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Méthode de recherche et présentation de la fiche individuelle

Dans le document Faire sa médecine au XVIIIe siècle (Page 30-38)

1 - Le nécessaire recours à l’outil informatique

Le présent travail s’intéresse à la Faculté de médecine de Montpellier, d’abord parce que les sources y sont parfaitement conservées, mais plus encore en raison de la renommée, attachée à ce centre tout au long de l’Ancien Régime. Le choix de départ a porté sur une recherche prosopographique des cursus universitaires des étudiants. Très vite des obstacles sont apparus. Le dépouillement des matricules quand on n’a pas une vue d’ensemble de la période risque d’induire en erreur. Ces registres offrent cependant une vision rassurante, car on dispose de séries longues sans aucune lacune. Si l’on ne s’attache qu’au début du xviiie siècle, le nombre des étudiants est relativement peu élevé, de l’ordre d’une trentaine par an. Or, plus particulièrement aux alentours des décennies 1730-1740, on remarque un accroissement significatif des effectifs. Ceux-ci atteignent à la veille de la Révolution un nombre annuel d’inscrits proche des quatre-vingts. De ce fait, un traitement traditionnel des données par fiches manuelles s’avérait impossible, car il aurait été, probablement, une source d’erreurs nombreuses et était, compte tenu du nombre total des étudiants, très difficile à manier. Il fallait donc s’orienter vers une autre démarche pour analyser ce cor-pus. Seul le recours à l’informatique pouvait permettre de mettre en place un traitement correct des données par un système d’indexation et de tri. Il restait donc à élaborer la fiche qui puisse à la fois prendre en considération la totalité des cursus de chaque étudiant qui pouvaient être fournis par les matricules, en n’omettant, par ailleurs, aucune information qui, éventuellement, aurait pu être retrouvée dans des documents annexes.

2 - Les critères retenus pour la création de la fiche individuelle des

étudiants1

Le travail d’élaboration de la fiche individuelle a donc pu commen-cer. Celle-ci est scindée en trois parties qui permettent de multiples exploitations.

a) Origine de l’étudiant

Six rubriques sont consacrées à l’identification de l’étudiant à son arri-vée à Montpellier. Lors de sa première inscription, celui-ci doit présenter ses certificats d’études secondaires et en particulier attester d’avoir suivi un an en philosophie. Dans le premier quart du xviiie siècle, le registre S 25 du fonds ancien de la Faculté de médecine de Montpellier conserve quelques mentions de ces enregistrements de lettres testimoniales, mais celui-ci ne couvre qu’une dizaine d’années environ (1725-1735) ce qui rend impossible toute étude générale sur les collèges où ont été formés les futurs étudiants en médecine. De ce fait, la présence du « carabin » à Montpellier n’est décelable que dès que celui-ci entreprend la démarche de se faire coucher sur les registres d’inscriptions pour débuter son cur-sus universitaire. Cette première inscription est riche en informations qui indiquent le patronyme de l’étudiant, son ou ses prénoms, son lieu ou sa communauté, son diocèse d’origine et son pays lorsque celui-ci vient de l’étranger. Ces éléments sont d’un traitement peu aisé, non pas pour le patronyme de l’étudiant qui est retranscrit en français (alors que les matricules des siècles antérieurs latinisaient le nom), mais pour les communautés d’origine ainsi que pour les diocèses. Là, on se trouve par-fois confronté à une double difficulté. Il s’agit d’identifier les diocèses, même si, parfois, on doit se contenter de procéder par déduction, voire par élimination, quand les informations sont lacunaires. Mais éliminer les inconnues n’est pas chose aisée, car comment reconnaître derrière la dénomination d’Aquensis si l’on a affaire au diocèse d’Aix ou à celui de Dax. En revanche, on est rapidement dans une impasse lorsque ces lieux d’origine sont des petites communautés ou des hameaux qui sont mentionnés dans les registres sous la forme « ex oppido ». L’Orbis lati-nus qui recense l’ensemble des lieux-dits de la chrétienté devient alors l’ultime recours2. Le dernier outil qui a été utilisé pour essayer de réduire

