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2.2 La condamnation de l’agiotage dans la France du début du XIX e siècle

2.2.2 La critique de l’agiotage chez les économistes classiques

Pour comprendre cette dénonciation portant uniquement sur un certain type d’opérations financières, il est utile de se pencher sur les écrits des économistes contemporains. Ces derniers tendent notamment à distinguer deux motifs d’entreprendre une opération financière : la spé- culation et l’agiotage. La spéculation, en tant que telle, est le propre des opérations menées dans le but de réaliser un bénéfice. Cette pratique est en soi considérée comme normale au sein du marché. En revanche, le terme d’agiotage renvoie à une « spéculation excessive » (Courtois & Vidal 1902, p. 191), dans la mesure où les opérations de ce type se concluent par simple règlement des différences, sans livraison des titres. Cette distinction entre spéculation et agio- tage est omniprésente au cours de cette période, que ce soit dans l’opinion publique ou chez les économistes contemporains les plus célèbres.

Le cas de Jean-Baptiste Say est emblématique de cette pensée. Il dénonce en effet régulière- ment dans ses écrits « l’improductivité » des activités financières. Il précise sa pensée dans le chapitre du Cours complet d’économie politique pratique qu’il consacre à la question de l’agiotage (Say 1829). Il reconnaît, tout d’abord, les bienfaits d’un système financier et de placements de fonds publics et admet la spéculation, c’est-à-dire l’achat de titres « pour les revendre lorsque leur prix [est] plus élevé », comme une activité des « plus légitimes » (p. 168). Toutefois, il critique violemment l’agiotage, défini comme « un pari que tel effet négociable sera monté, ou descendu, à tel prix, à une époque déterminée » (p. 168). Say désigne par là des opérations à terme, se soldant par règlements des différences et non par transfert de titres, ce qui prouve, selon Say, qu’il ne s’agit en réalité que « d’un pari déguisé » entre deux joueurs (p. 169). De ce point de vue, les opérations à prime, ancêtres des options d’achat telles que nous les connaissons aujourd’hui, constituent la pire espèce de l’agiotage. Après avoir caractérisé l’agiotage comme un jeu, Say détaille les conséquences pour la nation. Tout d’abord, l’attractivité de ces loteries entraîne des ruines de grande ampleur. En outre, l’agiotage s’exerce au détriment des activités productives : « tous ces jeux qui entraînent beaucoup de malheurs et dont l’industrie et la pro- duction ne profitent jamais, pourraient, je crois, être supprimés, si le gouvernement le voulait » (p. 177). Say préconise, d’ailleurs, l’interdiction pure et simple de l’agiotage :

« Les joueurs ne sont ni des emprunteurs, ni des prêteurs véritables ; le seul em- prunteur réel est le gouvernement qui reçoit un principal et qui promet une rente ; et le seul prêteur réel est celui qui ayant accumulé un capital, achète et garde son ins-

6. Mirabeau(1787, p. 16) explique ainsi : « Il [l’agiotage] s’agit d’un mal imminent, et d’une ressource instante ; il s’agit du salut et de l’honneur du royaume... oui, DU ROYAUME. Les fureurs de l’agiotage sont telles qu’on ne saurait les considérer comme un accident particulier de la capitale ; elles font la calamité de la France entière ».

2.2. LA CONDAMNATION DE L’AGIOTAGE DANS LA FRANCE DU DÉBUT

DU XIXE SIÈCLE

cription. Il semblerait, en conséquence, que le gouvernement devrait rester indifférent à l’agiotage, ou plutôt s’efforcer de le réprimer » (p. 172).

Selon Say, si l’agiotage est toujours toléré, c’est que le gouvernement préfère disposer d’un marché régulièrement ouvert pour pouvoir placer ses emprunts et que ceux-ci soient facilement négociés.

2.2.3 La « spéculation réelle » et la « spéculation à vide » des saint-simoniens

Il est légitime de se demander à ce stade de l’analyse si la position des économistes classique, présentée ci-dessus à partir de l’apport de Jean-Baptiste Say, est représentative de l’état de l’opinion dans la société française au début du XIXe siècle ? Nous le pensons effectivement,

car, d’une part, les ouvrages publiés entendant « défendre l’agiotage » en insistant sur le rôle bénéfique de la spéculation, ne paraissent que dans la seconde moitié du siècle8. D’autre part, nous retrouvons une critique assez similaire chez les penseurs saint-simoniens. Nous la présentons brièvement ci-dessous.

