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Le taux applicable aux intérêts moratoires et aux intérêts compensatoires

1. Le taux des intérêts moratoires

Ce taux est déterminé par le droit national applicable. Il s'agit souvent d'un taux fixe, qui diverge sensiblement d'un pays à l'autre. Il est de 4%

l'an en Allemagne (§ 288 al. 1 BGB), de 5 % en Suisse (art. 104 al. l CO) et de 10 % en Italie (art. 1284 al. 1 CC, dans sa nouvelle teneur, en vigueur depuis le 16 décembre 1990)14. Ces différences ne sont guère acceptables dans des pays dont les systèmes économiques sont interdé-pendants et qui connaissent une parfaite convertibilité de leurs monnaies.

Le taux légal fixe perd en outre son sens dans les pays à inflation galo-pante. Seule une action en dommage-intérêts de retard pour perte de

chan-13 En procédure étatique, dans des cas tout à fait exceptionnels, une révision du ju-gement peut être réservée (cf. art. 46 al. 2 CO).

14 KINDLER Peter, «Zur Anhebung des gesetzlichen Zinssatzes in Italien>>, RIW 1991, pp. 304 ss. Dans d'autres pays (France, Belgique, Pays-Bas, pays scandinaves), le taux légal des intérêts moratoires est variable, cf. WEBER, /oc. cit. p. 330, et références.

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ge ou, à la rigueur, pour la seule dépréciation du pouvoir d'achat de la monnaie de paiement pendant la demeure pourrait rétablir quelque peu l'équilibre contractuel rompu (infra VIII).

En matière de vente internationale, l'art. 83 de la Convention de La Haye du 1er juillet 1964 «portant loi uniforme sur la vente internatio-nale des objets mobiliers corporels» avait donné droit au vendeur à des intérêts moratoires à un taux flexible, «égal au taux officiel d'escompte du pays où il a son établissement( ... ), augmenté de 1 %». Ce principe fut abandonné par la Convention de Vienne, qui ne tranche pas la question, mais la relègue «à la loi applicable en vertu des règles du droit interna-tional privé» (art. 7 al. 2 CV)15 . Par ailleurs, l'art. 78 CV (comme sous certaines conditions l'art. 213 al. 2 CO) accorde au vendeur des intérêts déjà dès l'exigibilité du prix, et non seulement à partir de la demeure.

L'examen qui suit se limite aux cas dans lesquels le droit suisse s'appli-que aux taux des intérêts moratoires, soit directement, soit en vertu de l'art. 7 al. 2 CV Il s'agit de voir dans quelle mesure des principes plus généraux se dégagent, aptes à orienter la démarche des arbitres lors d'un arbitrage commercial international.

Selon l'art. 104 al. 1 CO, le créancier est fondé à réclamer des in-térêts moratoires de 5 pour cent l'an, s'il n'a pas droit à un taux plus élevé en vertu du contrat (art. 104 al. 2 CO) ou en vertu de l'art. 104 al. 3 CO. Selon cette dernière disposition, si le «paiement d'une somme d'argent» est dû «entre commerçants», il convient d'appliquer le «taux de l'escompte» tant que l'escompte dans le lieu du paiement est d'un taux supérieur à 5 pour cent» . Les termes de cette disposition sont su-jets à interprétation.

656 L'art. 104 al. 3 CO s'applique seulement «entre commerçants». Tel est notamment le cas, selon la jurisprudence et la doctrine, s'il s'agit de dettes entre sociétés commerciales16. Les corporations et établissements de droit public sont assimilés, en ce qui concerne leurs rapports de droit privé, aux «commerçants» au sens de l'art. 104 al. 3 COI7. D'après la

15 REINHART Gert, «Fiilligkeitszinsen und UN-Kaufrecht», IPRax 1991, pp. 376-379, et références; AsAM Herbert I K1NDLER Peter, «Ersatz des Zins- und Geldentwertungs-schadens nach dem Wiener Kaufrechtsübereinkommen vom 11.4.1980 bei deutsch-italienischen Kaufvertriigen>>, RIW 1989, pp. 841-849; Landgericht Frankfurt-a-M., arrêt du 16 sept. 1991, RIW 1991, pp. 952-954.