1. Voir fiche individuelle p.37.

les inconnues est le Bottin des communes : on a eu recours à cet instru-ment contemporain lorsqu’il n’existait aucune indication du diocèse ou de la province d’origine, mais que les noms des communautés avaient été transcrits en français. Il n’a pas été possible d’utiliser les ouvrages du C.N.R.S., Paroisses et communes de France qui recensent les communautés par départements et donnent les anciens diocèses de rattachement, dans la mesure où l’ensemble du territoire français n’avait pas encore été couvert. L’opération, alors retenue, a consisté à repérer dans le Dictionnaire national des communes de France1le département auquel appartient la communauté annoncée par l’étudiant lors de sa première inscription et ensuite de retrouver le diocèse d’origine. Cette démarche n’a été réalisée que pour un nombre limité de lieux-dits inconnus, car le cursus de l’étudiant permet de réduire cette incer-titude. En effet, avant de passer son premier grade universitaire, le « carabin » doit prendre douze inscriptions. Un certain nombre d’in-connues ont pu être levées en parcourant les registres d’inscriptions, car au-delà de la monotonie et du caractère stéréotypé de l’inscrip-tion, des éléments nouveaux apparaissent parfois entre la seconde et la douzième inscription qui permettent de diminuer la part d’incertitude. Lorsque les registres d’inscriptions ne fournissaient aucune informa-tion complémentaire, il a fallu passer par la transcripinforma-tion en départe-ment puis en diocèse, mais quand la démarche s’avérait beaucoup trop hasardeuse, nous avons choisi de mettre un point d’interrogation.

La dernière rubrique de cette première partie de la fiche individuelle de l’étudiant est intitulée « qualité ». Cette terminologie a été utilisée dans deux sens distincts. D’abord pour mentionner les titres ou les grades universitaires précédemment obtenus par l’étudiant, c’est ce que l’on peut appeler les données brutes. Ainsi, Ange-Marie Bonelli, originaire de Savone en Italie, mentionne qu’il est père capucin ; cette appartenance au clergé a été insérée. Puis, cette rubrique a été utilisée comme « fourre-tout ». L’ensemble des données collectées au hasard des dépouillements ont été introduites : si l’étudiant a accompli dans une autre Faculté le début de son parcours universitaire avant de rejoindre la cité languedocienne, cette mention figure avec le terme « Mobilité ». De même, lorsque dans sa thèse de baccalauréat le carabin signale qu’il dédicace son opuscule à un parent, père, frère ou oncle qui appartient au monde médical, cette information a été reportée avec le codage « D.-M. »

qui signifie possibilité de dynastie médicale1. Cette mention permettra dans un chapitre de la troisième partie de ce travail de s’interroger sur la reproduction sociale au sein de ce corps.

Cette première partie de la fiche qui contient une série d’informa-tions géographiques permet d’envisager, notamment au niveau des dio-cèses, une cartographie du recrutement estudiantin. La rubrique a été indexée, elle autorise, une fois l’ensemble des fiches complété, des tris et permet de déterminer, sans erreur, le nombre exact de jeunes gens originaires de tel ou tel diocèse.

b) Le cursus universitaire d’un étudiant en médecine

Les différentes rubriques font apparaître la « Première inscription » puis, le « baccalauréat » avec le sujet de thèse, la « licence » et le « doc-torat ». Cette fiche présente quelques manques. Un premier choix a consisté à ne retenir que la première inscription. Il est utile de préciser ce qu’est le cursus universitaire d’un étudiant en médecine au xviiie siècle : après avoir été inscrit une première fois sur les registres de la matricule de la Faculté, l’étudiant doit encore acquitter onze autres inscriptions, à raison d’une par trimestre, pour pouvoir se présenter au premier grade universitaire qu’est le baccalauréat. La fiche ne donne que la première inscription, car il aurait été fastidieux de toutes les recenser. Cependant, il est indispensable de repérer l’ensemble des inscriptions, lorsque l’étu-diant ne termine pas son cursus, afin de déceler le moment précis où il arrête ses études à Montpellier. Pour présenter un panorama com-plet de ces abandons, nous avons pu bénéficier du travail entrepris par Mademoiselle Mathieu, documentaliste au fonds ancien de la Faculté de médecine de Montpellier qui répertorie l’ensemble des inscriptions de tous les étudiants en médecine au cours du xviiie siècle ; cette enquête a permis de repérer les différents stades des abandons étudiants au cours de la première moitié du Siècle des lumières. En ce qui concerne la période postérieure, il a fallu reprendre méthodiquement les registres d’inscriptions pour déterminer le moment précis où l’étudiant mettait fin à son parcours universitaire montpelliérain. Lorsque le « carabin » interrompt à un moment donné son cursus et que nous avons comp-tabilisé le nombre de ses inscriptions, le résultat a été reporté dans la rubrique, baptisée « motif », de fin de la fiche individuelle.

