C.3. Prélèvements, préparation et caractérisation du sol modèle
C.3.3. Caractérisation physico‐chimique
C.3.3.7. Teneurs en éléments traces métalliques
Les teneurs en éléments traces métalliques initialement présents dans le sol ont été également mesurées au CESAR. Le procédé consiste à attaquer les métaux par un acide fort (HNO3 ou HCl) et les doser ensuite après la mise en solution suivant la norme AFNOR X31‐151. Le dosage des métaux dans les solutions a été effectué par spectrophotométrie d’absorption atomique (SAA). La teneur en éléments traces métalliques dans le sol justifient la technique et le choix de prélèvement des échantillons. La teneur initiale en Pb, Cd, Hg et Se n’ont pas été détectés dans la fraction de sol utilisée pour cette étude. En revanche, des concentrations initiales en Cu, Ni, Cr et Zn ont été mesurées probablement associées aux valeurs généralement rencontrées dans les sols naturels.
Ainsi, il est important de tenir compte, lors de l'interprétation des essais de percolation des solutés métalliques, du fond géochimique du matériau en cuivre.
La détermination de la teneur en éléments traces métalliques dans le sol d’étude a été une étape très importante afin d’évaluer le degré de sa contamination. Néanmoins, elle a été insuffisante pour déterminer les risques de leur transfert à travers le sol jusqu’aux nappes souterraines. Leur mobilité dans le sol est étroitement liée aux formes chimiques sous lesquelles ils sont présents en solution, c’est‐à‐dire leurs conditions de solubilité.
C.3.3.7.1. Conditions de solubilité théorique du plomb, du cuivre et cadmium
Pour chacun des métaux utilisés, des diagrammes de solubilité ont été réalisés au moyen du code PHREEQC afin de déterminer les formes sous lesquelles ils se trouvent avant leur mise en contact avec l’échantillon de sol. Ces diagrammes ont été mis en œuvre selon les données d’entrée suivantes : (i) le métal sous la forme de Me(NO3)2 de concentration équimolaire équivalant à 10‐3 mol/L (« Me » étant respectivement Pb, Cu ou Cd) ; (i) le NaNO3 (7 mmol/L) utilisé comme électrolyte
pour l’équilibre de la force ionique à 0,01 mol/L; et (iii) l’absence de carbonates et des conditions de pression atmosphérique. Les diagrammes de solubilité, illustrés aux Figures 23, 24 et 25, respectivement pour le plomb, le cuivre et le cadmium, représentent la distribution des espèces en solution en fonction du pH. Ces courbes montrent que la précipitation des métaux sous la forme d’hydroxydes est dépendante du pH.
Figure 23 : Diagramme de spéciation du plomb, calculé au moyen du code PHREEQC
Le diagramme de solubilité du plomb (Cf. Figure 23) montre que la forme libre Pb2+ prédomine seule jusqu’à pH 6. Au‐delà de cette valeur de pH, le plomb apparait peu soluble, et la solubilité est fortement contrôlée par le PbOH+ (entre les pH 6 et 9). A partir de pH 8, apparait l’hydroxyde de plomb [Pb(OH)2(aq] qui limite la solubilité et affecte la courbe de Pb2+ jusqu’à sa disparition complète à pH 10. Le code PHREEQC prévoit également une diminution du Pb(OH)42‐ jusqu’à pH 10 pendant que les espèces PbOH+ et Pb(OH)2(aq) augmentent. Pour des pH très basiques (pH> 11), l’anion Pb(OH)42‐ devient majoritairement en solution. En revanche, la formation l’espèce Pb2OH3+ parait peu probable en solution, en raison de sa dissolution complète dans tout le système.
Figure 24 : Diagramme de spéciation du cuivre, calculé au moyen du code PHREEQC
Le diagramme de solubilité du cuivre (Cf. Figure 24) montre qu’il peut être majoritairement en solution à des valeurs de pH< 5,5. Dans l’intervalle de pH [5,5 – 6], on observe une légère précipitation du cuivre avec l’apparition de Cu(OH)2(aq) en solution. Pour des valeurs de pH élevées (pH>6), la solubilité du cuivre est fortement contrôlée par le Cu(OH)2(aq) jusqu’à son inhibition complète jusqu’au pH 8. Entre les pH 11 et 14, ce sont les espèces CuOH3‐ et Cu(OH)42‐ qui gouvernent les conditions de solubilité du cuivre.