16 ScHENKER, /oc. cit., p. 138, 64, et références.

17 ScHENKER, /oc. cit., p. 139, 65, et références. Il est par ailleurs proposé à juste titre d'étendre l'application de l'art. 104 al. 3 CO à toutes les opérations en matière de commerce, peu importe si les parties sont ou ne sont pas inscrites au registre du commerce et si elles peuvent être poursuivies par voie de faillite selon l'art. 39, LP, WEBER, /oc. cit., p. 331, contra Tribunal fédéral, arrêt du 2 juillet 1985, Repertorio di giurisprudenza patria 1986, pp. 23-26, avec critique par Pierre TERCIER, Droit de la construction, 1987, p. 66.

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ratio legis de l'art. 104 al. 3 CO, il convient d'étendre cette analogie même aux Etats et Organisations internationales, dans la mesure où ces entités agissent en tant que maîtres d'ouvrage, mandants, acheteurs etc., donc comme contractants selon le droit privé, et où elles sont soumises au droit privé suisse pour les opérations qu'elles effectuent avec des so-ciétés commerciales.

L'escompte visé part l'art. 104 al. 3 CO ne correspond ni au taux officiel d'escompte de la Banque nationale suisse, ni au taux de l'intérêt des crédits en compte courant demandé par les banques18, mais au taux de l'escompte privé que les banques facturent «dans le lieu du paiement»

(art. 104 al. 3 CO) à leurs clients lorsqu'elles escomptent des lettres de change de premier ordrel9.

Le «lieu de paiement» n'est pas nécessairement déterminé par la monnaie de paiement convenue et peut parfaitement se trouver à l'étran-ger. Peu importe qu'il s'agisse d'une dette libellée en monnaie du pays ou en monnaie étrangère, le taux des intérêts moratoires correspond aux taux de l'escompte privé en cette monnaie pratiqué au lieu où le débiteur en demeure doit accomplir ses paiements. Il peut par exemple s'agir du siège de la banque auprès de laquelle un crédit documentaire était stipu-lé réalisable conformément au contrat de vente internationale. En l'ab-sence de dispositions particulières convenues expressément, le lieu de paiement est, selon convention concluante, le siège de la banque auprès de laquelle le créancier entretient son compte courant pour effectuer son trafic de paiements20. S'il entretient plusieurs comptes à des endroits, voire dans des pays différents, dont le débiteur a le choix à défaut d'une convention expresse ou concluante, c'est le taux le moins élevé des dif- 657 férents lieux qui l'emporte21. Subsidiairement, «le paiement s'opère dans le lieu où le créancier est domicilié» (art. 74 al. 2 ch. 1 CO), même si la monnaie de paiement choisie par les parties n'y a pas cours légal, éven-tuellement avec faculté, pour le débiteur, de convertir la dette en mon-naie du pays selon l'art. 84 al. 2 CO (cf. infra VIII).

18 Contra: BUCHER Eugen, Sclnveizerisches Obligationenrecht. Allgemeiner Teil aime Deliktsrecht, 2e éd., Zurich Polygraphischer Verlag, 1988, p. 362, note 129.

