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3.2 L ’écoute active (l’accueil)

3.2.1 Ce qu’est l’écoute

Nous voyons bien l’importance accordée à l’écoute pour tout dialogue que l’on veut fructueux. Parfois même l’écoute domine sur la parole. Surtout dans un domaine où le dialogue interculturel est de prime importance, il ne nous apparaît pas déplacé de situer l’écoute au tout premier rang. L’inculturation n’y échappe pas. On pourrait jusqu’à aller à interpréter le succès de Ricci par la maxime suivante: “...Avant de prêcher, il a passé des années à écouter...”.

Par conséquent, toute violence en inculturation est à bannir. L’inculturation doit être un processus pacifique où évangile et culture entrent en contact l’un avec l’autre de manière dynamique et respectueuse1. De façon similaire, Bellet soutient que l’écoute est sans jugement sur l’autre, de quelque ordre que ce soit, moral, médical, culturel, politique, religieux, etc. Elle ne fait point acception de catégories, de classement, de hiérarchie ni même de comparaison1 2.

1. Eugène Lapointe, À ce monde camé de Dieu proclamer l'évangile. La mission aujourd’hui, Montréal, Médiaspaul, 1997, p. 122.

Essayer de découvrir dans la culture et de voir en elle des similarités avec

l’évangile pourrait être utile dans une première annonce ou dans une première approche, ceci en vue d’ancrer le message aux valeurs, aux symboles et aux attentes profondes du peuple évangélisé. Ainsi pourrait-on parler de véritable écoute active3,car n’ai-je pas à écouter l’autre pour lui et non pour moi?4

L’inculturation a comme implication de toucher les coeurs par une présentation simple et directe des réalités du salut5. Cela suppose une double condition: d’une part que soit éveillée une attente spirituelle, une certaine disposition à l’écoute de la Parole et, d’autre part, que la présentation du message réponde, de manière plus adéquate, à cette attente préalablement éveillée et l’attise davantage. Pour que ces conditions soient respectées, il faut poser des assises assez solides pour leur donner libre cours. Comment donc éveiller une attente, si d’abord on ne porte pas intérêt aux quelques éléments qui pourraient déclancher une telle disposition? C’est pourquoi l’écoute est essentielle. Ce qu’il faut éviter à tout prix est une rencontre qui se développerait de manière abstraite, sans vérification des conditions de son accueil. Si je veux être sûr que mon interlocuteur me comprenne, j’ai intérêt à connaître le langage qu’il emploie. Ce fut l’un des traits de génie de Ricci: apprendre (première étape) pour mieux écouter et mieux comprendre

3. Yves Raguin, “Un exemple d’inculturation: Matteo Ricci”, Lumen Vitae, vol.39, 1984, p. 264. 4. Maurice Bellet, op.cit, p. 12.

5. André Fossion, La catéchèse dans le champ de la communciation, ses enjeux pour l’inculturaion de la foi, Paris, Les Éditions du Cerf, 1990, p. 179.

dans le but de mieux communiquer.

Pour que le message puisse être saisi, il faut qu’il puisse répondre à une attente préalable. Comment rejoindre les aspirations, parfois secrètes, et les problèmes

quelquefois occultés des auditeurs? Comment éveiller en eux l’intérêt pour le spirituel, si ce n’est, dès le début, par la mise en place de conditions d’écoute qui en recueillent les façons particulières de s’exprimer? On pourrait ainsi être en mesure de leur retourner dans leurs propres termes, l’essence du message qui constituerait le kérygme pour eux!

Le principe initial du contenu kérygmatique n’est-il pas, à cet égard, de faire éprouver, par les initiés, de manière simple et directe que la Bonne Nouvelle vient à la rencontre de leurs attentes profondes dans le concret de leur existence? Si tel est le cas, il y va, dans l’intérêt de l’évangile, que le message soit à tout point adapté à ces attentes.

Si l’étape de l’écoute est bien respectée, !’interprétation des événements composant la vie de celui à qui on s’adresse a des chances de devenir plus adéquate passant d’une saisie première, spontanée, pleine de préjugés à une saisie seconde plus réfléchie, plus nuancée. On est donc en mesure de présenter de manière plus appropriée ces mêmes réalités de la vie et éveiller en l’autre l’intérêt, toucher son coeur en vue d’une réponse de foi.

On remarque ici, pour peu qu’on les compare, un tournant décisif par rapport aux autres méthodes qui ne respecteraient pas cette démarche, faisant ainsi violence à la culture. Dans le courant de cette méthode - c’est bien de cela qu’il s’agit - il y a la prise en

compte essentielle de la réalité telle que la vit Γ individu au sein de sa culture, une démarche qui part des réalités humaines et du langage qui les porte6.

C’est là que l’écoute prend tout son sens. Être à l’écoute, avec sagesse et

discernement, des divers éléments qui font partie du patrimoine culturel. C’est en ceci que nous voulons intégrer cette prise en compte comme exigence, ou insistance, d’une

inculturation du message chrétien7.

Comment donc prétendre arriver, par rapport aux réalités de la vie, à une réponse de foi qui respecte l’altérité, si ce n’est à partir d’éléments intrinsèques connus? C’est pourquoi le message de l’évangile ne peut pas, et ne doit pas, être isolé de la vie. Il ne peut même pas lui être simplement juxtaposé. Au coeur des éléments qui la composent, il entend l’éclairer, la critiquer, l’inspirer et lui donner sens.