Figure 25 : Diagramme de spéciation du cadmium, calculé au moyen du code PHREEQC
Dans le cas du cadmium, les résultats montrent que les ions Cd2+ sont dominants jusqu’au pH 8. Pour des pH élevés (pH>8), les espèces hydroxydes, tels que CdOH+, Cd(OH)2(aq), Cd(OH)3‐ et Cd (OH)42‐
contrôlent le système. En particulier, la formation de ces précipités domine fortement les concentrations en cadmium dans la phase aqueuse.
Synthèse sur les conditions de solubilité du plomb, du cuivre et du cadmium dans la solution trimétallique
Les résultats de la spéciation de la solution trimétallique, utilisée dans cette étude, ont montré qu’il existe un pH au dessus duquel la solubilité des métaux est sous le contrôle d’espèces hydroxydes.
Dans nos conditions testées, la prédominance du plomb, du cuivre et du cadmium en solution est valable pour des valeurs de pH<6, pH<5,5 et pH≤8 respectivement. Ces résultats apportent des informations utiles en rapport avec le comportement des trois métaux en milieu basique. Par ailleurs, du fait des fortes concentrations en métaux utilisées et de la nature physico‐chimique du sol d’étude (milieu basique, riche en carbonates), de nombreuses réactions de précipitation sont possibles au cours des équilibres « métal – sol ».
Par ailleurs, bien que les conditions de solubilité des métaux en présence des carbonates n’aient pas été mises en évidence dans ce travail, mais d’autres études (Février, 2001; Marcos, 2001) ont montré que leur solubilité est fortement contrôlée les carbonates, les hydroxycarbonates, les oxydes et/ou les hydroxydes. D’après les résultats des études réalisées par Maskall et Thornton (1998) et Song et al (1999), le plomb apparait essentiellement sous forme de cérusite (PbCO3) et d’hydrocérusite [Pb3(CO3)2(OH)2] dans les milieux naturels, notamment en fonction du pH des milieux étudiés. De même, en faisant équilibrer une solution métallique similaire avec 0,1 mol/L de CaCO3(s), Février (2001) a constaté que la solubilité du plomb est essentiellement contrôlée par la cérusite jusqu’au pH 8, puis par l’hydrocérusite entre les pH 8 et 12. L’auteur a remarqué également que la solubilité du cadmium a été principalement contrôlée par l’otavite (CdCO3) jusqu’au pH 10,5 et par l’hydroxyde de cadmium [Cd(OH)2(aq)] pour des valeurs de pH >10,5. Quant au cuivre, l’adsorption spécifique du cuivre sur la surface de la calcite peut contrôler sa concentration en solution (Cavallaro et McBride, 1978). Dans les environnements oxydants, la forme libre Cu2+ est conditionnée par la solubilité des phases carbonatées ou (hydr)oxydes, notamment en fonction du pH.
D’une manière générale, le pH est un des facteurs dont l’action sur la mobilité des ions métalliques est la plus importante. Une augmentation de pH peut contribuer à la diminution du potentiel de surface, en minimisant les effets compétitifs entre les protons et les ions métalliques, ce qui laisse présager des conditions plus favorables à leur fixation dans le sol. A contrario, l’abaissement du pH peut fournir au sol des protons stimulant ainsi la compétition entre les métaux pour les sites de sorption. Dans ce travail, des équilibres « métal – sol » en fonction du pH ont été mis en évidence suivant trois (3) types d’essais, incluant :
A pH (2– 8,26) ayant permis d’étudier l’influence du pH sur la sorption des métaux dans le sol. Cet essai a été mis en œuvre afin d’étudier le comportement des métaux suite aux rejets d’un effluent acide ou basique ;
A pH 6 afin non seulement de se rapprocher du pH des eaux pluviales urbaines mais également d’obtenir une solution stable en minimisant les effets de la précipitation des métaux sous la forme d’espèces minérales ou d’hydroxydes. Ce choix de pH s’apparente approximativement à certaines valeurs estimées dans la littérature pour les eaux pluviales
urbaines : 4,9 pour les eaux de pluie, les eaux de ruissellement 6,2 et 6,4 – 7,5 pour les eaux de ruissellement des toitures et des surfaces (Colandini, 1997). ;
Au pH du le sol étudié (8,26) afin d’évaluer la capacité naturelle du sol à retenir ou relarguer les ions métalliques vers l’aquifère de la plaine du Cul‐de‐sac.
Rappelons que les essais à variation de pH (2– 8,26) et à pH 6 n’ont été réalisés qu’en conditions statiques (en batch). Ceux réalisés au pH du sol (8,26) ont été mis en œuvre à la fois en batch et en en colonne. La réalisation des essais en colonne uniquement au pH du sol a été motivée du fait que ces dispositifs sont considérés comme une représentation schématique du site d’étude.