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1.3 Les aspects culturels

1.3.2 Qui dit culture, dit “production de sens”

Indubitablement, à l’inculturation se rapporte tout ce qui est relatif à la culture d’une société et à son développement.

Ainsi, la culture est autonome en tant qu’elle porte en elle-même ses propres lois bien que ne possédant pas en elle le principe de son accomplissement. Ce dernier énoncé revêt une importance capitale, car c’est à partir de ce présupposé de base que va se

justifier tout effort d’inculturation de l’évangile5. Cela se comprend. Il faut une prémisse de base assez forte pour légitimer une telle démarche. Toute culture a son histoire

spécifique quant à sa genèse, mais qu’advient-il quant à sa finalité? C’est en cela que la théologie a son rôle à jouer. Car tel est l’homme, telle est la culture qu ’il crée\ On parlera

4. Paul Poupard, L’Église au défi des cultures, inculturation et évangélisation,Paris, Desclée, 1989, p. 62.

donc de théologie de la culture, cette théologie dont Tillich définit la tâche en termes de questionnement du sens dernier . Toute théologie s’incarne dans une culture déterminée et toute culture présuppose certaines options religieuses fondamentales:

Religion as ultimate concern is the meaning-giving substance of culture, and culture is the totality of forms in which the basic concern of religion express itself. In abréviation: religion is the substance of culture, culture is the form of religion.” These words of Paul Tillich express both the fundamental assumption and the method of approach of his

entire thought. (...) Because the expression “religion is the substance of culture, culture is the form of religion” expresses so succinctly and clearly

Tillich’s program, it is important to accent its meaning.6

L’usage que Tillich fait du mot religion, la formule par laquelle il définit les rapports entre culture et religion en posant la religion est la substance de la culture et la culture est la forme de la religion contribuent au développement de cette théologie. Ne veut-il pas dire

que la culture est le réceptacle de la religion, la manière par laquelle l’homme exprime indirectement sa préoccupation ultime et fondamentale, la manière dont il a été saisi par la Révélation divine?7

L’Église, elle aussi, doit faire accueil à la culture, lui donner une place dans son effort d’évangélisation. N’est-ce pas ce qu’elle fit dans ces temps primitifs lorsqu’elle sut

6. John Dillenberger, Paul Tillich: Theologian of culture, in, Paul Tillich retrospect and future, New-York, Abingdon Press, 1966, p. 31.

7. Jean-Paul Gabus, Introduction à la théologie de la culture de Paul Tillich, Paris, Presses Universitaires de France, 1969, p. 225.

accueillir les grandes valeurs de la culture grecque? La théologie de la culture est cet effort de mettre à jour sa finalité substantielle, son contenu “religieux”. Avant même prétendre proposer une direction quant à cette finalité, encore faut-il connaître le chemin qu’a emprunté telle ou telle culture pour arriver là où elle est. C’est à partir de ces

données que pourra s’énoncer une théologie de la culture appropriée.

C’est pourquoi, quand on parle d’inculturation, il est nécessaire de posséder une définition opérationnelle de la culture. Ajoutons celle-ci à celles que nous avons déjà: la culture c’est la manière d’un groupe humain, plus ou moins homogène, de percevoir, de comprendre, d’exprimer, de vivre la réalité et d’en faire Vexpérience*. Elle comprend le langage, la pensée, l’ensemble du système symbolique, !’organisation sociale et politique, l’économie et surtout la religion qui en est un des aspects les plus importants et qui nous préoccupe tout particulièrement.

Nous voyons bien que la culture englobe toute la réalité humaine et c’est seulement quand on la comprend ainsi qu’on peut vraiment parler d’inculturation. Un résultat durable, retombée de la rencontre évangile-culture ne peut être escompté en

cherchant à christianiser des coutumes et des éléments culturels pris isolément. Le sens de la rencontre s’en trouverait diminué!

A l’opposé, lorsque la rencontre est englobante (réunir en un tout), c’est alors que la culture peut se renouveller de l’intérieur provoquant ainsi l’agent tant convoité en 8

8. Eugène Lapointe, À ce monde aimé de Dieu proclamer l’évangile. La mission aujourd’hui, Montréal, Médiaspaul, 1997, p. 123.

inculturation: le facteur endogène, ce facteur par lequel une transformation prend naissance à Γintérieur de la société sous l’influence de causes strictement internes.

