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La tendance générale au xviii e siècle

Dans le document Faire sa médecine au XVIIIe siècle (Page 44-51)

Évolution des effectifs à la Faculté de médecine de Montpellier

I- La tendance générale au xviii e siècle

1- La courbe des inscriptions

Au cours du xviiie siècle, la Faculté de médecine de Montpellier compte 4682 étudiants, mais pour 114 d’entre eux, il n’a pas été possible de retrouver leur première inscription ; cependant les examens qu’ils ont passés attestent leur présence. Si l’on s’en tient aux inscriptions, on a 1843 étudiants entre 1707 et 1750 et 2726 entre 1751 et 1789.

Au cours du xvie siècle, les effectifs s’élevaient à 3325 individus1 ; pour le xviie siècle, à 28692, soit une baisse significative de près de 13,7 % ; ce tassement est à mettre en relation avec le « Beau xviie siècle » pour les autres Facultés, et en particulier celles du Sud de la France.

La courbe des inscrits se subdivise en trois phases3. Au cours de la première, qui va de 1707 à 1731, on remarque une certaine irrégula-rité des inscriptions, puisque par deux fois, en 1709 et 1721, le total des étudiants inscrits chute en dessous des vingt individus. Au cours de la deuxième phase, 1732-1745, le nombre des inscriptions annuelles se situe entre 40 et 60 ; même si l’on y constate une certaine irrégularité,

1. Marcel Gr, op. cit.

2. Pour le xviie siècle, nous avons procédé à un dépouillement systématique de la matricule de manière à pouvoir mener des études comparatives avec le xvie siècle et le xviiie siècle.

3. Cf. ci-après : graphique n°  1 : Les premières inscriptions à la Faculté de médecine de Montpellier au xviiie siècle.

Graphique n°1

à aucun moment, le nombre d’étudiants ne subit d’aussi importantes variations qu’au cours de la période précédente. Enfin, la troisième phase, 1746-1789, se caractérise par une sorte « d’envolée » de la courbe et les effectifs se situent, à quelques exceptions près, entre 60 et 80 ins-crits par an.

D’une manière générale, alors que jusqu’en 1731 le nombre des étu-diants qui s’inscrivent est marqué par une certaine irrégularité selon les années, à partir de cette date et jusqu’en 1789, il est très important et n’a surtout aucun équivalent dans les autres Facultés françaises de médecine.

À Caen, par exemple, on compte, dans les années fastes du recrute-ment moins d’une vingtaine d’étudiants par an et la moyenne est plutôt d’une douzaine au cours de la deuxième moitié du xviiie siècle et près de 7 à 8 étudiants par an pour la première partie du siècle1 ; Montpellier a donc un nombre d’étudiants par an 5 à 6 fois supérieur à celui de son homologue normande.

Dans le cas de la Faculté d’Avignon, rivale de Montpellier, les effectifs n’ont jamais été aussi importants qu’au xviie siècle. Il n’est pas possible de chiffrer le nombre des inscrits dans cette Faculté, puisque les regis-tres sont lacunaires ; en revanche, il est envisageable de connaître le nombre de praticiens qui y ont été formés. La méthode de comparaison est à manier avec précautions, car elle prend pour élément de référence les docteurs reçus à Avignon et non les premières inscriptions. Avignon fournit au cours du xviie siècle 1311 docteurs, soit en moyenne 13,5 par an2. Ce « Beau xviie siècle » vient après un xvie siècle particulière-ment difficile pour le centre avignonnais qui enregistrait une moyenne dérisoire annuelle de 3,2 docteurs3. En l’espace d’un siècle il y a eu un accroissement du nombre des docteurs de l’ordre de 4,2. En revanche, au xviiie siècle à Avignon, la moyenne est de l’ordre de 7,1 praticiens par an ; entre le xviie et le xviiie siècle, il y a eu une diminution de 47,4 % des diplômés.

