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L’impôt sur les opérations de bourse versé par les agents de change

5.2 À la recherche de mesures de l’activité de la Bourse de Lyon

5.2.2 L’impôt sur les opérations de bourse versé par les agents de change

La seconde mesure que nous proposons pour évaluer l’évolution de l’activité à la Bourse de Lyon est l’IOB. Cet impôt, instauré en juin 1893, concerne toutes les opérations boursières et est proportionnel à la valeur des transactions. Il devient, à ce titre, un outil de suivi de l’activité des bourses pour les contemporains et des CACs en premier lieu6. Le taux de l’IOB est variable selon le type d’opération et le titre concernés. Après une forte diminution du taux sur les rentes françaises à la fin de 1895, le taux d’imposition pour les opérations sur les valeurs autres que la rente française double au début de 1908. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, un montant d’IOB versé équivalent avant et après la réforme signifie une augmentation de l’activité boursière entre 1896 et 1907 par rapport à la période précédente, l’inverse étant vrai pour la période 1908- 1913. Aucune information n’étant disponible sur la composition des volumes échangés, il est donc impossible de corriger les effets de ces modifications de taux. Le Bulletin de Statistique et

Législation Comparée, publié par le ministère des Finances, fournit, pour la période de juin 1893

à décembre 1907, les statistiques mensuelles de l’IOB collecté par le Trésor avec la ventilation suivante : « Paris - Agents de change », « Paris - Autres »7, « Province » et « France ». Après 5. Les auteurs remercient chaleureusement Patrick Verley pour avoir mis à leur disposition les données publiées dansVerley(1989,2007).

6. Par exemple, dans son rapport sur les comptes de l’exercice 1907 de la CAC de Lyon, M. de Villaine écrit : « Ces deux comptes [les marchés prélevés par la CAC et les paiements d’IOB] constituent en quelque sorte le baromètre de notre activité et les plus-values qu’ils présentent nous montrent que dans l’ensemble l’année 1907 a été favorable à la place de Lyon » (ADR, CAC Lyon, PV AG, 20 décembre 1907).

7. Cette catégorie regroupe toute une série d’intermédiaires financiers intervenant notamment en Coulisse ou encore sur le « Marché Libre », marché non réglementé se développant après l’organisation de la Coulisse en

5.2. À LA RECHERCHE DE MESURES DE L’ACTIVITÉ DE LA BOURSE DE LYON

Figure 5.3 – Synthèse, part de marché de Lyon (en %), 1875–1913

Sources : Pour les données de courtages, voir graphiques5.1et5.2; pour les données d’IOB, voir graphique5.4; pour la valeur des offices, voir le graphique5.6.

Notes : La part de marché de la Bourse de Lyon est calculée comme suit : Valeur de la variable à Lyon

CHAPITRE 5 : LUTTE POUR LA SURVIE

cette date, il ne publie que le montant agrégé pour la France. Le dépouillement des archives de la Bourse de Lyon a fourni des données très fines concernant le paiement de cet impôt, à savoir le montant versé par la Caisse syndicale pour l’ensemble des agents de change, après chaque liquidation, c’est-à-dire par quinzaine pour la période entre 1896 et 19138. L’ensemble de ces données, annualisées, sont représentées sur le graphique 5.4. Elles confirment, tout d’abord, l’inversion de la hiérarchie à Paris autour de la réforme de 1898 identifiée par Hautcœur et al. (2010) et la primauté de Lyon au sein des bourses régionales.

De manière à éliminer l’effet des changements du taux d’IOB et à mettre en évidence les dynamiques concurrentielles entre les différentes places financières, nous proposons un compa- ratif entre les deux marchés parisiens, le Parquet et la Coulisse, et les bourses de province en termes de part de marché (graphique 5.5). Ce graphique permet d’établir une hiérarchie des places financières françaises. Après la réforme de 1898, le Parquet compte pour environ 60% des opérations, suivi de la Coulisse avec environ 30%, les bourses régionales se partageant le reste de l’activité. Au sein de ce dernier groupe, si l’activité de la Bourse de Lyon est équivalente à toutes les autres bourses régionales, considérées globalement, entre 1896 et 1902, on constate une diminution de l’importance de Lyon à partir de 1903.