Encore là, il s’agit d’un phénomène observable. La culture n ’est jamais statique9. Elle est toujours soumise à la dynamique de changements dans le temps. En fait, chaque génération apprend et transmet une culture différente de celle précédemment reçue, de même qu’elle s’ouvre à d’autres venus d’horizons différents du sien. Avec ces nouveaux ajouts peuvent naître de nouvelles conceptions soit philosophiques, religieuses ou autres favorisant un nouveau type de personnalité. Puisque la culture est une réponse à des besoins humains existentiels, elle se transforme en fonction des transformations mêmes de ses besoins. L’inculturation appelle !’intervention de Dieu au coeur de ces

transformations, dans nos sciences, nos morales, nos techniques et nos institutions10. C’est dans la culture que s’élaborent les réactions sociales et personnelles

structurant la vie humaine: relation à soi-même, aux autres, à la nature, aux traditions, à l’au-delà et à Dieu. Toute culture produit les réponses à la soif de radicalité et d’éternité du coeur humain: “Il fait toutes choses bonnes en son temps. Même il a mis dans leur coeur la pensée de T éternité bien que l’homme ne puisse pas saisir l’oeuvre que Dieu fait, du commencement à la fin” (Ecclésiaste 3/11). L’être humain que nous connaissons ne

9. Jean de Dieu Mvuanda, Inculturer pour évangéliser en profondeur, New-York, Éditions Peter Lang,

1998, p. 28.

pas sans exercer un travail culturel sur ces axes fondamentaux11.

La culture dans son aspect de production de sens pour la vie ou dans son expression religieuse, pourrait-elle être vue comme un écho de la voix de Dieu? Les cultures ne seraient-elle pas des réponses à la proposition divine de communion, de vie et même de plénitude? En cela, ces interrogations reflètent bien Γimportance qu’il faut donner à une théologie de la culture.

Une lecture théologique témoigne qu’il ne peut en être autrement. L’histoire des cultures passées et présentes indique le souci divin de se manifester à travers les cultures: “...après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis...” (Ép. Aux Hébreux

1/1). Ne peut-on comprendre que Dieu a parlé selon des types de cultures propres à chaque époque?

La culture permit à l’évangile de s’incarner. C’est en cela que la quête de sens prend tout son sens! De ce dynamisme de la culture, l’expression religieuse est un point de référence central: elle désigne précisément du sens. Sous-estimer la religion conduirait à dépouiller la culture de l’essentiel de son rôle. Il ne s’agit pas par là, de minimiser les autres aspects, mais tout simplement de mettre les priorités à la bonne place.

La culture c’est l’âme d’un peuple. Nul n’est besoin de dire la portée, l’étendue, la valeur que représente le positionnement de la théologie de la culture dans l’inculturation. Ses enjeux peuvent déterminer la survie de l’humain. C’est dans et par la culture que tout

homme laisse sa trace et tend à un plein épanouissement. La culture est un héritage à conserver et plus encore, une tâche à accomplir. Toutes les cultures portent en elles le principe de leur accomplissement, mais aussi, et bien plus, le désir de leur dépassement.

La construction du Royaume ne peut pas ne pas se servir des éléments de la culture12. On peut dire que l’évangile est pour toute culture comme toute culture est pour l’évangile; tout comme on dira que le monde a été préparé pour l’évangile et l’évangile préparé pour le monde13. Quel peuple n’a pas intrinsèquement des signes qui le disposent à l’accueil de l’évangile? On les trouve quand on se donne la peine de les chercher. L’évangile n’est-il pas destiné à tous les peuples? Les promesses ne sont-elles pas vouées à tous les peuples?

12. Paul Poupard, op.cit., p. 27.

FÉCONDITÉ DU CONCEPT D’INCULTURATION

...II est porteur de fécondité...

Après avoir, d’entrée dejen, précisé un tant soit peu la notion à’inculturation; il nous apparaît indéniable que ce concept est porteur de richesses multiples quant à ses tenants et aboutissants. De fait, il peut y parvenir, pour ne pas dire qu’il y est déjà parvenu, tout en respectant certains éléments.