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2.2 La condamnation de l’agiotage dans la France du début du XIX e siècle

4.2.2 Tarif de courtages

Comme nous l’avons vu, les coûts de transaction peuvent être un déterminant important du choix de la place de cotation pour les entreprises. Bien qu’ils regroupent une réalité plus large8, nous les approximons ici par les courtages perçus par les agents de change et coulissiers9. Ces courtages constituent la rémunération de l’intermédiaire financier chargé de rapprocher l’offreur et le demandeur de titres.

L’une des conséquences de la réforme de 1898 est l’abaissement des courtages au Parquet (décret du 29 juin 1898). Voulu par le gouvernement en contrepartie du renforcement du mo- nopole légal du Parquet, les agents de change parisiens ne peuvent s’y soustraire, même s’ils considèrent cette décision comme « néfaste au marché et à l’intérêt général »10. Dans les années suivant l’application de ce décret se succèdent les plaintes des agents de change parisiens qui considèrent que l’accroissement des transactions au Parquet permis par la réforme de 1898 n’est pas suffisant pour compenser leur perte de revenus. Le ministre des Finances décide en 1901 d’augmenter à nouveau le tarif de courtages, à un niveau inférieur toutefois à celui d’avant 1898. 7. En mars 1900, on compte 85 maisons de banque membres du Syndicat des banquiers en valeurs à terme (Courtois & Vidal 1902, p. 294).

8. Depuis l’article fondateur deDemsetz(1968), une vaste littérature financière s’attache à mesurer l’ampleur des coûts de transaction qui regroupent, outre les commissions à verser aux opérateurs financiers, les coûts d’exécution, par exemple liés au timing de celle-ci, et les coûts d’opportunité (Collins & Fabozzi 1991).

9. Les coûts d’exécution des ordres incluent également une taxe, l’impôt sur les opérations de bourse. Les taux d’imposition sont définis au niveau national et s’appliquent à toutes les places de manière équivalente. Nous écartons donc cet élément des coûts de transaction.

CHAPITRE 4 : INTRODUCTIONS EN BOURSE

Sur la base des décrets du 12 juillet 1901 et du 19 novembre 1894 fixant le tarif maximum de courtages respectivement pour le Parquet et les bourses de province, les CAC adoptent les tarifs de courtage minimum11 présentés dans la table4.2.

Table 4.2 – Tarif de courtages en vigueur à partir de 1901 – Transactions sur valeurs privées françaises

Valeurs Parquet Coulisse Lyon Lille

Opérations à terme

Action 0,10% 0,125% 0,125% 0,25%

Min. 0,25fr si V<250 ; 0,5fr sinon 0,25fr si V<50 ; 0,5fr sinon 0,50fr/titre na

Oblig. 0,10% 0,125% 0,125% 0,25%

Min. 0,25fr si V<250 ; 0,5fr sinon 0,25fr si V<50 ; 0,5fr sinon 0,25fr/titre na Opérations au comptant

Action 0,10% 0,125% 0,25% 0,25% (a)

Min. 0,50fr/négo. na 0,50fr/titre na

Oblig. 0,10% 0,125% 0,125% 0,25%

Min. 0,50fr/négo. na 0,25fr/titre na

Toute négociation

Min. na na 1 fr na

Valeurs Marseille Bordeaux Nantes Toulouse

Opérations à terme

Action 0,125% 0,125% 0,125% 0,1% si D ; 0,125% sinon

Min. 0,50fr/titre 0,50fr/titre 0,50fr/titre 0,50fr/titre

Oblig. 0,125% 0,125% 0,125% 0,1% si D ; 0,125% sinon

Min. 0,50fr/titre 0,50fr/titre na 0,50fr/titre

Opérations au comptant

Action 0,25% 0,125% 0,125% 0,25%

Min. 0,50fr/titre 0,25fr/titre na na

Oblig. 0,25% (b) 0,125% 0,125% 0,25%

Min. 0,50fr/titre 0,25fr/titre na 0,25fr si V<150 ; 0,5fr sinon Toute négociation

Min. 1 fr 1 fr 1 fr 1 fr

Sources : Decoubu (1900), Dubois (1900c), Garreau (1910) et CAEF, CAC Paris, B-67641, Tarif des droits de courtage à la Bourse de Paris et dans les bourses de province.