19 ATF 116/1990 II, pp. 140, 141, et références.

20 SCHENKER, lac. cit., p. 136, n° 58, et références.

21 C'est à ce taux qu'un créancier de premier ordre pourrait obtenir le crédit d'es-compte pour les montants avec lesquels le débiteur se trouve en demeure de paie-ment. L'opinion selon laquelle l'art. 104 al. 3 CO serait historiquement et téléologiquement à interpréter «en ce sens que le taux d'escompte privé est celui prévalant pour la monnaie du contrat choisie par les parties» (sentence arbitrale ren-due à Genève en 1991, Bull. ASA, 10 (1992) pp. 202, 256, question laissée ouverte, faute de preuves concernant le taux d'escompte privé, par I' ATF 116/1990 II, pp. 140, 141), ne pose pas de problèmes lorsque la devise de la dette est celle du lieu de paiement, mais fait en réalité abstraction du «lieu de paiement» conventionnel ou légal au sens de l'art. 104 al. 3 CO dans les autres cas, cf. notes 23 et 24.

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Le taux d'escompte visé part l'art. 104 al. 3 CO correspond en Suisse, pour des dettes libellées en francs suisses, au taux d'escompte privé fixé par l 'Association suisse des banquiers à Bâle (ci-après ASB).

Jusqu'au 24 février 1991, l 'ASB a indiqué ce taux aux banques affiliées comme taux recommandé en fonction de l'accord sur les taux d'intérêts en vigueur sur la place de Zurich («Zurcher Zinskonvenium»). Depuis la dissolution de cet accord par suite d'une recommandation de la Commis-sion fédérale des cartels, et en vertu d'une déciCommis-sion prise le 14 mars 1991 par le Conseil d'administration de l 'ASB, le taux d'escompte privé est fixé par cette Association comme simple taux de référence moyen, calculé sur la base des taux de l'Union de Banques suisses, de la Société de Banque Suisse, du Crédit Suisse, de la Banque Populaire Suisse et de la Banque Cantonale de Zurich22.

Le taux de l'escompte privé que les banques suisses facturent à leur clients lorsqu'elles escomptent des lettres de change de premier ordre libellées en monnaie étrangère diverge souvent très sensiblement du taux d'escompte privé recommandé ou de référence de l' ASB, pratiqué pour les crédits d'escompte en francs suisses. Il diverge aussi d'une banque à l'autre. L'arbitre international, censé appliquer correctement l'art. 104 al. 3 CO, se voit ici confronté à une insécurité qui n'est tempérée que 658 par la répartition du fardeau de la preuve. L'existence d'un taux

supé-rieur à 5 % incombe, en effet, selon l'art. 8 CC, au créancier du paie-ment retardé23.

22 Circulaires n°5 6621 et 6626 des 25 février et 5 avril 1991 de l'ASB. Le taux d'es-compte privé recommandé ou de référence de l' ASB est «d'un taux supérieur à cinq pour cent» (art. 104 al. 3 CO) depuis le 17 janvier 1989 (circulaire de l'ASB n° 512 du 12 janvier 1989). Dans les années 70 et 80, il variait entre 3 % et 8 %. Le 22 jan-vier 1990, il a été porté à 9,75 % (circulaire de l'ASB n° 569 du 18 janvier 1990).

Depuis lors (et jusqu'à la rédaction de cette contribution fin juin 1992), il n'est plus descendu en-dessous de 9 %. Depuis le 25 mai 1992, il est de l 0 %, respectivement de 10,25 % (15 juin 1992).

23 SCHENKER, /oc. cit., p. 136, n° 59; SPAR, /oc. cit., p. 367. Exemple pour les diffé-rences des taux: selon renseignement d'une grande banque suisse, celle-ci aurait ap-pliqué le 3 avril 1989 à Genève à des escomptes d'effets de change libellés en US-$

tirés sur des clients de premier ordre (sociétés pouvant bénéficier d'une notation financière AAA) et payable à 360 jours un taux de 10 7/8 % par an (IO 5/16 % par an le 28 avril 1989 sur des effets de change payables à 90 jours), alors que le taux d'es-compte privé fixé par l 'ASB pour des effets de change libellés en francs suisses était alors de 6,25 % (et le taux officiel d'escompte de la Banque Nationale Suisse de 4,5 % ainsi que le taux officiel d'escompte aux Etats-Unis 7 %, ces deux derniers taux n'étant pas visés part l'art. 104 al. 3 CO). Dans l' ATF 116/1990 II, pp. 140, le

«lieu de paiement» pour une dette libellée en francs suisses était situé en France.

