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3.1 La reconnaissance de / ,éthos (les valeurs culturelles)

3.1.2 Réalités de la foi versus réalités de la vie

Pratiquement parlant, il s’agit de faire valoir les réalités de la foi (élément

nouveau) au regard des données culturelles recueillies (l’éthos) et par un mouvement de réciprocité, de valoriser ces valeurs culturelles au regard des réalités de la foi.

L’inculturation qualifie les réalités chrétiennes du point de vue de la culture et

simultanément reconnaît les valeurs culturelles du point de vue de la foi. L’orientation du mouvement se manifeste pleinement dans les réalités de la foi qui donnent une direction, un sens aux réalités de la vie; voici le schéma simple:

RÉALITÉS DE LA FOI

Z \

reconnaissent les... valorise les...

\ Z

RÉALITÉS DE LA VIE

Les réalités de la vie trouvent ainsi leur accomplissement et leur sens plénier dans les réalités de la foi, celles-ci les assumant dans leur accomplissement possible à travers le contenu kérygmatique. Un peu comme Paul le montre dans l’épître aux Galates au chapitre 3 verset 23 à 25 pour le rapport de la foi à la loi: “...Avant que la foi vînt, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée. Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afín que nous fussions justifiés par la foi. La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue...”.

Comparons ce mouvement, nécessaire, aux rapports existant entre l’Ancien et le Nouveau Testament. En effet, ce dernier ne prend sens que par rapport à l’autre; mais c’est cependant le Nouveau qui donne tout son sens à l’Ancien et l’accomplit.

Analogiquement, toute culture constitue un “Ancien Testament” par rapport à l’économie nouvelle que représente l’Évangile8. Tout homme, ou toute culture, en contact avec

l’évangile peut, à la lumière de celui-ci, interpréter sa propre culture et comprendre comment le message peut également l’accomplir.

Prenons un exemple plus précis. La pratique du sacrifice reçoit son sens en toute culture au regard des valeurs propres à cette culture. C’est pourquoi, pour faire

comprendre le sens du sacrifice, il faudra prendre appui sur ces valeurs culturelles9. Mais à l’inverse, le sacrifice assumé en Jésus-Christ donne sens, c’est-à-dire signification et orientation aux représentations culturelles.

Un autre exemple: l’Église, comme peuple de Dieu, prend sens au regard de la place que lui donne une communauté humaine particulière. Ce sens est un préalable pour l’accès à la communauté des chrétiens. Mais c’est cette communauté des chrétiens, en tant que corps mystique, qui donne à la communauté humaine de l’Église toute sa portée théologique. Ainsi, cette démarche manifeste bien les correspondances possibles entre les réalités de la vie et les réalités de la foi et les fait signifier dans leurs rapports mutuels. De là, la nécessité d’intégrer tant des réalités de la foi que des réalités de la vie.

Une bonne inculturation passe par la considération des réalités de la vie (éthos) d’une culture comme prémisse de base10. Ensuite, par un dialogue franc et respectueux, elle doit amener chaque intervenant à adopter une attitude d’ouverture, d’écoute et de questionnement. Dès lors est pavée la voie pour l’annonce du message chrétien. Reste à saisir la pertinence de ce message au regard de l’expérience humaine acquise ou

retrouvée dans cette culture. Suivront, nous l’espérons, la conversion et l’adhésion aux

9. Idem, p. 213. 10. Idem, p. 211.

valeurs propres au message chrétien. Ainsi, tout au long de ce processus, cette culture sera conduite à reconnaître son propre désir de changer, se transformer, s’améliorer, s’anoblir. Un accomplissement durable sera ainsi atteint par le chemin proposé, à savoir la pénétration de l’évangile au plus profond des personnes et des peuples, pour les rejoindre, de façon vitale jusque dans leurs racines11.

S’imposent ainsi des études approfondies sur la vision du monde que se fait une culture. Car de cette vision découle son éthos, de ces croyances élémentaires jusqu’à ces valeurs ultimes. Dieu, la vie, les autres, la mort, les ancêtres, la terre, les esprits, le mal, les rites, toutes les pratiques socio-religieuses nous renvoient aux rapports entre les réalités de la foi et les réalités de la vie. La conception de l’homme s’intégre dans la religion et inversement* 12. Notre schéma simple devient ainsi un schéma plus

REALITES DE LA FOI complexe: ■N.T. FOI “LE” SACRIFICE L’ÉGLISE -AT. - LOI - SACRIFICE - COMMUNAUTÉ REALITES DE LA VIE

*Ce schéma s’inspire avec quelques modifications de celui d’André Fossion, “La catéchèse dans le champ de la communication, ses enjeux pour l’inculturation de la foi”, Paris, Les Éditions du Cerf, 1990, p. 213.

״. Directoire général pour la catéchèse, Vatican, Librería Editricia Vaticana, 1977, p. 119-120. 12. Jean de Dieu Mvuanda, Inculturer pour évangéliser en profondeur, New-York, Éditions Peter Lang,

Évangéliser tout en discernant les valeurs culturelles susceptibles d’être enrichies, purifiées et perfectionnées par la force de l’évangile.

Évangéliser tout en atteignant l’âme même des cultures vivantes et tout en

répondant à leurs attentes les plus hautes pour les faire croître à la dimension chrétienne13. Ce long et courageux processus d’inculturation a vocation d’informer

chrétiennement les modèles de comportement typiques d’une culture, les critères de jugement, les valeurs dominantes, les habitudes et coutumes qui marquent la vie de

travail, les loisirs, la pratique de la vie familiale, sociale, économique et politique. Quand on parle de l’éthos d’une culture, ce sont tous ces éléments qui le constituent et qui sont, par le fait même, autant de terrains d’inculturation de l’évangile.

13. Paul Poupard, L 'Église au défi des cultures, inculturation et évangélisation, Paris, Desclée, 1989, p. 155..