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2.1.1 Introduction sur la biosynthèse des terpénoïdes

La famille des terpénoïdes constitue la plus vaste famille de métabolites secondaires et leurs structures diversifiées leur confient des activités biologiques tout aussi variées.1 On connait

plus de 55 000 composés membres de cette famille.2 Plusieurs d’entre eux ont des

applications médicinales tels que l’artémisinine et le paclitaxel présentés précédemment. Leurs applications s’étendent même jusqu’à leur utilisation en tant que produits cosmétiques, de fragrances en parfumerie, de saveurs et d’additifs alimentaires.3 Malgré la

grande diversité et complexité des terpénoïdes, ils ne proviennent que de deux simples molécules de 5 carbones : l’isopentényle diphosphate 21 (IPP) et son isomère diméthylallyle diphosphate 22 ou prényle diphosphate (DMAPP).4 Ces précurseurs universels sont

biosynthétisés selon deux routes prédominantes; à partir de l’acétyl-coenzyme A ou de l’acide pyruvique (Schéma 9).

Ces unités sont ultimement assemblées par des prényles transférases pour générer des terpénoïdes linéaires de différentes longueurs multiples de 5 carbones (Schéma 10). Pendant ce phénomène, une série de condensations cationiques entre un DMAPP et des unités d’isoprènes activés IPP a lieu et permet la fabrication du diphosphate de géranyle (GPP), du diphosphate de farnésyle (FPP), du diphosphate de géranylgéranyle (GGPP) et du diphosphate de farnésylgéranyle (GFPP).5, 6 Ces composés sont les précurseurs de milliers

de terpénoïdes classés selon le nombre d’unité d’isoprène qu’ils contiennent : les monoterpénoïdes (C10), les sesquiterpénoïdes (C15), les diterpénoïdes (C20) et les

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sesterterpénoïdes (C25). Cette élongation de chaîne peut même s’étendre jusqu’à former le caoutchouc naturel qui consiste en un polymère de millions de carbones de long.7

Par la suite, des terpènes cyclases sont responsables de la cyclisation de terpénoïdes linéaires en structures polycycliques.5 Ces cyclisations seront brièvement abordées dans un

chapitre ultérieur de cette thèse. La grande variation entre le nombre d’unités d’isoprène, de réactions de cyclisation et de réarrangements est principalement responsable de l’énorme diversité structurelle de cette famille de composés. L’obstacle principal dans le développement de terpénoïdes à des fins commerciales demeure leur faible biodisponibilité dans l’environnement. C’est une des raisons pour laquelle beaucoup de groupes de chimie de synthèse tel que le nôtre s’intéressent à la synthèse de tels composés.

2.1.2 Une petite famille de furanoterpénoïdes

Il existe beaucoup de terpénoïdes naturels linéaires de différentes tailles et différentes complexités. Les plus simples et les plus abondants dans la nature sont souvent en vente commerciale et peuvent être utilisés en tant que synthon pour la synthèse. Les composés de structures plus élaborées sont moins abondants et sont donc des cibles intéressantes pour en développer des synthèses totales. Nous nous sommes intéressés à un petit groupe de molécules constitué de terpénoïdes directement connectés à des cycles furanoïques appelés les furanoterpénoïdes linéaires. Cette sous-famille de produits ainsi que ses cousins, les pyrroloterpénoïdes, représentent un ensemble de près de 600 composés connus qui sont rassemblés dans des revues de la littérature.8 Certains furanoterpénoïdes, exemplifiés par

les composés 6 à 9 (Figure 9), possèdent des activités biologiques intéressantes telles que des activités anticancéreuses, anti-inflammatoires et antivirales.9, 10, 11, 12 Ces composés sont

originaires d’éponges marines et sont tous isolables qu’en faibles quantités de leur environnement naturel. Nous avons donc ciblé d’effectuer la synthèse totale de ces 4 composés.

2.1.3 La problématique

Parmi ces 4 composés, seulement une synthèse du variabilin 7 avait été rapportée par le passé.13 Le squelette carboné de ce terpénoïde a été assemblé par l’usage de la

méthodologie de Grieco,14 c’est-à-dire, par des séquences de substitutions S

N2 allyliques à

partir de sulfones suivies de désulfonations réductrices (Schéma 11). Un premier couplage a permis l’installation du groupement furane et un second d’attacher la chaîne munie du

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enzymatique catalysée par des lipases PS d’un composé originalement achiral. La synthèse se conclue par une condensation du tétronate de méthyle 24 avec l’aldéhyde (S)-23 qui fournit, après déprotection, l’acide tétronique (S)-7 dans un mélange de stéréoisomères Z et E (2.8 : 1).

La méthode de Grieco est une méthodologie très utilisée encore aujourd’hui en synthèse de terpénoïdes linéaires.15, 16 Son concept vise la déprotonation en alpha d’un réactif sulfone

pour former le nucléophile N puis la substitution d’un halogénure allylique E pour fournir un composé sulfoné S (Schéma 12). Cette méthode permet d’effectuer la substitution allylique SN2 avec une excellente sélectivité tandis que d’autres méthodes, telles que des méthodes

catalysées par le palladium ou le cuivre, sont plutôt employées pour effectuer des additions allyliques SN2’. Ces dernières sont reconnues pour leurs applications dans les fameuses

réactions d’additions asymétriques allyliques qui sont le sujet de bien des recherches.17 Bien

que la sélectivité de cette réaction soit excellente, cette méthodologie requiert plusieurs étapes pour d’abord obtenir le réactif sulfone de départ ainsi que l’halogénure allylique (à partir d’alcools allyliques par exemple). De plus, une étape supplémentaire est requise pour retirer le groupement sulfone préalablement installé. Dans une optique d’économie d’étapes et d’économie de redox, cette méthodologie laisse place à amélioration.

Par-dessus tout, cette désulfonation réductrice est habituellement source de problèmes synthétiques supplémentaires. De nombreux exemples démontrent que cette dernière peut engendrer la migration d’une double liaison adjacente pour fournir un mélange d’isomères difficilement séparables (Schéma 13).18 De plus, ces désulfonations sont effectuées dans

des conditions assez drastiques (Li/EtNH2, LiBHEt3/Pd(dppp)Cl2 ou encore Na/EtOH) qui ne

sont pas toujours compatibles avec les fonctionnalités des molécules synthétisées. L’emploi d’une méthode plus douce et générale pour fabriquer ce type de substrat serait plus adéquat. Afin d’éviter ces problèmes et afin d’éliminer les réactions de redox superflues, nous avons employé une méthodologie alternative pour fabriquer les composés naturels 6 à

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