Légende : Sauf indication contraire, le pourcentage porte sur le montant de la transaction. V désigne le cours du titre. Ainsi, « 0,25fr si V < 250 » se lit 0,25 fr. de courtage pour les titres dont la valeur est inférieure à 250 fr. ; D signifie « valeurs soumises à double liquidation mensuelle ». « na » renvoie au cas où l’information n’est pas disponible. Nous pouvons supposer qu’il s’agit alors de cas non prévus dans le tarif de courtages local.

Notes : (a) taux réduit à 0,125% pour les actions du Crédit du Nord ; (b) Exception pour les obligations 3% de chemins de fer français ou étrangers soumis à un courtage fixe de 0,625 franc par titre.

Le tarif de courtages du Parquet décidé le 22 juillet 1901, en réalité similaire à celui du décret de 1901, est le plus abordable. Il est plus coûteux pour un investisseur d’opérer sur les bourses régionales. Enfin, la Coulisse se trouve dans un état intermédiaire en affichant en moyenne des tarifs légèrement plus élevés que le Parquet. Le graphique4.1représentant les frais liés à l’achat ou à la vente d’actions d’une valeur de 1200 francs montre l’inégalité en défaveur des bourses de province12. Acheter au comptant une action de 1200 francs revient à payer 1,2 franc de courtage au Parquet, 1,5 franc en Coulisse et à Bordeaux et 3 francs sur les autres places régionales. Pire, 11. Les CAC interdisent formellement aux agents de change d’accorder des remises à leurs clients, hormis celles prévues par leurs règlements internes, c’est-à-dire les remises faites aux banques, aux agents de change des autres places et autre « remisiers », sous peine de fortes amendes. En revanche, les coulissiers ont la possibilité d’accorder des remises à tous leurs clients jusqu’à la décision du Syndicat des banquiers en valeur à terme du 27 mars 1909. 12. La CAC de Lyon se plaint régulièrement de cette inégalité et la rend en partie responsable de la « migration

4.2. ÉLÉMENTS DE MICROSTRUCTURE DES BOURSES FRANÇAISES ET

ADMISSION À LA COTE AU TOURNANT DU XXE SIÈCLE

Figure 4.1 – Exemple de droits de courtages à acquitter pour l’achat d’actions, comparatif national

Sources : Voir table4.2.

Notes : on considère ici l’achat (ou la vente) au comptant de x actions valant 1200 francs. En abscisses, le nombre d’actions faisant partie de la transaction, x, est représenté. x varie entre 1 et 100, ce qui équivaut à une transaction comprise entre 1200 et 120.000 francs. En ordonnées figurent les frais de courtage supportés par l’investisseur. Nous supposons le cas le plus simple, à savoir celui où l’investisseur s’adresse directement à son intermédiaire financier (agent de change ou coulissier) et que celui-ci exécute l’ordre sur « sa » place financière.

cet écart croît avec la valeur de la transaction : acheter au comptant 50 de ces actions coûte 60 francs au Parquet, 75 francs en Coulisse et à Bordeaux et 150 francs ailleurs, soit quasiment le triple que sur le marché officiel (voir graphique4.1) ! Les émetteurs ont donc intérêt à s’introduire au Parquet et dans une moindre mesure, en Coulisse et à Bordeaux s’ils veulent faire bénéficier leurs investisseurs de coûts de transaction plus faibles, comme le prédit la littérature sur la microstructure des marchés financiers (Corwin & Harris 2001,Foucault & Parlour 2004).