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4.2 Synthèse de l’antrocin

4.2.3 Synthèse de l’albicanol

L’utilisation de notre protocole a d’abord permis l’obtention de l’amide 164 efficacement à partir du sclaréolide (Schéma 80). Ensuite, une réduction au DIBAL a fourni l’aldéhyde 165 avec un rendement de 98%. Étonné du résultat rapporté par Villamizar et coll., stipulant que la conversion de 165 en albicanol 161 était possible par une réaction de Baeyer-Villiger suivie d’une hydrolyse,25 nous avons tenté de reproduire cette séquence. Par contre, dans

les mêmes conditions, la conversion désirée ne s’est pas produite et seulement l’acide 184 était formé (voir spectes RMN en annexe p.361 à 364). Cette réactivité observée est plutôt en accord avec la théorie qui décrit que les aldéhydes primaires forment plus facilement des acides carboxyliques tandis que dans le cas des aldéhydes secondaires et tertiaires, la formation de formiates correspondants est une réaction compétitrice.26

Notre raisonnement nous a poussé à tenter une réaction de Baeyer-Villiger sur le méthyle cétone 185 obtenu à partir de l’aldéhyde 165 (Schéma 81). Considérant l’aptitude migratoire des groupements dans le réarrangement de Baeyer-Villiger (alkyle tertiaire > cyclohexyle > alkyle secondaire, aryle > alkyle primaire > méthyle),26 l’acétate 186

pourrait être obtenu par cette séquence. Par contre, dans les conditions de Villamizar et coll., aucune réactivité n’était observée à basse température (-78 °C) et lorsque la température est élevée, l’époxyde 187 semblait être le produit majoritaire de la réaction. Des résultats similaires rapportés par le groupe de Davies-Coleman27 nous ont convaincus

de modifier notre approche vers l’albicanol.

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Le groupement alcène sur la molécule était problématique lors de la réaction de Baeyer- Villiger et une stratégie alternative fut mise au point. Nous envisagions la synthèse de l’albicanol à partir du diol 189 dont la synthèse avait été rapportée quelques fois à partir du sclaréolide.28 Il serait alors possible par la suite de protéger sélectivement l’alcool primaire

afin d’effectuer la déshydratation de l’alcool tertiaire.28b Selon la méthode de Vlad et coll.,28a, 29 le sclaréolide est converti en méthyle cétone 188 (Schéma 82, A). Une réaction de

Baeyer-Villiger génère l’intermédiaire acétate 190 qui est aussitôt hydrolysé en diol 189. Afin d’éviter les étapes de protection et de déprotection superflues, nous envisagions d'effectuer une déshydratation régiosélective de l’alcool tertiaire sur l’acétate 190 directement. D’ailleurs, le groupe de Vlad a également exploré cette stratégie afin de parvenir à fabriquer le régiomère drimenol 191 (Schéma 82, B).29 Il a rapporté qu’un

mélange de régiomères est obtenu après une déshydratation à l’aide du POCl3 et de

pyridine. L’isolation de l’albicanol 161 à partir d’un tel mélange est possible par réaction chimiosélective des alcènes endocycliques avec le m-CPBA, ce qui fournit les époxydes correspondants et laisse l’albicanol intacte pour purification.30 Par contre, l’obtention du

drimenol a requis le développement de conditions alternatives. Des conditions acides ont été développées pour effectuer la déshydratation et pour fournir majoritairement le drimenol

191 qui est purifié par recristallisation. Afin d’isoler l’albicanol majoritairement tout en

évitant d’employer des réactions superflues, nous devions développer nos propres conditions pour effectuer la déshydratation de l’acétate 190 efficacement.

Le sclaréolide est alors converti en méthyle cétone 188 dans des conditions similaires à celles de Vlad et coll. (Schéma 83).28a Dans cette réaction, un effet gem-dialkyle important

est observé, ce qui stabilise la forme lactol après l’addition d’un seul équivalent de MeLi. La cétone 188 est donc le produit majoritaire de la réaction après traitement acide. Ensuite, dans les conditions rapportées de Kane Jr. et coll.,31 188 est converti en acétate 190 avec

un rendement reproductible de 84%. Dans les conditions optimales de déshydratation employées pour fabriquer l’amide de Weinreb 164 (SOCl2, pyridine, -78 °C), un ratio de 2 :

1 des oléfines exocycliques et endocycliques 186 et 193 est observé. Les composés 186 et

193 n’étaient pas séparables par chromatographie tout comme les alcools 161 et 191

obtenus après hydrolyse. La protection des alcools par un groupement TBS (194) a été nécessaire à ce point-ci pour séparer les deux régiomères et permettre l’obtention de l’albicanol 161 pur après déprotection.28b

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Pourtant, une excellente régiosélectivité avait été rapportée dans ces mêmes conditions pour la déshydratation du substrat 195 qui a permis la synthèse du coronarin E et des chinensine A-E (Schéma 84).32 Est-ce que le substituant 3-cétofurane était responsable de

la régiosélectivité observée? Était-il préférable ou nécessaire d’avoir un substituant aromatique à cette position pour contrôler la régiosélectivité de l’élimination? Pour tenter de répondre à cette dernière question, nous avons modifié le substituant acétate par un groupement aromatique de type benzoate. Il était souhaitable que ce groupement soit bénéfique sur la sélectivité de la déshydratation. Plutôt que de rajouter des étapes superflues à la séquence synthétique (hydrolyse de l’acétate, estérification), nous l’avons modifiée.

Le composé 198 a donc été synthétisé par une séquence similaire à celle employée pour fabriquer l’acétate 190 (Schéma 85). L’ouverture de la lactone du sclaréolide par l’organolithien 196 suivie d’une oxydation de Baeyer-Villiger a permis d’isoler 198 dans un excellent rendement. Bien que les groupements aryles ont habituellement une aptitude migratoire supérieure aux groupements alkyles primaires dans le réarrangement de Baeyer- Villiger, le groupement électroattracteur CF3 permet de favoriser la formation de 198.33 Un

point intéressant est que le seul produit secondaire observé de la réaction était le sclaréolide 162 qui pouvait alors être récupéré. Par contre, la déshydratation de l’alcool tertiaire n’était pas plus avantageuse en termes de régiosélectivité et un ratio de 2 : 1 des alcènes exocyclique et endocyclique a été obtenu respectivement.

Schéma 84 : Exemple de déshydratation effectuée avec succès par le groupe de

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Ces résultats décevants nous ont poussés vers l’optimisation des conditions réactionnelles de déshydratation sur le substrat acétate 190. En conservant la température à -100 °C, l’utilisation de pyridine et de lutidine n’améliorait point la régiosélectivité (Tableau 5, entrées 1 et 2). Par contre, un ratio de 3 : 1 a été obtenu avec l’utilisation de la base de Hünig pour les composés 186 et 193 (entrée 3). Heureusement, nous avons trouvé que l’utilisation de Et3N et de SOCl2 permettait d’atteindre une régiosélectivité de 12 : 1 en

faveur de 186 (entrée 4). Après hydrolyse du groupement acétate, une recristallisation a permis d’obtenir l’albicanol 161 pur avec un rendement de 86% pour les deux étapes.

a) Après hydrolyse (KOH, MeOH), l’albicanol 161 est isolé par recristallisation (86%)