Selon Pierre-A. MORAND, «Le taux d'intérêt moratoire applicable aux créances libel-lées en monnaie étrangère payables en Suisse», Revue suisse de droit des affaires 64 (1992), pp. 167, 170, l'on pourrait «déduire sans autre de l'article 104 al. 2 CO la règle selon laquelle le taux de l'intérêt moratoire est celui prévu par la législation du

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Les incertitudes que crée ainsi la référence de l'art. 104 al. 3 CO à un taux variable, difficilement décelable, calqué sur un taux qui en réa-lité n'est ni celui auquel le commun des créanciers peut obtenir un fi-nancement de substitution, ni celui auquel il pourrait placer son argent, montre quel intérêt les parties au litige ont à régler au préalable le pro-blème contractuellement. Elles ne sont alors limitées que par l'intérêt maximum admis par le droit impératif (en Suisse par le taux d'intérêts, de frais et de débours de 18 % selon l'art. 1 du Concordat intercantonal réprimant les abus en matière d'intérêts conventionnel du 8 octobre 1957 et selon l'application par analogie de cette disposition dans les cantons qui ne sont pas parties au Concordat)24. Il faut saluer tout accord qui, en écartant le taux légal fixe, forfaitaire et arbitraire de 4, 5 ou 10 % par an (§ 288 al. 1 BGB, art. 104 al. 1 CO, art. 1284 al. 1 Codice civile), satis-fait d'une manière simple les besoins financiers du créancier.

L'art. 190 al. 1, phrase 4, de la «Norme SIA 118, Edition 1977» de la Société suisse des ingénieurs et des architectes en fournit un bon exem-ple: «Le taux d'intérêt déterminant est celui qui est habituellement pra-tiqué par les banques au lieu du paiement pour les crédits de comptes courants ouverts aux entrepreneurs». Appliquer dans le commerce inter-national, à l'instar de la Norme SIA 118, un taux d'emprunt usuel serait bien plus adéquat que la référence à quelque taux d'escompte privé que ce soit. Le taux d'emprunt pourrait notamment être calculé sur la base du taux d'intérêt interbancaire servant généralement de base pour fixer 659 la rémunération des eurocrédits et pour déterminer les taux d'intérêts variables, à savoir sur la base du LrnoR, London interbank ojfered rate, établi chaque jour ouvrable pour des emprunts à diverses échéances d'un à douze mois25.

pays de la monnaie choisie contractuellement»; ce résultat est peut-être souhaitable dans certains cas, mais nullement commandé par les termes mêmes de l'art. 104 al. 2 CO, le choix d'une monnaie pour une dette ne disant rien sur le taux de l'intérêt conventionnel, ni, à plus forte raison, sur le taux de l'intérêt moratoire.

24 ATF 9311967 II, pp. 189, 192; JdT 1969 I, pp. 530, 532, SPAR, /oc. cit., pp. 375 ss.

Le Canton de Zurich a adopté en votation populaire de décembre 1991 une législation limitant le taux d'intérêt maximum admissible à 15 % l'an. A l'heure actuelle, il n'est pas encore possible de dire si cette modification d'une loi cantonale aura des réper-cussions sur la jurisprudence du Tribunal fédéral pour savoir à partir de quel montant le taux conventionnel est «contraire aux moeurs» au sens de l'art. 20 al. 1 CO (alors que le taux «légal» variable de l'art. 104 al. 3 CO a dépassé les IO%); cf. aussi SPAR,

/oc. cit., pp. 375 SS.

