur

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Les programmes de recherche "pour et sur le développement régional" (PSDR) sont consacrés à l'analyse des dynamiques territoriales des espaces ruraux, et au rôle joué par les activités économiques. Mis en place dans dix régions françaises, ils étudient les territoires, les pays, les réseaux, ainsi que les processus d'innovation, de développement durable et de gouvernance territoriale. Souvent menés sous

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les problématiques de la pluriactivité et de son accompagnement dans les territoires. Ce programme est étroitement associé aux spécificités régionales et aux attentes locales en termes de développement. Il associe de nombreux partenaires : des chercheurs de différentes disciplines (géographie, agronomie, zootechnie, sociologie, droit…), appartenant à des laboratoires divers (UMR Innovation, UMR Metafort, UMR Tetis, SupAgro Florac, Isara Lyon) et des acteurs professionnels d’horizons variés, provenant d’organismes d’accompagnement (Chambre Régionale d’Agriculture, Adear de l’Aude, Adear du Gard, Adéar LR, Airdie) ou partenaires territoriaux (Conseil régional, Comité de Bassin d’Emploi des Cévennes, Pays Corbières Minervois). Construit sur la base des coopérations émergentes via l’expérimentation de la Région, ce partenariat reflète en partie la diversité des approches de la pluriactivité et de l’accompagnement à l’échelle régionale. Le projet Intersama s’inscrit donc dans le renforcement d’un réseau de coopération préexistant. Le projet articule deux volets de recherche. Le premier porte sur le fonctionnement et la dynamique des systèmes d’activité à l’échelle du ménage pluriactif, et le second étudie les relations entre les projets des ménages pluriactifs et les dispositifs de l’accompagnement resitués dans les territoires (Gasselin, et al., 2008). Le projet se base sur le constat de la place majeure de la pluriactivité dans les tissus économiques ruraux de la région, et de son émergence dans les dispositifs d’accompagnement, sans que le phénomène ne soit clairement défini ni analysé., Bien que non consensuels, comme nous l’avons vu précédemment et comme nous pourrons le préciser dans ce focus opéré sur la région Languedoc-Roussillon, les enjeux de la pluriactivité pour les individus et les territoires sont importants pour la période actuelle. Mieux comprendre leur nature et le fonctionnement des systèmes d’activité doit permettre d’orienter au mieux les outils d’accompagnement qui leur sont dédiés et les politiques publiques qui en découlent. Le Haut-Languedoc est un des espaces d’observation du projet Intersama, parmi quatre autres territoires (la région Languedoc-Roussillon, le Pays Corbières-Minervois, le Pays Haut-Languedoc et Vignobles et le Comité de Bassin d’Emploi des Cévennes).. Le projet Intersama a produit de nombreux travaux scientifiques et des mémoires d’étudiants sur lesquels nous nous appuierons spécifiquement. Il fait l’objet de nombreux échanges entre partenaires depuis son démarrage. Pour ma part, j’ai participé activement à ce projet dans lequel le Cirad est un acteur important.

forme de recherche-développement, ils ont pour objectif, comme leur nom l’indique, de contribuer au développement régional et territorial.

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Des données disponibles concernant l’accompagnement et en particulier des mémoires produits71 nous détaillerons dans les pages suivantes trois enseignements :

- l’hétérogénéité des organismes qui composent le dispositif d’accompagnement en Languedoc-Roussillon ;

- l’absence de relation entre la reconnaissance de la pluriactivité dans le discours des organisations et la pratique d’accompagnement ;

- la timide émergence d’un accompagnement à la pluriactivité, observable par l’évolution des pratiques et des postures.

2) L’hétérogénéité des organismes d’accompagnement en