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2.1 S’il tient compte de la contextualité

2.1.1 Tenir compte des caractéristiques culturelles

Ainsi, l’inculturation concerne directement tout contexte visé en tenant compte des caractéristiques culturelles de chaque peuple, tels les comportements, les mentalités, les traditions ou les coutumes. L’évangile doit s’inculturer dans l’espace et dans le temps. Partout il doit rejoindre les modes de penser, de juger et d’agir propres aux cultures. C’est pourquoi les différentes cultures doivent être comprises à partir de leur contexte. Il ne s’agit pas seulement de chercher comment exprimer l’évangile dans la mentalité des peuples mais bien, en même temps, de laisser parler le peuple de façon à ce que l’évangile soit proclamé et célébré dans les signifiants qui lui sont propres et selon la mentalité qui

lui est sienne1.

Cette contextualisation se construit à partir de Γenvironnement culturel. Pour ce faire, elle doit trouver des terrains propices où se développer, des secteurs appropriés dans lesquels pourrait se pratiquer une catéchèse par exemple; une herméneutique qui saurait reformuler le message pour un sens local; une christologie qui présenterait un Christ accessible, une eschatologie qui serait une sorte de sotériologie en devenir. Une autre possibilité serait d’y voir une ecclésiologie qui tendrait à refléter les affinités mêmes du lieu où elle est appelée à se vivre. La contextualisation devrait aussi pouvoir développer une théologie, une liturgie, un imaginaire religieux, bref des signes concrets dans le langage culturel du milieu et ainsi passer d’un langage religieux spécialisé, et en quelque sorte étranger, à un langage compréhensible et familier. Tant de secteurs qui pourraient soutenir le développement d’un sens original pour la dignité humaine, pour la justice et la paix, pour la promotion humaine. Dès lors, la parole proclamée peut rejoindre la parole humaine de ceux que la Bonne Nouvelle veut atteindre.

Une des raisons majeures qui nous pousse à ne pas négliger cet élément se voit dans le mouvement même du christianisme. Le judaïsme tel que nous le comprenons poursuivait un mouvement qui commandait aux nations de converger vers Jérusalem; avec le christianisme c’est plus un mouvement qui nous fait rayonner vers les nations. Étant ainsi, le déplacement est de notre responsabilité et c’est nous qui pérégrinons en

1. René Luneau, Laisse aller mon peuple! Églises africaines au-delà des modèles, Paris, Éditions Karthala, 1987, p. 77-80.

direction de leur contexte.

Pour pouvoir réaliser ceci, il faut un travail constant pour se départir de Γ ethnocentrisme.

On peut trouver des exemples d’une telle contextualisation dans la bible. Le

serviteur souffrant d’Ésaïe (chap.53) semble trouver à l’intérieur de sa tradition culturelle !’inspiration qui orientera sa vie dans la direction voulue de Dieu. Cinq cents ans après, Jésus ayant bénéficié d’une éducation basée entre autres sur les traditions juives de son temps, sut en utiliser les éléments culturels et les genres littéraires, à savoir, les paraboles, les proverbes ou les imprécations.

Le contexte de l’Église primitive nous montre une autre façon de mettre à profit la contextualisation. Nous y retrouvons deux groupes de chrétiens culturellement distincts: les chrétiens d’origine juive influencés par l’Ancien Testament et peu par l’hellénisme et les chrétiens d’origine païenne, peu influencés par l’Ancien Testament mais fortement par l’hellénisme. Comment ont-ils tiré leur épingle du jeu?

Après débat, les premiers chrétiens ont décidé que la vocation chrétienne ne demandait pas de fuir sa culture, qu’elle soit juive ou grecque. Ils ont tenté d’accueillir le christianisme dans leur propre culture.

Ils ont dû cependant s’ouvrir à différentes façons de mettre en valeur cet accueil. Paul ne pouvait imposer la culture juive aux païens même si la foi chrétienne était issue de la culture juive. L’épisode de Paul discourant sur la place publique montre bien

l’ouverture d’esprit de l’apôtre. Il aurait bien pu se cantonner à ne parler que dans la synagogue mais il pousse la hardiesse à s’adapter au contexte, ce qui le mena jusqu’à l’aréopage. Il était de coutume que les grands penseurs prennent la parole dans cette assemblée; ainsi donc Paul s’est servi de ce moyen pour, encore une fois, tirer partie d’une caractéristique culturelle et la mettre au service de l’Évangile. Nous le voyons aussi chez les apôtres. Ils n’ont pas cherché à se mettre en opposition par rapport à la culture juive: on peut les voir, par exemple, à la prière au temple. Dans le choix des frères

(ActesVI) il s’arrête au nombre de sept qui est le nombre des administrateurs dans une ville juive qu’on retrouvait à l’époque. Il a cependant fallu séparer foi chrétienne et culture juive, en relativisant les rites et coutumes juives. De même face à la culture grecque on a cherché à en garder les aspects compatibles avec le christianisme. À partir de ce moment là le christianisme s’est diffusé par la langue grecque et s’est appuyé , par la suite, sur la philosophie grecque.

Comme corollaire, nous en déduisons trois leçons sur la façon dont la foi a été proposée dans l’Église primitive:

- !’acceptation des cultures (juives et grecques). Déjà le pluralisme s’installe dans l’expérience chrétienne,

- l’accueil de la nouveauté dans un appel au dépassement des cultures d’origine, - la critique des cultures qui rend possible le respect des nouvelles orientations.

l’approche de l’évangélisation des cultures africaines. Dans l’africanisation du

christianisme, il s’agit de concilier une certaine fidélité au patrimoine prenant sa source dans l’Église, avec l’expression africaine de ce dit patrimoine, de manière à rendre possible un christianisme africain qui tienne compte du contexte africain.

Parallèlement au contexte africain, nous pouvons évoquer l’expérience des peuples indiens d’Amérique. Les missionnaires avaient dénoté chez eux un profond sens

religieux; aussi ont-ils misé sur cette profondeur. Ils ont tenté de se familiariser avec eux en adoptant leur langue et leur système de représentations avant même la première proclamation. Ils ont pour un temps mis de coté leurs propres concepts théologiques et philosophiques pour accueillir les représentations concrètes des autres. Voilà un bel exemple de contextualisation. L’évangile pouvait alors se transposer dans le langage que ces hommes étaient en mesure de comprendre puis enfin être annoncé dans ce langage.

Nous voulons parler ici d’une présentation adaptée au contexte en langue

vernaculaire. Ce procédé vise un objectif bien précis: annoncer le récit évangélique dans le but de ne pas le rendre étranger à la culture visée et dire en ses termes ce que

l’évangile proclame. Il s’agit de mettre les traits culturels au service de l’évangile, en ayant pour but de libérer une parole qui va provoquer une autre parole, celle du peuple lui-même.

Dès lors, la contextualisation sert bien la cause de !’épanouissement de la Parole de Dieu dans une nouvelle culture. En pratique, il nous est donné la possibilité

d’accompagner les cultures vers un développement et une évolution qui tiennent compte de leur contexte.