E.2. Élution des espèces ioniques dans les colonnes
E.2.1. Élution des chlorures
Figure 66 : Suivi de l'écoulement dans les colonnes de sol – Exemple Col N°1 : (1) injection du traceur ; (2) injection des métaux.
Au vu des résultats reportés sur la Figure 66, la linéarité entre le volume écoulé (V) en fonction du temps implique un débit constant en sortie des colonnes. Ce débit correspond à environ 4,375 cm3/min et 5,237 cm3/min respectivement lors de l’injection des solutions traçante et trimétallique.
A l’exception de l’injection trimétallique, les valeurs des coefficients de régression linéaire (R2 = 1) pour l’injection du traceur traduisent une stationnarité de l’écoulement dans des colonnes. Le cas des métaux peut être imputable à des erreurs d’acquisition de volume ou de temps sachant que le suivi ait été effectué manuellement au moyen d’un chronomètre et d’une éprouvette graduée.
E.2. Élution des espèces ioniques dans les colonnes
Ces résultats concernent les concentrations en chlorures et en ions métalliques [C] mesurées en sortie des colonnes ramenées à leur concentration initiale [C0) introduite à l’entrée, en fonction du rapport de V/V0, sous la forme d’une courbe dite « courbe d’élution ».
E.2.1. Élution des chlorures
Comme nous avons souligné précédemment, le traçage consiste à faire passer une substance conservative à travers la colonne de sol. Les mesures de la concentration en chlorures en sortie du dispositif expérimental permettent d’obtenir la courbe d’élution. Des mesures de conductivité électrique et de chromatographie ionique sur les échantillons collectés en sortie des colonnes ont été effectuées. Ces deux méthodes de mesure ont permis d’effectuer une étude comparative entre la conductivité électrique des solutions avec la courbe d’élution des chlorures obtenue à l’aide des analyses chimiques.
Les résultats ont montré que la conductivité électrique et la mesure par chromatographie ionique des chlorures apportent, d’une manière particulière, la même information (Cf. Figure 67). Bien que Paris Anguela (2004) dans une recherche similaire, ait montré que la courbe de la conductivité électrique des solutions en sortie des colonnes et celle obtenue à partir des analyses chimiques par chromatographie de l’ion Cl‐ ont été superposées. En revanche, notre travail a révélé des informations complémentaires relatives au comportement des chlorures dans la matrice solide. Une similitude entre la courbe de conductivité électrique et celle des chlorures a été toutefois observée dans la partie ascendante de ces courbes. Il peut être supposé ici que les chlorures, injectés à un instant donné, se retrouvent seuls en sortie des colonnes. Le décalage de la courbe de conductivité électrique par rapport à celle des chlorures dans la partie descendante témoigne l’existence d’éléments plus conducteurs dans les solutions. Néanmoins, l’apport des ions Na+ et la présence initiale d’autres ions (Ca2+, Mg2+, etc.…) dans le sol peuvent probablement être à la base de l’augmentation de la conductivité électrique à cette phase.
Un pic de restitution symétrique est le signe d’un milieu homogène,
La présence de plusieurs pics de restitution est le signe d’un court‐circuit dans la colonne ou d’un écoulement régionalisé (dû à la présence de macrospores par exemple).
Une courbe de percée qui présente un front d’arrivée raide et une trainée peut traduire des zones d’eau stagnante.
Dans notre cas, la courbe d’élution des chlorures témoigne d’une asymétrie caractérisée par une montée rapide jusqu’à atteindre une concentration relative maximale, une descente abrupte et enfin une trainée. Cette asymétrie accompagnée d’une trainée importante est révélatrice d’un écoulement hétérogène (Van Genuchten et Wierenga, 1976; Gaudet et al., 1977; Février, 2001; Lassabatère, 2002), probablement caractérisé par des zones stagnantes à l’intérieur des colonnes. D’après ce que a rapporté Hlavackova (2005), ces zones stagnantes sont des endroits où le traceur pénètre et ressort lentement ; c’est‐à‐dire qu’une partie du milieu n’est pas balayée par le fluide, mais échange lentement avec le traceur par diffusion moléculaire avec la zone active du sol. Par ailleurs, la dynamique de montée et de descente de la concentration des chlorures dans les colonnes est
similaire. Le point d’inflexion de la partie ascendante des courbes, se situant à environ 2 V0, indique que le système nécessite plus de 2 volumes de pores pour que les chlorures soient totalement lessivés du sol.