C’est ensuite le baccalauréat de l’étudiant qui est mentionné avec, lorsque les sources le permettent, l’indication du sujet de thèse. La thèse de baccalauréat, quand elle est imprimée, est un opuscule précieux à signaler dans la mesure où c’est parfois la seule trace dont on dispose de la production écrite des étudiants au xviiie siècle. De même, ont été reprises les différentes informations figurant sur cette thèse, à savoir le lieu d’édition, l’imprimeur, le format, ainsi que le nombre de pages.

Le deuxième choix a été de laisser de côté des examens qui précèdent l’obtention de la licence. Les registres en conservent cependant la trace dans les Actes de la Faculté. Ces examens, Per intentionem, Triduanes et Points Rigoureux, ne sont pas des examens principaux, mais ils per-mettent au candidat de se présenter à la licence. Le baccalauréat est le dernier moment dans les cursus où l’on peut disposer d’éléments d’informations qui identifient formellement l’étudiant. À partir de la licence, et jusqu’au doctorat, les registres des Actes n’indiquent que le patronyme du carabin. Il est donc difficile de retrouver sans risque d’erreur les grades de tel ou tel étudiant, lorsqu’on se trouve confronté à des homonymies. La méthode alors retenue a consisté, à partir du baccalauréat, à repérer le patronyme de l’étudiant et à le suivre dans les différents examens tout en ayant à l’esprit la chronologique définie par l’Édit de Marly du mois de mars 1707, imposant une période de six mois entre le baccalauréat et l’obtention du doctorat. À chaque fois que des cas d’homonymie se présentaient, nous avons appliqué la règle du premier étudiant qui avait obtenu le baccalauréat, et nous avons suivi son parcours. Évidemment, ces précautions ne garantissent pas l’ab-sence d’erreurs ; c’est la raison pour laquelle le croisement de ces don-nées avec le Dictionnaire de l’an X, recensant le personnel médical, a été utile pour certaines vérifications1. Cet ouvrage mentionne le mois d’ob-tention du baccalauréat de l’étudiant et il a permis de réduire le nombre d’erreurs. Il reste cependant des possibilités de confusions, dès que le

Dictionnaire ne mentionne pas les éléments précédemment évoqués. La seule solution serait alors de retrouver les diplômes des jeunes gens et en particulier les attestations qui indiquent avec certitude le mois et le jour de l’obtention des différents grades. On se trouve alors confronté à une tache énorme sans réelle assurance d’aboutir : il faudrait retrouver les certificats d’études des étudiants dans les fonds d’archives publics ou privés, la Faculté de médecine de Montpellier n’ayant jamais conservé

ce genre de documents, car elle ne faisait que consulter ses registres pour délivrer les attestations.

Les derniers éléments de cette partie de la fiche individuelle men-tionnent la « durée du cursus » ainsi que la « durée des examens ». Ces indications ne sont pas fournies par les registres des actes et ont été éla-borées a posteriori de manière à pouvoir déterminer le temps que cha-que étudiant met à accomplir son parcours universitaire. Afin cha-que ces données puissent donner lieu à des tris, elles ont été exprimées en mois. La « durée du cursus » est calculée du moment où l’étudiant s’immatri-cule jusqu’à celui où il obtient son doctorat. La « durée des examens » est, calculée de l’obtention du baccalauréat à celle du doctorat.

c) Les informations obtenues à partir du croisement de diverses sources

La troisième partie de cette fiche a été établie en « texte », c’est-à-dire qu’il est possible d’insérer des informations qui n’excèdent pas trois lignes de texte. Nous avons créé une rubrique spécifique qui donne la possibilité de reporter des éléments plus complets sur chacun des indi-vidus. Deux rubriques permettent de collecter des informations plus précises, mais elle ne peuvent pas faire l’objet de tris.

La première rubrique intitulée « Particularités biographiques » contient des éléments divers : la fréquentation antérieure d’une autre Faculté par l’étudiant, le nombre d’inscriptions prises, son âge à l’entrée à la Faculté et à la sortie, le ou les camarades qui ont éventuellement fait le voyage à Montpellier avec lui ou encore la mention de dynasties médicales. Cette information, ici détaillée, a été ensuite reportée dans la rubrique « qualité » de manière codée. L’ensemble de ces éléments ont été collectés au hasard des dépouillements et des lectures, comme par exemple l’indication que tel ou tel étudiant devient plus tard Intendant des épidémies d’une géné-ralité ou correspondant de la Société Royale de Médecine de Paris.