Le graphique5.3 (série « IOB ») représentant la part de marché de la Bourse de Lyon par rapport à la Bourse de Paris, calculée à parti des données d’IOB, confirme nos résultats de la sous-section précédente. Tout d’abord, en termes d’amplitude : entre 1896 et 1907, l’activité à Lyon représente entre 3 et 7% de l’activité cumulée avec Paris. Sur cette même période, le coefficient de corrélation entre la part de marché de Lyon obtenue à partir des courtages et celle estimée à partir de l’IOB est de 0,9. En outre, la part de la Bourse de Lyon suit une évolution similaire à celle obtenue à partir des courtages avec, en particulier, une diminution à la fin des années 1890 et une stagnation à partir de 1904. Le léger rebond de l’activité à Lyon entre 1899 et 1902 obtenu à partir de cette mesure est la seule différence notable, mais elle ne porte que sur 1,1 point de pourcentage, la part de marché lyonnaise passant de 3,6 à 4,7%. Ces différences peuvent s’expliquer par le fait que le périmètre de ces deux métriques n’est pas exactement équivalent, notamment en ce qui concerne les opérations dénouées sur une autre place. Par exemple, si un client envoie un ordre à un agent de change lyonnais et que ce dernier l’exécute à Paris, alors l’IOB sera payé entièrement à Paris (directement par l’opérateur parisien, qu’il soit agent de change ou coulissier) et le courtage sera partagé entre Paris et Lyon, l’agent lyonnais en recevant une partie sous forme de « remise ».

1899 (Dupont 1913). Ce marché, très mal documenté dans l’historiographie, ne semble pas jouer de véritable rôle économique et constitue le segment hors cote de la Coulisse, sur lequel les transactions, restreintes et spéculatives, portent sur des titres non admis à la cote de cette dernière (Guilmard 1912). De manière à fournir une vision d’ensemble simple, nous regroupons ces deux marchés sous l’appellation « Coulisse ». Il est enfin possible que des intermédiaires financiers aient conclu des opérations ponctuelles en dehors de ces marchés mais le poids de ces opérations est tout à fait marginal.

5.2. À LA RECHERCHE DE MESURES DE L’ACTIVITÉ DE LA BOURSE DE LYON

Figure 5.4 – Impôt sur les opérations de bourse, comparatif national, 1895–1907

Sources : Bulletin de Statistique et de Législation Comparée (1895–1908) pour les séries « Paris_Bourse », « Pa- ris_Coulisse », « Province_total » et « France_total ». La série « Lyon_Bourse » provient des inventaires établis par la Chambre syndicale de Lyon (ADR, CAC Lyon, Inventaires, 161 J 27 à 43, 1896–1913).

Notes : Les montants sont exprimés en milliers de francs courants. Les séries « Paris_Bourse » et « Lyon_Bourse » désignent l’IOB versé respectivement par la CAC de Paris et la CAC de Lyon. « Paris_Coulisse » donne l’IOB payé par les coulissiers, tandis que « Province_total » et « France_total » renvoient aux montants d’IOB collectés respectivement en dehors de Paris et au niveau national. Les deux barres verticales représentent l’entrée en vigueur, respectivement en 1896 et 1908, d’un nouveau taux d’IOB. Fin 1895, le taux d’imposition sur les opérations de rente française est divisé par quatre, tandis que fin 1907, le taux d’IOB pour les opérations au comptant et à terme de titres hors rente française est multiplié par deux. Ces changements affectent le niveau d’IOB versé par chaque entité, mais, à composition des échanges égales, les impactent dans les mêmes proportions. Les données pour la Bourse de Lyon sont reportées sur les deux axes de manière à pouvoir, d’une part, les situer par rapport aux autres places (axe de gauche), et, d’autre part, suivre précisément son évolution (axe de droite).

CHAPITRE 5 : LUTTE POUR LA SURVIE

Figure 5.5 – Impôt sur les opérations de bourse, comparatif national (part en %), 1895–1907

Sources : Voir graphique5.4.

Notes : Les parts sont calculées en proportion du montant total d’IOB versé en France au cours d’une année donnée (série « France total », graphique 5.4). Pour le détail des séries, voir le graphique 5.4. La seule série nouvelle est « Province sans Lyon » et est calculée comme l’IOB versé en dehors de Paris moins l’IOB payé par la CAC de Lyon.

5.2. À LA RECHERCHE DE MESURES DE L’ACTIVITÉ DE LA BOURSE DE LYON