25 Dans I 'ATF 116/1990 II, pp. 373; JdT 1991 1, p. 186, le Tribunal fédéral a consi-déré qu'une sentence arbitrale fixant les intérêts moratoires d'une prétention en di-nars yougoslaves, en francs français et en dollars américains d'après l'escompte pratiqué par les banques du pays dans lequel avait cours la monnaie pour chacune des prétentions en cause ne violait pas l'art. 190, al. 2, litt. e, LDIP. La proposition d'ap-pliquer d'une manière générale le LIBOR en matière d'arbitrage commercial interna-tional se trouve chez BRANSON et WALLACE, /oc. cit., p. 944. La jurisprudence allemande,

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2. Le taux des intérêts compensatoires

Etant donné que ce taux n'est déterminé expressément ni par la conven-tion, ni par la loi ou l'usage, certains auteurs estiment que le taux légal fixe devrait s'appliquer. En droit suisse, les intérêts compensatoires se-raient, par conséquent, de 5 % l'an, en vertu de l'art. 73 al. 1

co

26.

Cette opinion méconnaît le fait que les intérêts compensatoires sont destinés à réparer le dommage supplémentaire que le lésé subit en n'ob-tenant pas réparation du dommage au moment même de sa survenance, mais ultérieurement, et qu'il est donc privé des fonds nécessaires à la couverture du dommage jusqu'au moment de sa réparation. En réalité, le taux des intérêts compensatoires se calcule de la même façon et dans les mêmes conditions de preuve concrète ou abstraite du dommage, que les dommages-intérêts de retard en cas de demeure (infra V et VI). C'est donc à juste titre que le Tribunal fédéral s'est opposé en 1945, 1948 et 1952 déjà à l'application d'un taux «schématique» de 5 % et qu'il a alloué également plus tard des intérêts compensatoires «d'après l'état actuel du marché monétaire»27.

660 IV. Les intérêts composés

Les divergences constatées dans la jurisprudence arbitrale internationale au sujet de l'allocation d'intérêts composés28 résultent seulement en partie des différences commandées par le droit de fond applicable. En principe,

en revanche, estime inadmissible qu'un tribunal condamne un débiteur à payer des intérêts aux taux LIBOR à échéance de trois mois, étant donné que ces taux varient au cours de chaque journée et qu'en cas d'exécution forcée on ne saurait établir s'il convient d'appliquer le taux d'ouverture, celui de onze heures ou celui de la clôture, Oberlandesgericht Frankfort-am-Main, arrêt du 12 nov. 1991, WM 1992, pp. 569, 572. Sur le rapport entre intérêts conventionnels et intérêts moratoires, cf. NASSALL Wendt, «Vertraglicher Zins und Verzugsschadem>, WM 1989, pp. 705 ss.

26 MERZ Hans, Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, Erster Teilband, Schweizerisches Privatrecht VI/!, Base! et Frankfort-am-Main, Helbing & Lichtenhahn Verlag, 1984, p. 214; cf. aussi SrAR, /oc. cit., p. 373, note 124.

27 ATF 78/1952 I, pp. 86, 90, avec références à deux arrêts non publiés des 21 dé-cembre 1945 et 10 juin 1948: pas de taux schématique, mais «ein den Verhiiltnissen auf dem Geldmarkt angepasster Zins»; ATF 81/1955 II, pp. 213, 221: intérêts com-pensatoires «d'après l'état actuel du marché monétaire»; dans l' ATF 103/1977 II, pp. 330, 338, le Tribunal fédéral a alloué seulement 5 % d'intérêts compensatoires

«dès la survenance du dommage» à la demanderesse, parce que celle-ci s'est limitée à exiger 5 % l'an, foc. cit., p. 332.

28 Sur les divergences en matière d'arbitrage international. cf. DERAINS, foc. cit., pp. 113 ss. Au sujet de la situation juridique nuancée en droit suisse, cf. ScHENKER, /oc. cit., pp. 146 ss, n°s 388 ss; SPAR, /oc. cit., pp. 371 ss; WEBER, /oc. cit., pp. 325 ss; d'une manière générale: SCHMIDT Karsten, «Das <Zinseszinsverbot>, Sinnwandel, Geltungs-anspruch und Geltungsgrenzen», Juristen-Zeitung (Tübingen) 1982, pp. 829-835.