De nombreux articles et commentaires portant sur le rôle de la Bourse et la dénonciation de l’agiotage ont paru dans Le Producteur, hebdomadaire fondé par Prosper Enfantin et par Olinde Rodrigues en juin 1825, soit moins d’un mois après la mort de Saint-Simon, et dans lequel « les principaux points de la doctrine [saint-simonienne] seraient sommairement exposés sous la forme scientifique ». Dans un article de 1825, Enfantin (1825) développe une idée proche de celle de Jean-Baptiste Say, en des termes toutefois différents. Fidèle à la doctrine de Saint-Simon, il commence par souligner le rôle du crédit et des établissements bancaires dans l’accumulation du capital, indispensable à l’industrialisation et au progrès social. Dans cette perspective, Enfantin défend la « spéculation réelle », dont les « heureux effets » sont de lisser les mouvements de prix, notamment industriels, dans le temps et d’agir en faveur de l’équilibre économique. En revanche, il se révèle extrêmement critique envers la « spéculation à vide » :

« Quant au jeu, à l’agiotage proprement dit, c’est-à-dire quant à la spéculation à vide, c’est tout autre chose. On veut sans argent et sans crédit obtenir les bénéfices que le spéculateur réel retire en engageant son argent ou son crédit ; ou bien, cédant aux mêmes séductions, un spéculateur réel veut outrepasser la mesure de ses capi- taux ou de son crédit ; en un mot on veut gagner sans produire, et gagner vite, en aventurant ce que l’on n’a pas » (p. 332).

Pour Enfantin, il faut empêcher par tous les moyens possibles le développement du jeu afin de ne pas tuer « l’esprit de travail », qui, seul permet à l’industrie de grandir. Nous verrons dans la partie2.4que l’argumentaire de la Chambre de commerce de Lyon pour repousser l’instauration d’un parquet à la Bourse de Lyon est proche de celui développé ici.

8. L’un des premiers ouvrages est l’œuvre d’A. Courtois et s’intitule d’ailleurs Défense de l’agiotage (Courtois 1864), tandis que la plus belle défense est sans doute celle deLeroy-Beaulieu(1897).

CHAPITRE 2 : L’INSTITUTIONNALISATION DES BOURSES RÉGIONALES

2.3

L’enfance des bourses régionales, 1801–1840

2.3.1 L’héritage révolutionnaire et le rétablissement des bourses et des offices

d’agents de change

La Révolution française libéralise le commerce et supprime les offices. Ceux d’agents de change disparaissent suite à l’application de l’article 2 de la loi du 17 mars 1791. L’activité de courtier et donc d’agent de change devient libre et est désormais ouverte à tout négociant muni d’une patente.

L’expérience libérale est pourtant de courte durée. Désirant lutter contre l’agiotage et pouvoir surveiller l’évolution des cours boursiers, notamment de la rente française et de l’action de la Banque de France, considérées comme un baromètre de la confiance dans le gouvernement, Napoléon Bonaparte, Premier Consul, décide de réglementer la profession d’agent de change (Gontard 2000, p. 23–26). La loi du 28 ventôse an IX (19 mars 1801) rétablit en effet les bourses de commerce et confie au gouvernement la nomination des agents de change et courtiers de commerce, dont le nombre est désormais limité par un numerus clausus (article 6). Les agents de change ne peuvent effectuer des transactions pour leur propre compte, sont responsables sur leur fortune personnelle des opérations qu’ils traitent et sont, en outre, tenus de verser une garantie au Trésor sous la forme d’un cautionnement (article 9). Comme exprimé dans les motifs de la loi, il est en effet nécessaire que « ces intermédiaires, qui sont les agents de change et courtiers, offrent, par leur moralité, leurs connaissances, et même par l’engagement d’une partie de leurs propriétés, une garantie à l’administration publique comme à l’intérêt particulier ».

