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2.4 Synthèse du 22-déoxyvariabilin énantiomériquement pur

2.4.6 Synthèse du (R)-22-déoxyvariabilin

La réaction de couplage croisé de Schlosser pouvait enfin être évaluée. Le néotorreyol 25 est converti en acétate 80 qui est obtenu avec un rendement de 94% (Schéma 38). Dans nos conditions optimales développées précédemment, le couplage entre (R)-67 et 80 a fourni le composé 81 dans un mélange inséparable avec le produit secondaire attendu 76. La déprotection de 81 a donc été effectuée sur le mélange, ce qui a permis d’isoler l’alcool (R)-57 avec un rendement de 98% pour les deux étapes. L’utilisation de cette méthode s’est donc avérée cruciale afin d’obtenir sélectivement le produit d’addition SN2. À ce point,

l’excès énantiomérique a également été évalué par la méthode des esters de Mosher et nous avons confirmé qu’il n’y avait pas de racémisation du centre chiral dans ces conditions. L’aldéhyde (R)-23 est par la suite obtenu avec un rendement de 78% par une oxydation de Dess-Martin.

L’application de notre protocole stéréosélectif pour fabriquer les (Z)-γ-alkylidène- buténolides permettrait d’achever la synthèse du composé cible. Pour ce faire, le bromobuténolide 83 devait être obtenu. Il est connu que la synthèse de bromobuténolides à partir d’acides tétroniques qui possèdent un substituant en position α est difficile.40, 84 En

effet, l’acide tétronique 82 n’a fournit 83 que dans un rendement de 24% dans les conditions de Jas41 (Tableau 1, entrée 1). Une méthode générale pour effectuer une telle

transformation devait être développée et plusieurs conditions ont donc été explorées. D’abord, l’usage de MsBr avec une base et du LiBr s’est résulté en la formation du mésylate correspondant seulement et n’a pas fourni le composé 83 désiré (entrée 2).85 L’utilisation

de P2O5 en conjonction avec le sel TBAB était peu efficace (entrée 3). Nous avons également

tenté de fabriquer l’iodure 84 par l’utilisation de TBAI et de P2O5 ou par l’emploi des

conditions de Garegg (PPh3, I2, Et3N)86 sans succès (entrées 4 et 5). Par contre, nous avons

trouvé que l’acide tétronique 82 peut d’abord être converti en triflate puis en bromure 83 dans des conditions de Finkelstein dans une séquence en un seul pot (entrée 6). Le bromure

83 est alors isolé avec un rendement de 67%. Un fait intéressant est que l’iodobuténolide 84 peut être obtenu par cette même séquence de manière nettement plus efficace (entrée

7). Avec les composés 83 et 84 en main, les dérivés silyloxyfuranes 85 et 86 ont été obtenus avec des rendements de 89% et 99% respectivement (Schéma 39). Ces composés

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ont permis de fabriquer efficacement les alkylidènes-buténolides 87 et 88 à partir de l’aldéhyde (R)-23 précédemment synthétisé.

Tableau 1 : Méthodologies explorées pour la synthèse des β-halobuténolides 83 et 84

Entrée

Conditions

Produit

Rendement (%)

1 bromure d’oxalyle, DMF CH2Cl2, 0 °C à rt 83 24 2 MsBr, LiBr, Et3N, CH2Cl2 83 0 3 P2O5, TBAB, toluène, reflux 83 9 4 P2O5, TBAI, toluène, reflux 84 2 5 PPh3, I2, PBr3 (cat.) Et3N, MeCN 84 2 6 1) Tf2O, Et3N, CH2Cl2

2) LiBr, acetone, reflux 83 67

7 1) Tf2O, Et3N, CH2Cl2

2) LiI, acétone, reflux 84 91

La dernière étape de la synthèse du (R)-22-déoxyvariabilin consistait en la déhalogénation de l’un ou l’autre des alkylidène-buténolides 87 et 88 obtenus. Lorsque le bromure 87 est soumis à du zinc dans l’acide acétique à température ambiante et dans un bain sonique,87 le

produit de départ est récupéré tandis que cette même réaction portée à reflux dégradait le produit. Seulement l’utilisation de zinc dans un mélange de THF et de NH4Cl aqueux a

permis d’effectuer la déhalogénation de 87 à température pièce (Schéma 40).88 Par contre,

la réaction a fourni un mélange de stéréoisomères (Z/E = 3.2 : 1).

