A.3. Infiltration des eaux pluviales urbaines – Impacts sur le milieu souterrain dans les pays en
A.3.2. Impacts sur la qualité des nappes urbaines sous‐jacentes
A.3.2.1. Principales sources de pollution des aquifères urbains dans les P.E.D
A.3.2.1.5. Les fluides usagés
Dans les P.E.D, plus précisément en Haïti, le rejet d’huiles de vidange est effectué à même le sol ou dans le réseau d’assainissement. Aucune mesure législative n’est jamais prise et les acteurs ne sont pas informés des risques sanitaires et environnementaux qui peuvent en découler. Ainsi, les concentrations en cadmium, en cuivre, en plomb ou en zinc, détectées dans certains forages urbains des P.E.D, peuvent résulter également de l’infiltration de divers fluides usagés comme les carburants, les graisses de lubrification ou l’huile de moteur. Le Cf. Tableau 14 présente quelques teneurs en métaux lourds contenus dans certains fluides utilisés dans l’automobile.
Tableau 14 : Teneurs en métaux lourds de divers fluides (Shaheen, 1975)
Type de fluide Plomb (µg/g) Zinc (µg/g) Cuivre (µg/g)
Huile de moteur 9 1090 3
Graisse lubrification 0 164 0
Antigel 6 14 76
Fluide pour les freins 7 15 5
Fluide de transmission 8 244 0
Essence 501 000 7 500 3 000
gazole 9 100 9 100 6 000
Les carburants constituent une source importante de plomb, liée à l’ajout de dérivés alkylés du plomb (tétraéthyle et tétraméthyle de plomb) comme antidétonant (Alloway, 1995). Le zinc est très présent dans les huiles de moteur ou les lubrifiants (Falahi‐Ardakani, 1984) et dans le fluide de transmission (Delmas‐Gadras, 2000), où il est ajouté comme antioxydant. Quand le cadmium est associé au zinc (Pagotto, 1999), on peut mesurer des teneurs en cadmium dans l’huile comprises en 0,07 et 0,26 mg/l (Lagerwerff et Specht, 1970).
Toutefois, la gestion des points ou zones de recharge des aquifères urbains est plus ou moins maitrisée dans les pays industrialisés. A l’inverse, dans les P.E.D, la situation financière et/ou la capacité technique et scientifique locale limitent la facilité de mise en place de dispositifs efficaces permettant d’assurer la pérennité de la ressource.
Par ailleurs, à côté de la contamination métallique et/ou bactériologique, certains pays sont confrontés à la contamination saline des ressources en eau souterraine. Dans les zones urbaines de ces pays, les conditions de pauvreté conduisent le plus souvent à des choix technologiques privilégiant l’exploitation des eaux souterraines au captage des eaux de surface (Emmanuel et
Lindskog, 2002). L’impact qui en découle peut être d’ordre hydrologique, dans la mesure où une importante exploitation de la ressource peut avoir des conséquences sur le fonctionnement hydraulique de la nappe (avec possibilité d’intrusion saline) (Foppen, 2002). A titre d’exemple, A Madras (Inde), l’eau salée pénètre à 10 Km à l’intérieur des terres, entraînant ainsi la contamination de plusieurs puits (PNUE, 2002). En Haïti, des concentrations en chlorures supérieures à la valeur seuil (250 mg/L) ont été mesurées dans certains forages côtiers (Emmanuel et al., 2004; Emmanuel et al., 2009c). Par exemple, au Nord‐est d’Haïti (Ouanaminthe), des concentrations en chlorures [318,66
‐ 810,89 mg/L], ont été mesurées au niveau de certains forages (Emmanuel et al., 2009c) et les habitants développent des problèmes d’hypertension probablement due à la consommation de cette eau. Hormis la pollution saline ou bactérienne, de nombreuses études ont mis en évidence la présence de métaux lourds dans certaines nappes urbaines des P.E.D (Cf. Tableau 15).
Tableau 15 : Gamme de concentrations métalliques mesurées dans certaines nappes urbaines dans les P.E.D.