La seconde rubrique « Particularités bibliographiques » signale l’en-semble des brochures imprimées ou manuscrites qui ont pu être recen-sées. Il est utile de souligner que le caractère pré-préparé de ces rubriques de texte ne donne pas, par exemple, la possibilité de mentionner les titres d’ouvrages en italique ou d’aller au-delà de trois lignes. Le dépouille-ment des opuscules ou des brochures rédigés par les médecins formés à Montpellier a été essentiellement réalisé, d’une part dans les fonds pari-siens et en particulier la Société Royale de Médecine de Paris et, d’autre part, dans celui de la Société Royale des Sciences de Montpellier. Ces

deux types de productions sont, la plupart du temps, restés à l’état de manuscrits. Ici encore, un choix a été fait. Il ne s’est pas agi de mention-ner l’essentiel des travaux du corps professoral montpelliérain lorsque celui-ci avait fait ses études dans la cité languedocienne, car les travaux de Louis Dulieu indiquent de façon exhaustive ces renseignements. Il a paru davantage judicieux de collecter les écrits de cette masse de prati-ciens anonymes pour proposer dans la dernière partie de ce travail une analyse de leurs préoccupations scientifiques et du rôle qu’ils ont pu jouer au sein de la communauté savante de leur temps, en diffusant à travers leurs compétences et leurs travaux respectifs les enseignements de leurs maîtres et des « Lumières ». Ainsi, Jean-François Sacombe, ori-ginaire de Carcassonne et formé à Montpellier, devient le représentant officiel de l’École anti-césarienne : tout au long de sa vie, ses écrits vont l’opposer à Baudelocque, ardent défenseur de cette pratique médicale1. Alors que cette catégorie d’ouvrages imprimés est relativement aisée à retrouver, il n’en est pas de même du travail de Claude Chabert qui est resté à l’état de manuscrit. Le Thesaurus Practicus de celui-ci témoigne du souci de posséder à portée de consultation, sous la forme d’une sorte de « Vidal de poche », les enseignements de ses maîtres montpelliérains et parisiens2. Au cours de sa vie de praticien, il enrichit son manuscrit de lectures dont témoignent les multiples ajouts dans le volume 2 de celui-ci. Cette pratique ne semble pas être une démarche isolée, car la mode des Dictionnaires portatifs de santé est développée au cours de la deuxième moitié du xviiie siècle : on souhaite, c’est du moins le choix de la veuve Fouquet, mettre à la disposition de tout un chacun des rudi-ments de médecine pour pouvoir soigner les affections les plus béni-gnes3. La place de l’ouvrage médical et la production de celui-ci par des

1. Jean-François. Sb, Éléments de la science des accouchements, Paris, Courcier, Germinal An X, in-4°, 456 p. J.-L. Bq, Recherches et réflexions sur l’opération césa-rienne, Paris, An VII, in-4°. Voir également à ce sujet la thèse de Mireille L, Naissances, l’accouchement avant l’âge de la clinique, Paris, Seuil, 1982, p. 261.

2. Claude Chbr, Thesaurus practicus seu congeries plurimorum in schola tam parisiana quam monspelica celeberioribus proffessoribus dictatarum et collectarum a docto Claudio Chabert doctore medico monspeliense, volumen primum et secundum, 1741. Collection particulière.

3. Veuve Fq, Recueil des remèdes faciles et domestiques, choisis, expérimentez, & très-aprovez pour toutes les formes de Maladies internes et externes, & difficiles à guérir. Recuëllis par les ordres charitables de l’Illustre et Pieuse Madame Fouquet, pour soulager les pauvres Malades. Revü et corrigé de quantité de fautes qui s’étoient glissées dans les précédentes Éditions, & augmenté de plusieurs Remèdes qui se sont trouvez de plus dans le Manuscrit de ladite Dame : Avec un traité de l’Usage du Tabac & de ses Propriétez., Tome Second, À Paris, Chez Jean Musier, M. DCC.XXXIX, in-8°, 466 p.

individus formés à Montpellier peuvent être un moyen supplémentaire pour saisir le rayonnement d’un centre universitaire. La question qu’il sera alors légitime de se poser sera de savoir quelle est dans ces écrits la part de la reproduction du discours médical qui leur a été enseigné et celle de l’innovation.

Dans le document Faire sa médecine au XVIIIe siècle (Page 30-38)