Pour la Faculté toulousaine, le xviie siècle, est, sans nul doute, celui d’une sorte d’apogée : le nombre des inscrits entre 1640 et 1649 est de

1. Ji-Rv, p. 468-469.

2. Ji-Rv,p. 463-464. Ce chiffre de 13,5 étudiants par an est calculé pour le nombre de praticiens reçus chaque année et non pour le nombre d’étudiants inscrits par année.

3. Ibid., p. 463. Les chiffres donnés pour les doctorats de la Faculté d’Avignon au xvie siècle sont lacunaires pour 31 années. Le maximum d’étudiants promus au grade de docteur est de 13 en 1556.

7,8 par an ; entre 1650 et 1659, il passe à 8,7 par an1. Au xviiie siècle, Montpellier doit faire face à la concurrence de l’ensemble des centres universitaires du « Grand-Sud ».

2- Les moyennes décennales des premiers inscrits

Les moyennes décennales des premiers inscrits constituent le premier élément qui permet de mesurer l’importance du centre montpelliérain. Celles-ci ont été calculées sur deux périodes, d’une part la première moi-tié du xviiie siècle et d’autre part la deuxième moitié du siècle.

a) Première moitié du xviiie siècle

Tableau n° 1 a : Moyennes annuelles des premières inscriptions à Montpellier au cours de la première moitié du xviiie siècle

Période Moyenne annuelle

1707-1716 30,6

1717-1726 32,2

1727-1736 41,2

1737-1746 55,1

1747-1756 59,1

Au cours de la première moitié du xviiie siècle, les moyennes des effectifs montpelliérains sont en constante augmentation : on passe de 30,6 étudiants par an au cours de la période 1707-1716, à 32,2 entre 1717-1726, l’accroissement est de l’ordre de 5,2 % ; entre 1717-1726 et 1727-1736, il est de 21,9 %; entre 1727-1736 et 1737-1746, l’accroisse-ment des effectifs est de 33,7 % ; enfin, entre les périodes 1737-1746 et 1747-1756, l’augmentation n’est que de 7,2 %. Il faut cependant rela-tiviser ces pourcentages en ayant toujours à l’esprit les chiffres bruts. Ce qui frappe, c’est la poussée significative des effectifs entre la deu-xième et la troisième décennie du xviiie siècle. C’est donc au cours de la première moitié du xviiie siècle, et en particulier au cours du pre-mier quart de celui-ci, que la Faculté de Montpellier attire de plus en plus à elle les jeunes gens. Il semble donc qu’à partir de cette période, sa notoriété soit établie.

1. Ji-Rv,p. 484. Voir aussi Patrick Fr, L’Université de Toulouse aux xviie et xviiie

siècles. Étude quantitative de la population étudiante de ses trois Facultés supérieures de 1679 à la Révolution, Université de Toulouse-Le Mirail, 1978, 2 vol., tableau n° 6, p. 427.

À titre de comparaison, la Faculté de médecine de Toulouse, pré-sente un nombre d’inscrits d’une vingtaine par an entre 1710 et 1720. Effectivement, Toulouse n’a pas, au cours de cette période, à pâtir de la concurrence de sa voisine montpelliéraine : « si Montpellier exerce une attraction plus forte au cours de cette période, elle n’éclipse pas irrémédiablement Toulouse1 ». Il est vrai, que pour ces deux décen-nies, la Faculté de Montpellier ne fait que commencer à exercer son attraction. Sa collègue toulousaine mettra près de vingt années, pour se rendre compte, vers le milieu du xviiie siècle, de la puissance de l’attrac-tion montpelliéraine. Mais il reste à savoir si Toulouse a pu pâtir de cette concurrence qui s’est lentement, mais sûrement, mise en place. Selon Patrick Ferté qui a étudié les trois Facultés toulousaines, la méde-cine est dans cette ville, en quelque sorte, la parente pauvre : les jeunes gens viennent à Toulouse surtout pour étudier le droit ou la théologie. Toulouse ne va se rendre compte de la réelle puissance de Montpellier qu’après les années 17502.

