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Chapitre III : Méthodologie de la recherche

3.2. Technique de collecte de données : l’entretien semi-dirigé

compréhension approfondie d’un acteur, que nous jugeons le mieux placé pour parler du sens qu’il donne à sa réalité sociale et à ses actions (Poupart, 1997). L’entretien semi-dirigé permet de recueillir des informations plus en profondeur qu’un questionnaire (Quivy et Campenhoudt, 2006; Silverman, 2010).

Nous cherchons à comprendre les expériences des participantes en prenant en considération notre position sociale, en reconnaissant que nous avons des connaissances intellectuelles liées à certaines perspectives et à certains cadres théoriques. Nous comprenons les entretiens de recherche comme étant des narratifs activement construits par les participantes de concert avec la chercheure. Ainsi, l’entretien constitue une activité où l’on co-construit le sens des expériences vécues par les participantes. Dans la co-construction de sens, il importe de préciser les points de vue de la chercheure et de la participante. En effet, bien

que les deux soient des femmes, la position de la chercheure comme native/blanche la rapproche de la classe dominante, à laquelle se rattache un certain pouvoir (Vatz Laaroussi, 2007b). Un processus de réflexivité est nécessaire afin de comprendre les processus en jeu lors du déroulement des entretiens. Ce processus a été assuré par la tenue d’un journal de bord lors des entretiens dans lequel ont été notées des impressions initiales et des réflexions ayant lieu tout au long du processus d’enquête. Ces notes ont été consultées lors de l’analyse. De plus, les questions ont toutes été formulées de façon ouverte lors de l’entretien, ce qui a permis l’expression plus libre des participantes. De plus, nous avons laissé les interviewées suivre le cours de leurs idées plutôt que d’imposer une séquence rigoureuse aux questions. Finalement, les entretiens semi-dirigés nous ont permis d’alimenter l’analyse sociologique de la discrimination systémique et d’établir des liens entre les phénomènes qui l’influencent et ceux qui en résultent. En effet, en interrogeant ces femmes sur leur vécu, nous avons eu un accès privilégié à leur point de vue sur les dynamiques affectives, cognitives et interpersonnelles impliquées dans la création et la mobilisation des réseaux ainsi que le rôle de ces derniers dans leurs parcours migratoires et professionnels.

3.2.1. Le guide d’entretien

Bien que certaines questions du guide d’entretien aient été inspirées de la revue de la littérature sur le capital social et les réseaux sociaux qui ont déjà été rapportés dans le cadre d’études plus hypothético-déductives, nous cherchons à rompre avec ces méthodologies usuelles, dans le sens où elles s’appuient sur des théories bien définies. Certaines hypothèses existent déjà et ont été étudiées (Lin, 2001; Granovetter, 1973). Cependant, tout n’est pas connu des réseaux sociaux, surtout en ce qui a trait au sens que différentes personnes peuvent leur donner, ainsi qu’au développement et au fonctionnement de ces réseaux. Qui plus est, rares sont les études qui explorent le point de vue subjectif des acteurs concernant le rôle des réseaux sociaux auxquels ils participent – et ceux qu’ils voient à l’œuvre dans leur environnement - dans leurs vies professionnelles.

On peut mesurer le capital social par des méthodes sociométriques ou selon le témoignage des participants, les deux approches ayant des avantages et des inconvénients (Lin, 2001).

En effet, le nombre de contacts ainsi que la fréquence des interactions avec ces personnes dans les réseaux sociaux d’une personne peuvent être mesurés, mais si la personne concernée ne pense pas à ces contacts ou ne les active pas, il se peut fort bien qu’ils ne puissent pas servir de capital social. En explorant plutôt la perspective de la personne concernée relativement à ce qu’elle reconnait comme étant ou pouvant devenir une ressource dans ses réseaux sociaux, on pourrait avoir une meilleure compréhension de l’accès et de l’utilisation du capital social dans la population étudiée. Étant donné l’importance de la perception et de l’interprétation, il est intéressant d’étudier le sens que donnent les participantes à leurs réseaux, ainsi que l’utilité de ceux-ci.

Le guide d’entretien comportait des questions visant à connaitre certains aspects du cheminement des participantes, relatif à leurs parcours scolaire et professionnel prémigratoires, leur projet migratoire et leur trajectoire professionnelle post-migratoire. Ces questions étaient posées de manière ouverte afin de leur donner la parole et la liberté de s’exprimer sur leur propre vécu. Le protocole d’entretien (en Annexe E) a servi de guide afin de recueillir toutes les informations pertinentes, mais a été utilisé de façon flexible afin de laisser de nouveaux thèmes surgir et pour voir les caractéristiques uniques qui peuvent s’avérer révélatrices (Eisenhardt, 1989; Silverman, 2010). Ce protocole d’entretien a été conçu dans une optique de comprendre les différentes trajectoires et tenir compte des institutions qui conditionnent le parcours des immigrantes. Tout en conservant un fil conducteur axé sur les réseaux sociaux, il a traité des thématiques suivantes :

- Le parcours prémigratoire (incluant le choix du domaine d’études/de pratique, le parcours socioprofessionnel et les aspirations);

- le processus d’immigration (incluant les motivations, les processus de recherche d’information et la reconnaissance des acquis et des compétences);

- le processus d’installation et d’intégration (incluant le processus de recherche d’emploi et l’expérience sur le marché du travail canadien/québécois);

- les opportunités et les obstacles rencontrés lors du parcours, et en réponse à ces derniers, les stratégies empruntées et leurs résultats, puis les stratégies futures envisagées.

L’outil de collecte est a été bâti à partir du cadre conceptuel et de la revue de la littérature, en s’inspirant d’autres protocoles d’entretien cherchant à découvrir des informations similaires. Les guides consultés incluent ceux de Granovetter (1995), Lin (2001) et Anucha

(2006). Les premiers entretiens effectués ont servi d’entretiens préliminaires, afin de valider que les participantes avaient bien compris le sens des questions posées, et qu’elles puissent exprimer leur perspective sur la question à l’étude. En raison de la nature relationnelle de l’entretien semi-dirigé, la validité interne de la méthodologie repose largement sur le consensus entre interviewer et interviewée et sur la construction de sens qui a lieu. Pour ce faire, lors de l’entretien, il a été important que la chercheure s’assure d’avoir bien compris les propos de la participante, ce qui a été en partie validé en réitérant les points importants pendant et à la fin de l’entretien.