B.3. Mécanismes hydrodynamiques
B.3.1. Principales propriétés hydrodynamiques du sol
La zone non saturée des sols, considérée comme étant le siège de transfert des polluants, est un milieu poreux triphasique (Cf. Figure 12) composé de :
Une phase solide formée d’un assemblage de particules solides (graviers, sables, limons et argiles) entre lesquels existent des vides appelés « pores ». C’est à travers ces vides que s’opèrent les processus d’écoulement.
Une phase gazeuse, constituée essentiellement d’air et de vapeur d’eau, dont la composition est voisine de celle de l’atmosphère, mais dépend également de l’activité biologique. Cette phase, occupant une fraction des pores, se trouve soit sous la forme continue dans laquelle les polluants peuvent se déplacer ou se transformer soit sous la forme de bulles occluses piégées dans la matrice poreuse.
Une phase liquide qui occupe une grande partie du vide laissé dans les pores. Cette phase est responsable de presque la totalité du transfert des espèces dissoutes ou solutés dans le sol.
Vt: Volume total de sol Vs: Volume de la phase solide Ve: Volume de la phase liquide Va: Volume de la phase gazeuse Mt: Masse totale du sol Ms: Masse de la phase solide Me: Masse de la phase liquide Ma: Masse de la phase gazeuse
Ma0 Relation volumique
Relation massique
Figure 12 : Représentation schématique d’un volume de sol (Musy et Soutter, 1991)
Les milieux poreux naturels sont caractérisés par une extrême complexité relative à la distribution irrégulière des pores aussi bien en forme qu’en taille. A l’échelle d’étude, leur matrice solide peut être représentée par un ensemble de Volumes Élémentaires Représentatifs (VER) englobant les trois phases du sol, comme il est illustré à la Figure 12. L’approche « VER » consiste à associer à un point mathématique les propriétés d’un volume suffisamment représentatif pour définir ou mesurer les propriétés moyennes du milieu (Bear, 1972). Dans cette approche, les variables physiques décrivant le milieu, discontinues à l’échelle microscopique, sont remplacées par des fonctions continues à l’échelle macroscopique (Besnard, 2003). Aussi, les dimensions de VER sont‐elles suffisamment grandes pour définir l’ensemble des paramètres macroscopiques à l’état de l’eau dans le sol et à
l’écoulement, mais petites pour considérer que ces paramètres sont homogènes à l’état du VER (Lassabatère, 2002).
Dans la suite de ce travail, les propriétés physiques du sol ainsi que les processus liés à l’écoulement sont basées sur la notion de « VER ». Dans ce cas, nous considérons que les propriétés physiques du sol sont identiques en tout point considéré. En outre, les propriétés hydrodynamiques du milieu poreux décrites dans les lignes suivantes sont essentiellement basées sur la représentation triphasique du sol, comme il est illustré à la Figure 12.
B.3.1.1. Masses volumiques
En se basant sur la représentation schématique du volume de sol (Cf. Figure 12), on peut quantifier ses masses volumiques selon les équations suivantes :
Masse volumique moyenne des grains : g (g/cm3)
s g
s
M
V (Eq. 20) Masse volumique apparente totale (ou humide) : t (g/cm3)
t t
t
M
V (Eq. 21) Masse volumique apparente sèche : s (g/cm3)
s s peuvent être occupés par l’eau ou d’autres fluides. L’ensemble de ces vides (ou pores) représente alors la porosité ( ) du matériau. Celle‐ci est définie comme le rapport du volume des vides (Vp) au volume total de sol (Vt). Quant au volume des pores, il est alors égal au volume non occupé par la phase solide, c’est‐à‐dire le volume total occupé par la phase gazeuse (Va) et la phase liquide (Ve). La porosité est donc exprimée par : pores. Elle est généralement différente d’un matériau à l’autre (Cf. Tableau 19), et ne dépend pas uniquement du volume et la répartition des vides mais également de la discontinuité entre les vides.
Selon le degré d’ouverture et la connexion des pores, ils convient de distinguer trois types de pores : les micropores3, les mésopores4 et les macropores5 (Février, 2001). Cette distinction se justifie par le comportement hydraulique différent de ces pores vis‐à‐vis de l’écoulement.
B.3.1.3. Conductivité hydraulique
La conductivité hydraulique (ou perméabilité intrinsèque), K, est la propriété d’un milieu poreux de se laisser traverser par l’eau. Elle intervient généralement dans la loi de Darcy (Cf. B.3.2.1) en reliant la vitesse d’écoulement à un gradient hydraulique. Lorsque les pores sont remplis d’eau, la conductivité hydraulique est alors maximale. Dans ce cas, on parle de « conductivité hydraulique à saturation, Ks ». Dans le cas d’un milieu non saturé où de nombreux pores sont remplis d’air, elle accroit avec la teneur en eau, K = K ().