E.2.1.1. Étude de la non‐réactivité des chlorures
L’augmentation des ions Na+ [apportés par le traceur (NaCl) et la solution neutre (NaNO3)] dans la phase liquide peut créer des échanges au niveau des surfaces électronégatives du sol avec éventuellement une libération d’autres cations et d’ions H+. Vu la présence des cations majeures en solution, la conductivité électrique maximale mesurée en sortie des colonnes (926 µS/cm) devrait être légèrement supérieure à celle de la solution mère injectée (1089 µS/cm). Après le passage du traceur, la conductivité maximale de la solution sortante devrait être augmentée suite à l’échange ionique entre les diverses espèces dissoutes. L’effet de l’échange ionique sur le transfert du traceur dans le sol semble malgré tout limité plus particulièrement à la partie ascendante des courbes de conductivité et de chlorures.
A la lumière des résultats du bilan de masse (BM) et du facteur de retard (R), calculés respectivement au moyen des moments d’ordre 0 et d’ordre 1, l’ion chlorure peut être considéré comme un bon traceur de l’écoulement, comme le montre le Tableau 34.
Tableau 33 : Paramètres d'écoulement et d'injection du traceur
Paramètres Col N°1 Col N°2 Col N°3 Moyenne Écart‐type
qT (cm/min) 0,275 0,275 0,275 0,275 0,000
tT (min) 45,704 45,725 45,714 45,714 0,011
TSm (min) 46,843 47,135 47,569 47,262 0,419
Vexp (cm/min) 0,360 0,357 0,354 0,356 0,032
TSC (min) 28,838 28,838 28,838 28,84 0,000
BM (‐) 0,975 0,988 0,986 0,983 0,007
R (‐) 0,832 0,842 0,857 0,846 0,013
qT = vitesse darcienne d’injection du traceur
tT = temps du créneau d’injection du traceur
TSm = temps de séjour moyen
Vexp = vitesse effective expérimentale
TSC = temps de séjour convectif
BM = Bilan de masse
R = Facteur de retard
Bien que le transfert des chlorures puisse être partiellement influencé, mais cela n’a pas empêché pour autant une restitution significative en sortie des colonnes. En effet, pour les trois colonnes, le BM est proche de 1, résultat attendu pour un traceur convectif. Ce résultat est en accord avec le guide de l’OECD (2002) affirmant que le BM peut‐être compris entre 70 et 110 %. Le léger déficit sur le BM peut s’expliquer : (i) d’une part, par le fait que la durée de l’expérience est le plus souvent trop courte pour atteindre une concentration nulle des chlorures en sortie des colonnes ; (ii) et d’autre part, les erreurs sur la mesure des concentrations en chlorures.
L’infériorité des facteurs de retard (R) à 1 justifie les interactions instantanées que le traceur a subies au cours de son transfert dans les colonnes. Les deux phénomènes évoqués pour justifier des facteurs de retard inférieurs à 1 sont l’exclusion anionique causée par la charge négative des particules (Hebrard‐Labit, 1998) ou la présence de volumes exclus de l'écoulement (Février, 2001;
Lassabatère, 2002). Le second phénomène aurait pu être vérifié par la notion d’« écoulement régionalisé ». Cette approche n’a malheureusement abordé dans le cadre de ce travail. En revanche, l’exclusion anionique est supposée évidente dans notre cas en raison de la teneur en argiles (17 g/kg de sol sec) mesurée dans l’échantillon de sol.
La présence des argiles dans le sol peut contribuer à l’augmentation des charges négatives en créant des interactions électrostatiques entre les minéraux du sol et les solutés dans la phase liquide. En outre, le pH d’essai (8,26) peut être également un des facteurs contribuant à l’augmentation des charges négatives. D’après Chabroullet (2007), la surface des argiles possède des sites amphotères favorisant l’apparition de charges localement positives en milieu acide et négatives en milieu alcalin.
De telles charges provoquent une répartition des espèces anioniques en solution à proximité de la surface des minéraux argileux, limitant par conséquent leur accès à la totalité de la porosité du sol.
Dans ce fait, les espèces anioniques (l’ion chlorure dans notre cas) s’écoulent dans un volume poral restreint et ont tendance à avancer en moyenne plus rapidement que les molécules, d’où le phénomène d’exclusion anionique. Dans les conditions physico‐chimiques naturelles, ce phénomène a fait déjà objet de nombreuses études (Wieranga et Van Genuchten, 1989; Miller et al., 1999;
Pallud, 2000; Février, 2001).