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les intérêts moratoires échus ne portent pas intérêts moratoires29. Les restrictions apportées par beaucoup de pays à l'anatocisme (p. ex. en Suisse par l'art. l 05 CO, en France par les art. 1154 s. CC, en Allema-gne par les§§ 248 s. BGB et 335 HGB, en Autriche par le§ 1335 ABGB et en Italie par les art. 1282 s. CC) protègent le débiteur contre une aug-mentation exponentielle de sa dette.

Ces restrictions n'empêchent pas que les intérêts compensatoires en cas d'action en réparation d'un dommage, et les dommages-intérêts pour retard en cas de demeure d'un débiteur avec le paiement d'une somme d'argent, puissent comprendre les intérêts composés. Souvent le créan-cier a dû payer des intérêts composés pour obtenir son crédit en compte courant. Car si en matière d'intérêts moratoires l'anatocisme est restreint, en matière de prêt selon les usages bancaires et en cas d'arrêté de compte courant comportant novation il peut en général être valablement con-venu (en Suisse conformément aux art. 314 al. 3 et 117 CO). Les inté-rêts compensatoires et les dommages-intéinté-rêts moratoires calculés concrètement correspondent alors aux frais financiers effectivement en-courus (infi-a V).

Autre hypothèse: le créancier, par exemple une banque, aurait pu placer ses fonds, s'il n'en n'avait pas été privé, aux taux interbancaires usuels, soit au jour le jour, soit à terme, et de façon à ce que les intérêts soient ajoutés au capital pour être reportés sur le nouveau compte à des intervalles réguliers (annuels, trimestriels, mensuels, voire quotidiens).

Après avoir été ajoutés au capital initial, ces intérêts auraient alors à leur tour porté des fruits. Les intérêts compensatoires et les dommages-intérêts de retard calculés d'une manière abstraite (infra VI) correspondent à ces intérêts composés que le créancier n'a pas pu obtenir.

Dans la mesure où un créancier a droit aux intérêts compensatoires en cas de responsabilité civile ou contractuelle, ou aux dommages-intérêts moratoires en cas de demeure avec le paiement d'une somme d'argent, rien ne s'oppose à ce que le débiteur l'indemnise du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de l'absence des montants qui lui sont dus.

Les sentences arbitrales qui se réfèrent aux restrictions apportées par le droit national à l'anatocisme pour refuser à ce créancier la réparation du damnum emergens ou du lucrum cessans causés par la privation d'un capital portant intérêts composés, confondent les fonctions des intérêts moratoires, d'une part, et des intérêts compensatoires et des dommages-intérêts de retard, d'autre part.

29 Sur les intérêts composés en tant que partie de dommages-intérêts de retard selon le droit anglais, cf. MANN F.A., «Ün Interest, Compound Interest and Damages», L.Q.R.

1Ü1 (1985) pp. 30-47, pp. 44 SS.

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661 V. Le calcul concret des intérêts compensatoires et des dommages-intérêts de retard

A la différence des intérêts moratoires (supra II.l), les intérêts compen-satoires et les dommages-intérêts de retard ne sont dus que dans la mesu-re où le créancier prouve un dommage résultant de la privation du capital auquel il a droit. Ce dommage comprend toutes les diminutions involon-taires du patrimoine causées d'une manière adéquate par l'absence des fonds en question. Il comprend les pertes effectives et les gains

A la différence des intérêts moratoires (supra II.l), les intérêts compen-satoires et les dommages-intérêts de retard ne sont dus que dans la mesu-re où le créancier prouve un dommage résultant de la privation du capital auquel il a droit. Ce dommage comprend toutes les diminutions involon-taires du patrimoine causées d'une manière adéquate par l'absence des fonds en question. Il comprend les pertes effectives et les gains