La conductivité hydraulique est influencée par les propriétés du sol (Zekele et Si, 2005), telle que sa structure et sa masse volumique sèche (Miyazaki, 1996), la géométrie de l’espace poral (pouvant être modifié par la compaction et l’agrégation des sols) et la connectivité des pores, surtout en présence de macropores (Gujisaite, 2008). C’est le cas des sols urbains où leur caractère particulièrement hétérogène suscite de nombreuses difficultés dans la relation de K (). Dans de nombreux cas, les mesures de perméabilité en laboratoire conduisent à des valeurs bien inférieures à celles mesurées in situ qui se justifie en partie par la taille des échantillons ne prenant pas compte des hétérogénéités du terrain ainsi qu’à l’échantillon lui‐même (Martinelli, 1999). Au dessous d’un certain seuil, la conductivité hydraulique est nulle et croit de façon exponentielle pour atteindre sa valeur maximale à saturation. Le Tableau 19 fournit des ordres de grandeur de la conductivité à saturation en fonction du type de sol.
Tableau 19 : Porosité totale et conductivité hydraulique à saturation pour différentes formations géologiques [extrait dans Besnard (2003)]
Matériaux Porosité totale (%) K (m/s) Gravier, galets 25 – 40 3.10‐2 – 10‐6
Sable 40 2.10‐4 – 10‐6
Argile 40 – 45 5.10‐9 – 10‐11
Craie 30 – 45 6.10‐6 – 10‐9
Calcaires lithographiques 5 ‐
Calcaires karstifiés < 30 2.10‐2 – 10‐4 Dolomies secondaires 30 6.10‐6 – 10‐9
Grès 5 – 30 6.10‐6 – 3.10‐10
Basalte 5 – 20 4.10‐7 – 2.10‐11
Granite, gneiss 0,1 – 1 2.10‐10 – 3.10‐12
B.3.1.4. Teneur en eau
Pour un volume de sol donné (Cf. Figure 12), on peut distinguer de types de teneur en eau : la teneur en eau massique (w), définie comme le rapport entre la masse d’eau et la masse de solide et la teneur en eau volumique (), définie comme le rapport entre le volume d’eau et le volume total.
Elles s’expriment respectivement par les équations suivantes :
On peut également, à partir de la teneur en eau et de la porosité géométrique6 (), déterminer le
L’écoulement dans un milieu poreux correspond à la description du mouvement de l’eau dans ce milieu. Cependant, tous les flux d’eau infiltrant dans le sol ne participent pas à l’écoulement. Il convient alors de distinguer : l’eau libre, qui peut se déplacer sous le seul effet de la gravité ou du gradient de pression et l’eau liée pouvant être retenue par capillarité et/ou absorption.
Diverses échelles sont habituellement utilisées pour l’évaluation du comportement hydrodynamique des milieux poreux. D’après Dagan (1989), les différentes échelles d’écoulement sont les suivantes :
L’échelle du laboratoire, qui caractérise les dimensions des expérimentations de laboratoire.
Elle est comprise entre 10‐1 et 100 m.
L’échelle locale, qui est en général l’ordre de profondeur des aquifères, c’est‐à‐dire comprise entre 101 m et 102 m, dans les directions verticales et horizontales. C’est l’échelle des essais de pompage et de traçage, celle de l’étude de l’écoulement et du transport à proximité des sources de contamination. A cette échelle, l’étude est souvent tridimensionnelle.
L’échelle régionale, qui est de l’ordre de 104 à 105 m dans le plan horizontal et qui correspond aux aquifères dont l’étendue est beaucoup plus large que la profondeur. A cette échelle, les variables sont définies comme des moyennes sur la profondeur et l’écoulement.
A l’heure actuelle, l’échelle macroscopique est la mieux adaptée à la description quantitative des écoulements en milieux poreux, qui, est habituellement basée sur des équations fondamentales, telles que celle développée par Darcy en 1856. En fait, l’approche microscopique (l’échelle de laboratoire par exemple) permet toutefois de mieux comprendre les phénomènes, tels qu’ils se présentent à l’échelle globale (Musy et Soutter, 1991). Cette échelle a été largement utilisée dans le cadre de cette thèse.
B.3.2.1. Principe fondamental : la Loi de Darcy
Lors de l’écoulement dans le sol, il existe une perte d’énergie due aux forces de frottement entre l’eau et la surface des grains. Cette perte d’énergie par unité de longueur du chemin parcouru par les particules se nomme « gradient hydraulique ». Celui‐ci est directement proportionnel à la vitesse de l’eau en écoulement laminaire et cette proportionnalité est régie par la Loi de Darcy. Cette dernière a été établie par Darcy sous un certain nombre d’hypothèses stipulant que : (i) la matrice solide est isotope, homogène, stable et saturée ; (ii) la phase liquide est homogène, isotherme et incompressible ; (ii) la phase aqueuse est considérée comme immobile et incompressible ; (iv) l’énergie cinétique est négligeable ; et (v) le régime d’écoulement est laminaire et permanent.
L’expérience de Darcy consistait à faire passer un flux d’eau (q) à travers une colonne de sable saturée en eau et mesurer à la sortie de la colonne ce flux. D’après les résultats de ses expériences,
6 La porosité géométrique () d’un milieu poreux est le rapport des espaces vides sur le volume total.