Pour évaluer cette isomérisation plus en détail, les composés modèles 89 et 90 ont été synthétisés à partir du 2-méthylpentanal dans nos conditions préétablies (Schéma 41). Lorsque le bromure 89 est soumis aux mêmes conditions de déhalogénation, un ratio de 5 : 1 des stéréoisomères Z et E déhalogénés est obtenu. Pour bien confirmer l’identité de chacun, 91 et 92 ont été fabriqués par une méthode différente. Une réaction de type Knoevenagel entre le buténolide 93 et le 2-méthylpentanal a fourni 91 et 92 avec des rendements isolés de 40% et 22% respectivement. Ces deux composés ont par la suite été séparément soumis aux conditions de déhalogénation employées. Dans les deux cas, un ratio de 5 : 1 des stéréoisomères Z et E était observé. Il était évident que ces conditions étaient responsables de l’isomérisation et qu’elles étaient à éviter.

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Une déhalogénation dans des conditions de Stille89 a plutôt été effectuée. Après 5 h de

réaction dans des conditions typiques, 32% de (R)-8 a été isolé à partir du bromure 87 tandis que l’iodure 88 a fourni le même produit avec un rendement de 95% (Schéma 42). Dans les deux cas, aucune isomérisation n’a été détectée par l’utilisation de cette méthode. La déhalogénation a également été possible à partir de l’iodure 88 par l’utilisation d’un silane plutôt que l’hydrure d’étain, mais au détriment du rendement (65%).

Schéma 41 : Étude sur un système modèle pour l’étape de déhalogénation

Enfin, la synthèse du (R)-22-déoxyvariabilin a été achevée en 11 étapes linéaires pour un rendement global de 17%. L’évaluation du pouvoir rotatoire du composé synthétique R (dextrogyre) a permis d’établir que la stéréochimie absolue du produit naturel (lévogyre) est S. Ce résultat démontre que ce dernier ne possède pas la même stéréochimie absolue que son congénère (R)-variabilin avec lequel il avait été isolé.

2.4.7 Tentatives de synthèse stéréosélective du variabilin

Suite à ces travaux, nous souhaitions appliquer notre stratégie à la synthèse du variabilin. Nos intentions visaient son obtention par l'intermédiaire des bromo- et iodo-alkylidène- buténolides 87 et 88 obtenus stéréosélectivement. Par contre, un survol de la littérature démontre qu’aucune méthode n’a été rapportée pour convertir de tels groupements en acide tétronique. Avec nos composés modèles 89 et 90, plusieurs méthodes ont donc été tentées. D’abord, nous envisagions qu’une séquence de type oxa-Michael/élimination à l’aide d’un nucléophile oxygéné tel que le t-BuOONa permettrait la conversion de 89 en acide tétronique 94 après le traitement approprié (Tableau 2, entrées 1 et 2). À notre déception, le produit d’oxa-Michael n’a pas été détecté après quelques tentatives. Dans le même ordre d’idée, la conversion de 89 en acide tétronique par le biais d’une amination de type Michael suivie d’une oxydéamination en milieu acide90 a été tentée (entrée 3). Par

contre, l’amination de 89 dans des conditions similaires à celles rapportées91 a échoué sur

ce composé. Puisque des alkylidène-buténolides halogénés similaires ont été employés avec succès dans des réactions de couplages croisés,87 nous avons essayé de convertir les

groupements halogénés en ester boronique par la procédure de Miyaura.92 L’obtention de 94 pourrait alors être possible à l’aide d’un traitement oxydatif (H2O2, NaOH) du boronate

généré. Par contre, un produit d’homocouplage de 2 molécules de produit de départ semblait être formé majoritairement (entrée 4). Nous avons également exploré différentes conditions de couplages de type Ullmann-Buchwald93 afin d’en isoler les β-alkoxybuténolides

correspondants. Il serait possible avec de tels substrats d’accéder à l’acide tétronique par une réaction de désalkylation à l’aide d’acides de Lewis selon des conditions connues.94