b) Seconde moitié du xviiie siècle

Tableau n° 1 b : Moyennes annuelles des premières inscriptions à Montpellier au cours de la deuxième moitié du xviiie siècle

Période Moyenne annuelle

1757-1766 65,8

1767-1776 73,3

1777-1786 71,7

Au cours de la deuxième moitié du xviiie siècle, on observe un très fort accroissement des effectifs : entre 1747-1756 (59,1 étudiants) et 1757-1766 (65,8 étudiants), l’augmentation est de près de 7 étudiants par an, ce qui correspond à un pourcentage de 11,3 ; au cours des deux décennies suivantes, le nombre moyen d’étudiants par an à Montpellier passe de 65,8 à 73,3, soit une hausse de 11 %, puis de 73,3 à 71,7, la baisse est alors de 7 %. À titre de comparaison, dans le centre parisien, les effectifs à la première inscription se situent en moyenne à 46,8 étudiants par an entre 1753 et 1759, ils passent à 44,3 entre 1760 et 1769 pour atteindre 55,5

1. Patrick Fr, op. cit. , p. 90.

2. B.I.M.M., F. 69, pièce n° 14, correspondance de la Faculté. Lettre de Resseguier, avocat général de Toulouse aux professeurs de médecine de Montpellier, le 14 février 1784.

entre 1770 et 17741, ce qui fait une différence de près de 20 étudiants par an entre les deux principaux pôles français de la médecine.

Au cours des trois dernières années de l’Ancien Régime, de 1787 à 1789, la moyenne des inscrits est de 84,6 étudiants par an, mais on note un fléchissement en 1788 où il y a 100 inscrits et 1789 où ils ne sont que 69 ; les rigueurs de l’hiver 1788-1789 ont peut-être découragé les can-didats, mais le fléchissement des inscriptions est surtout significatif au mois d’octobre où seulement 50 inscriptions sont enregistrées en 1789 contre 74 à la même période l’année précédente. Cette baisse est peut-être imputable à la grande peur, mais il peut s’agir aussi d’un retour à une situation normale, car en octobre 1787 et en octobre 1785 les étu-diants inscrits étaient respectivement 53 et 54.

La montée des effectifs se situe dans les premières décennies du xviiie

siècle ; ensuite, la hausse continue jusqu’à la décennie 1767-1776 com-prise, mais de manière modérée. C’est donc entre 1717 et 1746 que la Faculté de Montpellier s’impose en tant que centre de formation. Ceci correspond à ce qu’avait remarqué Patrick Ferté : « ce n’est qu’à partir de la mi-xviiie siècle, que l’ascension de Montpellier, irrésistible, évinça sa voisine toulousaine2 ». Mais la remarque ne vaut pas seulement pour le centre toulousain, toutes les Facultés sont concernées par le pouvoir d’attraction de Montpellier. Il est vrai que ce n’est que dans la deuxième moitié du siècle que celles-ci prennent conscience que Montpellier attire de plus en plus les étudiants, mais à la lecture des moyennes décen-nales et des pourcentages d’augmentation, il est assez net que ce mou-vement a commencé plus tôt : en fait, quelque vingt ans auparavant. Montpellier s’est donc bien imposée au milieu du Siècle des lumières comme le premier centre formateur des futurs praticiens du royaume3.

3 - Les inscriptions trimestrielles à la Faculté de médecine

de Montpellier au xviiie siècle4

L’année universitaire est divisée en quatre trimestres : on ne peut s’inscrire sur la matricule montpelliéraine qu’au cours des mois de

1. Ji-Rv, p. 479. 2. Patrick Fr, op. cit., p. 171.

3. Voir dans la deuxième partie de ce travail consacré aux Origines des étudiants en médecine

l’extension de l’aire de recrutement de la Faculté en fonction des diocèses.