Une Bourse de commerce est, à nouveau, établie à Lyon par l’arrêté du 12 prairial an IX (1er juin 1801). Elle se situe alors au palais Saint-Pierre et est animée par cinquante agents de change-courtiers, nommés par le gouvernement. Il s’agit en somme de l’acte de naissance de la CAC de Lyon. Une spécificité du cas lyonnais est que les opérateurs exercent cumulativement les fonctions de change et de courtage de marchandises (article 3), alors que les différentes fonctions de change et de courtage sont séparées dans les autres places, dès le rétablissement des Bourses de commerce. L’article 4 de ce même arrêté fixe à 20 000 francs le montant du cautionnement que doivent verser les agents de change-courtiers au Trésor (article 4). Il s’agit de la garantie la plus élevée exigée à un agent de change de province, signe que l’on anticipe une plus grande activité à Lyon.

Des Bourses de commerce sont également établies à Bordeaux et Marseille, respectivement par les arrêtés du 7 messidor an IX (26 juin 1801) et du 13 messidor an IX (2 juillet 1801), conformément aux dispositions de la loi du 28 ventôse an IX. À Bordeaux, les agents de change, au nombre de vingt, strictement séparés des soixante-dix autres courtiers, sont nommés par l’arrêté du 26 fructidor an IX (13 septembre 1801) et doivent verser un cautionnement de 12 000 francs. À Marseille, ils sont également vingt, contre cinquante courtiers en marchandises, et leur cautionnement s’élève à 15 000 francs.

Rapidement, des premières réglementations voient le jour, localement, pour encadrer les négociations qui ne portent alors, en province, que sur des lettres de change et des effets de

2.3. L’ENFANCE DES BOURSES RÉGIONALES, 1801–1840

commerce. Par exemple, la délibération du Tribunal de commerce du 11 thermidor an IX (31 juillet 1801) fixe un tarif de courtages pour la place lyonnaise et l’ordonnance de police du 26 thermidor an IX (14 août 1801) définit les premières règles pour la tenue de la séance de bourse : elle a lieu tous les jours non fériés, de 13h à 15h, pour toutes les opérations de commerce. Toutefois, au cours de ces années, les règles mises en place ne sont pas toujours appliquées et les habitudes longues à se modifier. À propos des horaires de bourse, Genevet (1890, p. 131) note que « la corporation en prolongeait la durée au gré des intérêts de ses membres ». De même, alors que l’arrêté du 12 prairial an IX (1erjuin 1801) crée cinquante charges d’agents-courtiers, la Compagnie lyonnaise fait confectionner un large tableau indiquant le nom de quarante agents seulement, numerus clausus en vigueur à Lyon avant la Révolution (Genevet 1890, p. 129–131). Enfin, l’esprit corporatiste n’est à cette époque pas développé. Il faut en effet attendre le 2 mars 1809 pour que, pour la première fois, le règlement lyonnais mentionne l’existence d’une caisse commune alimentée par les droits d’entrée payés par chaque nouvel agent et éventuellement complétée par des versements annuels.

La nomination officielle des agents de change de province a lieu quelques années après leur institution. Par exemple, à Lyon, les trente premiers agents de change sont nommés par les arrêté du 1er floréal an XI (2 septembre 1803) et du 30 floréal an XI (16 septembre 1803). Une nouvelle fois, il n’est pas fait complètement table rase du passé. En effet, au cours du processus de nomination des agents, le gouvernement donne « la préférence aux anciens titulaires des offices supprimés » (Dard 1838, p. 321).

2.3.2 La difficile émancipation des agents de change vis-à-vis des autres cour-

tiers

Le rétablissement des bourses et des offices ne marquent toutefois pas le retour à une situa- tion pérenne pour les agents de change de province. À l’instar de leurs confrères parisiens, ils souffrent, en effet, du « marronnage », c’est-à-dire de la concurrence illégale d’autres courtiers, non nommés officiellement, sur leurs activités propres. Les « courtiers marrons », comme ils sont désignés, exercent la même activité que les agents de change, mais ne sont pas soumis à un tarif de courtages particulier et n’ont pas à déposer de cautionnement auprès du Trésor. Ils peuvent ainsi pratiquer des tarifs inférieurs aux agents de change, mais offrent des garanties moindres. Régulièrement, à Lyon, ces derniers s’adressent au ministre de la Justice dans le but de faire cesser ces pratiques et menacent même de ne plus effectuer les versements pour le cau- tionnement9. Les réponses reçues déçoivent les agents de change : elles sont évasives et tout au plus non contraignantes. Par exemple, dans une lettre du 14 fructidor an XI (31 août 1803), le commissaire général de police de Lyon se contente de leur indiquer que c’est à eux de dénoncer les pratiques de ces courtiers clandestins. Dans une délibération du 6èmejour complémentaire de