Dans les conditions mentionnées, les produits de couplages n’ont pas été isolés (entrées 5 à 7). Lorsque la réaction est effectuée dans le toluène en présence de l’alcool en quantité stœchiométrique, de la dégradation est observée tandis que lorsque la réaction se déroule dans l’alcool comme solvant, les analyses RMN du mélange non purifié semblaient indiquer que le produit d’ouverture de cycle s’était formé. Des conditions de Hartwig95 pour coupler

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tenté une réaction d’époxydation de l’insaturation α-β du buténolide 89 par le NaOCl96 en

espérant induire un réarrangement vers 94 avec l’addition d’un sel d’argent (entrée 9). Cependant, l’époxidation de l’alkylidène semblait plutôt favorisée. Ces résultats démontrent qu’une méthode pour convertir efficacement les β-halobuténolides en acides tétroniques demeure un défi synthétique qui demande d’être investigué davantage.

Tableau 2 : Tentatives pour convertir les β-halobuténolides 89 et 90 en acide tétronique

Entrée

Produit de

départ

Conditions

Résultats observés

1 89

t-BuOOH, NaOH TBAB, CHCl3/H2O

rt, 3 jours

produit de départ + dégradation

2 89 t-BuOOH, Et3N,

DCM, rt, 24 h produit de départ récupéré

3 89 pyrrolidine, THF

rt, 2 h mélange complexe sans le produit désiré

4 89 ou 90

pinB-Bpin, AcOK, Pd(dppf)2Cl2,

Dioxane, rt, 18 h

homocouplage (formation de dimères)

5 89 i-PrOH, CuI, 1,10-phénantroline, Cs2CO3, toluène, relux, 16 h dégradation 6 90 MeOH, CuI, 1,10-phénantroline, Cs2CO3, toluène, relux, 16 h dégradation 7 90 CuI, Cs2CO3, 1,10-phénantroline, MeOH, 50 °C, 6 h méthanolise de la lactone 8 90 TBSONa, Ni(COD)2, dppf, toluène, 55 °C, 18 h produit de départ 9 89 NaOCl, dioxane

Une stratégie alternative a par la suite été explorée. Nous savions qu’un tétronate de méthyle ne permettrait pas une bonne stéréosélectivité dans la formation de Z-γ-alkylidène- buténolides. Par contre, le tétronate d’isopropyle 95 pouvait potentiellement fournir la sélectivité recherchée due à l’encombrement stérique supérieur du groupement isopropyle par rapport au groupement méthyle à cette même position. Le composé silylé 96 a donc été préparé (Schéma 43, A). L’utilisation de DBU pour y arriver était clé car l’utilisation de Et3N

dans ces conditions n’était pas en mesure de convertir le produit de départ. Par la suite, le réactif 96 est additionné sur l’aldéhyde modèle afin de générer les alcools diastéréoisomériques correspondants. L’étape d’élimination devait également être effectuée à l’aide du DBU car même avec un excès de Et3N, seulement le mésylate était formé et

l’élimination de ce groupement ne procédait pas. Après la séquence, les produits 97 et 98 ont été isolés dans un ratio de 4 : 1 et avec des rendements de 49% et 12% respectivement (Schéma 43, B). Nous avons également tenté l’addition de l’organolithien de

96 sur l’aldéhyde suivie de l’élimination directe par l’addition de MsCl et de Et3N, mais un

ratio de 4 : 1 a également été observé des produits 97 et 98 respectivement (Schéma 43, C). Bien qu’une sélectivité modeste ait été atteinte par cette stratégie, nous n’avons pas appliqué cette méthode à la synthèse du variabilin.

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Afin d’évaluer le potentiel d’autres réactifs similaires pour la synthèse du variabilin, les dérivés silylés 100 et 101 ont été fabriqués à partir de l’acide tétronique 82 et du triflate

99 respectivement (Schéma 44). Ces composés ultrasensibles à l’humidité ainsi qu’à

l’acidité ont requis une attention particulière, mais sont tout de même synthétisés efficacement. Par contre, ces composés n’ont pas été en mesure d’offrir les alkylidène- buténolides désirés. Le composé 100 perd très facilement ses groupements silyles dans les conditions de Mukayiama-aldol tandis que le composé 101 fournissait un mélange complexe qui n’a pas été étudié davantage. Toutefois, ces réactifs n’avaient pas été rapportés dans la littérature et pourraient s’avérer utiles dans diverses applications.