4. Cf. annexe n° 3 : histogrammes des inscriptions trimestriels des étudiants à la faculté de médecine de Montpelier de 1707 à 1789.

février, mai, août et novembre. Cette subdivision de l’année est men-tionnée par l’Édit de 1707 qui stipule les modalités des inscriptions tri-mestrielles dans son article X1.

Chaque année, un nombre important d’étudiants s’immatricule au dernier trimestre de l’année en cours. En 1782, le dernier trimestre des inscriptions devient celui d’octobre, ce mois correspond à la rentrée uni-versitaire qui se fait selon le règlement à la Saint-Luc (18 octobre). De la deuxième quinzaine d’octobre à la fête de Pâques, les étudiants tra-vaillent environ un semestre qui est appelé le Grand ordinaire. Le Petit ordinaire ou petit semestre va de Pâques à la Saint-Jean (24 juin)2. Au cours de la période 1707-1789, les trimestres de février, mai et août sont délaissés. Pour le trimestre d’août, il apparaît que les jeunes gens qui s’ins-crivent en été sont originaires des diocèses les plus proches : au trimestre d’août 1757, plus de 40 % des nouveaux inscrits sont natifs des diocèses de Montpellier et de Narbonne ; le pourcentage était plus important en août 1756, puisqu’il arrivait à 62,73 %. Cette tendance s’estompe au fur et à mesure que la Faculté va recruter de plus en plus loin ses étudiants. Ainsi, au début des années 1780, plus de 80 % de l’effectif est surtout ori-ginaire de la partie nord du royaume. Le trimestre qui constitue la rentrée officielle de la Faculté est bien celui d’octobre ou de novembre4. Les autres trimestres, tout comme celui d’août, ne voient pas affluer un nombre considérable de carabins comme l’atteste l’ensemble des graphiques5.

1. Alexandre-Charles Gri, « L’École de médecine de Montpellier, ses origines, sa consti-tution, son enseignement », Mémoires de la Société archéologique de Montpellier, t. 7, Montpellier, J. Martel aîné, 1881, p. 342. L’article X de l’édit commence ainsi : « ceux qui étudieront à l’avenir dans les Facultés de nostre Royaume et pays de nostre obéïssance seront tenus de s’inscrire de leur main quatre fois par an dans deux registres ou cahiers, qui seront tenus pour cet effet dans chacune desdites Facultés ».

2. Alexandre-Charles Gri, art. cité, p. 334-335.

3. En 1757, 10 étudiants s’inscrivent au trimestre d’août, 4 d’entre eux sont originaires des diocèses de Montpellier et de Narbonne. En 1756, 8 étudiants s’inscrivent au trimestre d’août, 5 d’entre eux sont originaires des diocèses de Montpellier et de Narbonne.

4. Entre 1707 et 1789, on constate qu’il y a une légère modification en ce qui concerne les inscriptions trimestrielles. De 1707 à 1782, les inscriptions des étudiants sont prises aux trimestres de février, mai, août et novembre. En 1782, les inscriptions se prendront en janvier, avril, juillet et octobre. Cette remarque ne bouleverse en rien le schéma général qui est d’ouvrir la matricule aux étudiants pour chaque trimestre. De manière à ne pas compliquer les graphiques, nous avons sim-plement indiqué sur l’axe des abscisses : 1er trimestre, 2e trimestre, 3e trimestre et 4e trimestre.

5. Cf. les graphiques des inscriptions trimestrielles en annexe n° 3. Le total du nombre des inscrits n’arrive pas au chiffre de 4682 étudiants. Cette différence vient de ce que pour 114 jeunes gens, nous n’avons pas retrouvé la première inscription, ils ont donc été exclus des graphiques trimestriels.

Le développement de la Faculté de médecine de Montpellier appa-raîtra mieux si on compare le recrutement des étudiants au xviiie siècle avec celui des siècles précédents, xviie et xviiie siècles.

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