Ville pays Pb
(µg/l) Hyderabad Inde [20.4 ‐
82.3]
Madras Inde [1.7 ‐
25.4]
(Ramesh et al., 1995)a Nord de l’inde Inde [8.0 ‐
106.4]
(Singh et al., 2005)b Ouest de Delhi Inde [22.0 ‐
41.0]
Khozestan Iran ‐ [3.0 ‐
1200.0] Tiaret Algérie [30.0 ‐
340.0]
[30.0 ‐ 150.0]
‐ [530.0 ‐ 2016.0]
(Mokhtaria et al., 2007)d Mohammedia Maroc [5.4 ‐
23.3] Epworth Zimbabwe ‐ [10.0 ‐
610.3] Vihovići Bosnie [6.0
8.0] Hattar Pakistan [1.0 ‐
2340.0]
‐ [1.0 ‐ 210.0]
[7.0 ‐ 1340.0]
(Manzoor et al., 2006)e
Ibb Yémen [142.0 ‐
283.0]
(Al Sabahi et al., 2009)f Sud‐est de Benin Nigeria [30.0 ‐
200.0]
(Soltan, 1998)g Port‐au‐Prince Haïti [10.0 ‐
40.0]
‐ ‐ ‐ (Emmanuel et al., 2009b)
Norme de l’OMS* 10 2000 3 3000 (OMS, 2004)
a Concentrations mesurées en période hivernale
b valeurs détectées dans l’aquifère alluvial de la plaine de Gangétique
C Nappes situées sous la décharge d’El‐Kader (au nord de la Jordanie)
d Nappes situées sous la décharge de Tiaret
e Concentrations liées au rejet d’effluents liquides issus de trois industries de textile
f nappes situées sous la décharge de la ville Ibb (Yémen)
g valeurs mesurées dans 10 puits sur distance de 50 km entre les villes d’Aswan et Kom Ombo
* Organisation Mondiale de la Santé
Comme l’illustre le Tableau 15, les concentrations maximales en Pb mesurées dans les eaux souterraines de différentes régions urbaines des P.E.D sont toutes supérieures aux valeurs seuil fixées par l’OMS (2004). De même, pour le cadmium, certaines études ont montré que les concentrations mesurées dans ces nappes sont également supérieurs à la norme de l’OMS. Les plus fortes concentrations en métaux ont été détectées dans les nappes qui sont particulièrement proches de certaines installations industrielles et situées sous des décharges sauvages.
A.3.2.2. Risques sanitaires dus à la consommation d’eau souterraine contaminée par des
titre d’exemple, le cadmium peut s’accumuler dans le corps humain et provoque la destruction de l’érythrocyte, la nausée, la salivation, la diarrhée et des crampes musculaires, des problèmes rénaux, des lésions pulmonaires et la déformation squelettique (Mohan et Singh, 2002).Les douleurs gastro‐intestinales est l’un des problèmes sanitaires provoqués par le cuivre. A coté du vomissement, de la nausée et des douleurs abdominales sont également des symptômes dus à l’empoisonnement au cuivre (ATSDR, 2002; Bhattacharyya et Gupta, 2007). De faibles teneurs en Pb ont été identifiées comme étant une cause d’anémie, tandis que de fortes teneurs en Pb causent un sérieux dysfonctionnement des reins, du foie, et du système nerveux central et périphérique et de l’hypertension artérielle (ATSDR, 1999). En revanche, d’autres métaux, tels que le chrome, le zinc, le nickel et le cuivre, sont des oligo‐éléments à faibles concentrations et stimulent la croissance des organismes vivants (Jondreville et al., 2002). Chez l’homme les carences en oligo‐éléments peuvent entraîner des désordres métaboliques avec des conséquences plus ou moins graves (lésions de la peau, perte de goût, problèmes cardio‐vasculaires, anémie, anomalies congénitales…) (Pagotto, 1999). A l’inverse, absorbé en grande quantité, les oligo‐éléments peuvent être toxiques. Leur toxicité est essentiellement due à leur bioaccumulation dans l’organisme, ainsi qu’à leur capacité à s’accumuler progressivement dans les chaines trophiques.
A.3.3. Conclusion
L’infiltration des eaux pluviales urbaines (EPU) représente un risque majeur à la fois pour les sols et les eaux souterraines. La situation est encore plus alarmante dans les pays en développement (P.E.D) n’ayant pas de dispositifs adéquats pour la réduction de la charge polluante des EPU avant leur infiltration dans le milieu souterrain. Si bien que dans beaucoup de régions et/ou villes des P.E.D, des concentrations en métaux lourds ont été détectées dans des sols urbains et des nappes sous‐
jacentes. A titre d’exemple, à Ibb (Yémen), les nappes présentent des concentrations en Pb, en Cu et en Cd dépassant les valeurs seuil admises par l’OMS, représentant ainsi un risque sanitaire pour les consommateurs. Il a été souligné également que les plus fortes concentrations en métaux mesurées dans certaines nappes urbaines des P.E.D, sont particulièrement attribuables aux rejets d’eaux industrielles et à l’infiltration des lixiviats de décharges non contrôlées.
Quelle que soit la manière dont les métaux lourds sont introduits dans les EPU, leur transfert du sol vers les eaux souterraines est influencé par une variété de mécanismes physico‐chimiques et biologiques très complexes. Ces mécanismes peuvent avoir pour effet leur immobilisation partielle ou totale dans les sols ou leur entrainement vers les eaux souterraines via d’infiltration des EPU.
Pour comprendre et représenter le sol dans ce contexte, la connaissance des principaux mécanismes responsables de ce transfert est nécessaire (Cf. Partie B).