l’an XI (23 septembre 1803), la Compagnie des agents de change-courtiers identifie pas moins de 18 courtiers marrons pour les opérations de banque et 24 pour les opérations sur la soie, mais

9. La première pièce citée par Genevet (1890) est une lettre adressée au ministre de la Justice et datée de thermidor an XI (juillet 1803).

CHAPITRE 2 : L’INSTITUTIONNALISATION DES BOURSES RÉGIONALES

cette dénonciation ne semble pas être suivie d’effet. Premier pas timide, le 3 frimaire an XII (23 novembre 1803), le commissaire général de police procède à l’expulsion d’un courtier marron qui opérait directement au sein du palais Saint-Pierre et lui en interdit dorénavant l’accès : les agents de change sont concurrencés jusque dans leur antre10! Quelques années plus tard, le 27 mars 1810, 14 courtiers sont reconnus coupables de marronnage et condamnés par le Tribunal correctionnel de Lyon à une amende de 2000 francs. Cette peine, jugée dérisoire par la CAC de Lyon face aux gains générés par l’activité de courtage clandestin et du non-paiement du cautionnement, n’éteint pas les complaintes lyonnaises. Dans une lettre du 12 mai 1810 adressée au ministre de la Justice, le Syndic de la Compagnie lyonnaise dénonce en effet la concurrence déloyale des courtiers marrons qui pratiquent toujours des tarifs avantageux par rapport aux agents de change. Dans cette même lettre, il tente d’accroître la pression sur le pouvoir exécu- tif, en suggérant que les courtiers officiels sont parfois tentés de faire affaire avec ces courtiers clandestins, ce qui est susceptible de ruiner la confiance dont sont supposés jouir les officiers ministériels. Devant l’absence de support gouvernemental, la Compagnie adopte finalement une solution « interne » pour limiter le marronnage : le maire de Lyon nomme, en effet, le 21 no- vembre 1822, un commissaire de police dédié à la surveillance de la bourse et à la répression du marronnage.

À Bordeaux et à Marseille, les agents de change, font face au même type de difficultés, mais dans des proportions encore plus importantes. La loi y crée, en effet, une situation où le monopole des agents de change peut être contourné en toute légalité. Sur ces deux places, il est permis « aux négociants, banquiers, marchands et autres qui sont dans l’usage d’aller à la Bourse, de négocier entre eux les lettres de change, billets au porteur et billets à ordre, sans l’entremise des agents de change »11. Contrairement à ce que l’on constate à Lyon, les agents marseillais ne sollicitent guère les pouvoirs publics pour interdire le marronnage. Certes, leurs plaintes auraient peu de chances d’aboutir étant donné l’article de loi cité ci-dessus, mais surtout, selon Gontard (1985, p. 18), cela s’explique en partie par le fait que les officiers ministériels pratiquaient des opérations irrégulières : « pour soutenir la concurrence des clandestins, ils [les agents de change] prenaient des responsabilités dans les transactions, tenaient une caisse ; bien plus, ils n’hésitaient pas à prêter leur concours à leurs confrères en leur signant des comptes de retour ».

Qu’il soit peu réprimé comme à Lyon, ou simplement autorisé, comme à Bordeaux et Mar- seille, le marronnage retarde la formation des agents de change comme un groupe autonome. D’une part, les agents déjà installés ne souhaitent plus effectuer les versements de leur caution- nement, car pourquoi verseraient-ils des montants de plusieurs milliers de francs pour pouvoir entreprendre une activité que de simples négociants soumis à la patente exercent ? D’autre part, la concurrence des courtiers marrons aboutit à une crise des vocations pour la fonction d’agent 10. L’article 1er de l’arrêté du 27 prairial an X (16 juin 1802) dispose que « les Bourses de commerce seront ouvertes à tous les citoyens, et même aux étrangers ». Ainsi, seuls les femmes, les mineurs, les faillis et les condamnés pour fraude sont interdits d’accès à la bourse.

