• Aucun résultat trouvé

5.2 À la recherche de mesures de l’activité de la Bourse de Lyon

5.2.1 Les courtages perçus par les agents de change

Comme nous l’avons signalé, les agents de change sont de purs intermédiaires rémunérés par une commission, appelée courtage. L’agent de change n’est pas libre de fixer lui-même le courtage : le ministère des Finances fixe un tarif maximum de courtage, sur lequel se fondent les Chambres syndicales pour établir un tarif minimum et éviter que les agents de change ne se concurrencent sur cet aspect.

Le graphique5.1représente les commissions perçues annuellement par les agents de change de Lyon entre 1875 et 1913. Cette série a été reconstituée à partir des données de « marchés », pourcentage que la Caisse syndicale prélève sur les affaires des agents en vue de financer les investissements collectifs, de régler les frais de fonctionnement de la bourse et, éventuellement, de constituer un fonds de réserve. Le pourcentage prélevé varie à de rares occasions selon les besoins de la CAC et les tendances du marché : il est de 10% des courtages entre 1869 et juillet 1874, puis de 5% jusqu’au krach de janvier 1882. Ensuite, un prélèvement supplémentaire de 30%, soit 35% au total, est effectué pour solder les dettes des agents de change défaillants, et ce jusqu’en 19043. La série de « marchés » constitue l’une des variables utilisées par la CAC elle-même pour apprécier l’évolution de l’activité sur la place et est donc systématiquement citée et commentée au cours des Assemblées générales de fin d’année4. Il est, dès lors, possible de calculer le total des commissions reçues par les agents de change. Formellement :

Marchés = x × Courtages ⇔ Courtages = Marchés/x

où x est le taux en pourcentage des « marchés ».

Le formidable développement des échanges à partir de 1879 apparaît clairement dans nos données (graphique5.1). Les commissions annuelles, avoisinant les 4 millions de francs dans les années 1870, s’élèvent ensuite à plus de 5 millions avant d’atteindre près de 15 millions de francs en 1881, soit une multiplication par trois de l’activité en l’espace de quelques mois seulement ! La chute de l’activité est encore plus spéculaire que la hausse : les volumes échangés, tels que mesurés par ce proxy, sont divisés par douze ! Si le niveau des transactions en 1881 est tout à fait exceptionnel, il n’en demeure pas moins que la Bourse de Lyon ne parvient pas à retrouver au cours des 30 années suivant le krach, une activité équivalente, en valeur nominale, à celle du milieu des années 1870.

Les données relatives aux commissions de la Bourse de Paris ont été relevées à partir des vérifications semestrielles de la comptabilité des charges effectuées par la Chambre syndicale de Paris. Cette pratique, inconnue à Lyon, vise à évaluer la solvabilité de chaque agent de change. La Chambre syndicale reporte chaque semestre les principales données comptables de chaque 3. ADR, CAC Lyon, Procès-verbal de l’Assemblée générale (PV AG), 20 mai 1870, 30 décembre 1874, 13 mai 1882 et 22 avril 1904.

4. Dès 1861, M. Bonnardel, l’agent de change rapporteur de la commission de vérification des comptes de la Chambre syndicale, parle du chiffre des marchés comme « le thermomètre des affaires » (ADR, CAC Lyon, PV AG, 28 décembre 1861).

5.2. À LA RECHERCHE DE MESURES DE L’ACTIVITÉ DE LA BOURSE DE LYON

Figure 5.1 – Commissions reçues par les agents de change de Lyon, 1875–1913

Sources : ADR, CAC Lyon, PV AG et PV Chambre syndicale (CS), 1875–1913 et calculs des auteurs. Notes : Les montants sont exprimés en millions de francs courants.

Figure 5.2 – Commissions reçues par les agents de change de Paris, 1875–1913

Sources : Calculs des auteurs à partir des données issues deVerley(1989,2007). Notes : Les montants sont exprimés en millions de francs courants.

CHAPITRE 5 : LUTTE POUR LA SURVIE

charge sur des feuilles standardisées qui sont ensuite conservées dans le dossier personnel de l’agent de change auprès de la Chambre syndicale. Sur la période qui nous intéresse le nombre de vérifications conservées aux Centre des Archives Économiques et Financières varie entre 1 et 58 par semestre avec une moyenne et un écart-type respectivement de 48 et 11,67. Nous avons ainsi calculé la moyenne des commissions sur les feuilles conservées par semestre et ensuite nous l’avons multipliée par le nombre d’agents : 60 jusqu’en 1898, 70 par la suite afin d’obtenir les commissions totales reçues par les agents de change de Paris (graphique5.2)5. Cela nous permet de construire la part de marché de Lyon par rapport à Paris (graphique5.3, série « Courtages »). Les conclusions sont immédiates : en période « normale », au milieu de la décennie 1870, l’activité de la Bourse de Lyon représente entre 8 et 10% de celle de sa consœur parisienne. Pendant l’euphorie de 1881, sur 100 francs échangés au total en bourse, 15 le sont à Lyon, ce qui témoigne d’un développement des affaires plus rapide à Lyon qu’à Paris. Autrement dit, l’activité au cours des années 1880 et 1881 augmente deux fois plus rapidement à la Bourse de Lyon relativement à Paris qui connaît pourtant également un boom. Après la débâcle de 1882, plusieurs phases semblent se succéder : tout d’abord, une augmentation progressive de la part de marché de Lyon entre 1882 et le début de la décennie 1890, une stagnation de quatre années, puis une diminution à partir de 1895, suivie d’une nouvelle stagnation au début du XXe siècle. Selon nos calculs, à la veille de la Première Guerre mondiale, les transactions à la Bourse de Lyon ne comptent plus que pour 2,5% de l’activité sur les marchés officiels de Paris et Lyon.