11. Article 9 de l’ordonnance de police du 5 fructidor an IX (23 août 1801) règlementant la Bourse de Bordeaux (cité parBlondel(1997, p. 245)). L’article 8 du règlement de police de la Bourse de Marseille du 13 vendémiaire an X (5 octobre 1801) en est très proche : il est « permis à tous les marchands, négociants et banquiers de négocier entre eux les lettres de change, billets au porteur ou à ordre, sans l’entremise des agents de change » (cité par

2.3. L’ENFANCE DES BOURSES RÉGIONALES, 1801–1840

de change : durant de longues années, de nombreux offices sont vacants. Par exemple, à Marseille, seules 13 candidatures sont reçues pour les vingt offices prévus par l’arrêté du 13 messidor an IX (2 juillet 1801), alors que l’on estime à quarante-cinq le nombre de courtiers exerçant alors dans la ville (Gontard 1985, p. 15). Dès la promulgation du règlement de police (voir note 11), cinq candidats à un office d’agent de change retirent leurs candidatures pour redevenir de simples courtiers munis d’une patente. Les autres candidats décident de ne plus effectuer les versements de leur cautionnement. Rappelés à l’ordre par le préfet qui exige, avec l’arrêté du 22 germinal an XI (12 avril 1803), un versement d’ici le 30 floréal (20 mai 1803), cinq agents décident de ne pas effectuer les versements et sont donc considérés comme démissionnaires : seuls deux agents de change sont finalement officiellement nommés à Marseille !

La loi du 28 avril 1816, complétée par l’ordonnance du 3 juillet suivant, présente une avancée majeure pour les agents de change. En effet, selon l’article 91 de cette loi, ces derniers peuvent désormais présenter des successeurs. Il s’agit, certes, d’une concession accordée en contrepartie de l’augmentation des cautionnements décidée suite à Waterloo et au traité de Paris du 20 novembre 1815 fixant les indemnités à régler par la France (Gontard 2000, p. 142). Mais, dès lors, devenir agent de change ne relève plus d’une décision individuelle et fait désormais partie intégrante de véritables stratégies familiales. Le droit de propriété de la charge est ainsi reconnu à l’agent de change : elle constitue dès lors un patrimoine que l’agent peut transmettre à ses descendants. Pourtant, la loi de 1816 est loin de régler le problème des charges vacantes au sein des bourses régionales. Seul le développement des affaires sur la rente françaises dans les années 1830 et sur les valeurs mobilières dans les années 1840 pousse de nouveaux candidats vers la profession d’agent de change.

À Lyon, uniquement, la formation du corps des agents de change passe également par l’éman- cipation des agents de change vis-à-vis des autres courtiers, officiellement nommés, en particulier ceux spécialisés dans le commerce de la soie. En effet, l’arrêté du 12 prairial an IX (1er juin 1801), établissant une Bourse de commerce à Lyon, dispose dans son article 3 que « les fonctions d’agent de change et de courtiers seront cumulativement exercées par les mêmes individus », alors qu’à Bordeaux et Marseille, la profession d’agent de change est séparée de celle de courtier en marchandises. Si l’arrêté consulaire du 1er floréal an XI (20 avril 1803) prévoit finalement une division entre les agents de change, les courtiers pour la soie et les courtiers pour les autres marchandises et un numerus clausus pour chaque fonction avec respectivement trente agents de change, vingt courtiers pour la soie et dix autres courtiers, la frontière entre le groupe des agents de change et celui des courtiers pour la soie demeure discutée12. Ainsi, les deux groupes s’organisent, dans un premier temps, à partir du 14 frimaire an XI (4 décembre 1803), en un syndicat commun. Jugeant que les agents de change exercent un pouvoir trop élevé au sein du syndicat commun et « que les opérations des agents de change et celles des courtiers pour la soie ne peuvent être régies de la même manière »13, les courtiers en soie décident, en 1812, de rompre avec les agents de change et de former leur propre organisation. Toutefois, pendant de