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Tableau 27 – Situation matrimoniale selon le statut de décohabitation, en pourcentage

Décohabitation Situation matrimoniale

Célibataire En couple Ensemble

Décohabitant.e.s 20,8 41,2 29,3

Non-décohabitant.e.s 79,2 58,8 58,8

Total 100,0 100,0 100,0 (N=41)

Ainsi, bien qu’il n’y ait que 29,3% de ces jeunes en attente qui ait décohabité, on constate une différence significative entre les célibataires et les personnes en couple, qui sont deux fois plus nombreuses à avoir pu franchir ce palier. Il est intéressant de voir que le nombre de décohabitations est identique chez les étudiant.es malgré un taux de personnes en couple sensiblement inférieur. La décohabitation semble plus légitime dans le cadre des études, phase par laquelle nos jeunes en attente

111 ne sont pas ou peu passé.es. Pour les jeunes en attente, c’est bien la mise en couple qui va jouer le moteur du départ du domicile parental. Il est intéressant de voir que, cet âge de la vie que nous avons identifié plus haut, pousse ces jeunes à s’investir dans la sphère privée plus massivement.

Cependant, à l’instar des personnels de métier, la situation précaire ne les incite pas à avoir des enfants. En effet, il n’y a que 4,8% de parents dans cette catégorie.

La catégorie des jeunes en attente est confrontée à un âge de la vie qui les pousse à faire des choix nouveaux pour elles et eux. Plutôt peu diplômé.es, ces jeunes font face à la dévaluation de leur diplôme dans un contexte de massification scolaire. Bien que critiquée par des chercheurs comme Eric Maurin, nous postulons que le fait pour beaucoup d’entre eux de ne posséder peu ou pas de qualifications est un handicap plus lourd qu’avant à porter. L’animation périscolaire permet à ces jeunes de valoriser davantage leurs expériences que leurs qualifications scolaires. De plus, dans un contexte de stigmatisation de l’inactivité, avec l’animation périscolaire ils et elles peuvent échapper au statut de « jeunes indolents » qui refusent de travailler. Nous pensons que l’activité que nous observons permet à ces jeunes d’accéder à un statut : celui d’une jeunesse laborieuse. Les jeunes en attente sont moins socialisés à l’animation, qui plus est professionnelle. En revanche, nous l’avons vu avec Sabrina, il semblerait que pour certains d’entre elles et eux la « conversion » soit en cours, pour peut-être bifurquer vers une carrière dans l’animation ? Enfin, on peut observer que ces jeunes en attente ont tendance à davantage s’investir dans leur vie privée. Ce comportement est notamment flagrant mis en relation avec le groupe des étudiant.es. Nous l’avons vu, la mise en couple semble être une condition pour ces jeunes afin de décohabité. Tout se passe comme si avant pour une certaine jeunesse la décohabitation était légitime soit lorsque l’on est en étude soit lorsque l’on est en couple, ce qui pourrait pousser ces jeunes en attente à davantage s’investir dans cette sphère de leur vie.

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IV. Les femmes (in)actives entre reprise d’activité et parcours

de précarité ?

Le troisième groupe sur lequel nous nous penchons est celui des femmes (in)actives. Il est constitué, comme le précédent, d’enquêtées ayant commencé l’animation récemment, mais ayant plus de 25 ans. Avec cette catégorie, nous cherchons à comprendre ce que travailler dans l’animation veut dire à 30, 40 ou 50 ans. En effet, symboliquement c’est un secteur considéré pour les jeunes. Dans ce cadre, nous devons nous demander quelle place prend cet emploi dans l’itinéraire de ces femmes (in)actives. Nous faisons le choix de féminiser ce groupe dans la mesure où il est composé de plus de 83,8% de femmes. De plus, c’est une catégorie qui se trouve, dans son parcours, dans une alternance d’activité et d’inactivité. Nous nous appuierons sur l’entretien de Lynda, 57 ans, qui travaille dans deux écoles des 8e et 9e arrondissements depuis avril 2017 afin d’étayer notre propos.

A. Le groupe le plus « populaire »

La première chose que nous pouvons noter sur ce groupe, c’est la prégnance de son origine sociale. En effet, deux tiers des femmes (in)actives sont issues des classes populaires. Mais ce qui est remarquable, c’est que l’on trouve un taux de 56,5% de filles d’ouvrièr.es parmi elles. Pour rappel, ce chiffre est 2,5 fois supérieur à la moyenne nationale. En effet, selon l’INSEE en 2014 il n’y avait que 22,1% d’ouvrier.es en France49. On retrouve ensuite un faible taux d’enfants d’employé.es ou d’autres

PCS.

De plus, nous pouvons remarquer que leurs parents sont également peu diplômés. Lorsque l’on se penche sur le plus haut diplôme des deux parents, 73,3% d’entre eux ont un niveau CAP/BEP ou aucun diplôme, soit 15 points de plus que la moyenne de notre échantillon. On peut supposer que c’est une catégorie d’enfants de travailleur.ses peu qualifié.es qui ont réussi à s’employer dans l’industrie. Lorsque l’on s’intéresse aux diplômes obtenus par ces femmes (in)actives on s’aperçoit que pour 66,7% d’entre elles, celui-ci est soit équivalent soit inférieur à celui de leurs parents. Ainsi, on retrouve parmi elles, 54,1% de personnes ayant un niveau V ou moins, et 32,4% ayant un niveau baccalauréat. On a donc à faire à une catégorie d’itinéraires de personnes qui n’ont pas ou peu connu d’ascension sociale par la scolarité. On peut même supposer que ces femmes (in)actives entretiennent un rapport difficile avec l’institution scolaire. C’est le cas de Lynda, lorsque l’on évoque sa scolarité :

« L : L'école pff, exactement je me rappelle pas, j'ai fait la 6e et la 5e et au bout de, je n'ai pas du tout aimé, ça et au bout de la 5e je me suis dit qu'il valait mieux arrêter

113 A : Et c'est quoi qui te plaisait pas ?

L : J'aimais pas ça, non non je n'aimais pas ça pas du tout A : Et du coup tu es allée travailler assez vite ?

L : Ouais j'ai commencé assez vite, déjà quand j'ai fini j'ai été embauchée parce que bien sûr ma mère elle m'a dit « si tu arrêtes il y a pas de souci mais tu vas pas rester là à rien faire » et j'ai commencé à chercher. Ils cherchaient quelqu'un pour travailler dans une boulangerie à côté de là où j'habitais donc j'ai commencé à travailler dans la boulangerie »50

Lors de l’entretien, Lynda ne tient pas à s’épancher davantage sur sa scolarité. On peut voir que lorsqu’elle arrête l’école, ses parents ne la retiennent pas, mais la poussent à travailler. Comme pour les jeunes en attente, on perçoit le soupçon d’une jeunesse déscolarisée qui serait tentée par la paresse. Par ailleurs, ces femmes (in)actives ont connu une scolarité plutôt éloignée du monde du social, puisque pour 58,6% d’entre elles, elle a été faite dans le secteur du tertiaire (comptabilité, secrétariat …) contre 32,1% de la moyenne des enquêté.es. Au travers de cette donnée, on comprend que pour cette catégorie en particulier, l’animation ou le social, ne faisait pas partie des plans initiaux.

D’ailleurs, on peut supposer que ces plans ont été revus plusieurs fois dans leur parcours. Il est intéressant de voir que la catégorie des femmes (in)actives est celle qui a le plus vécu de formation professionnelle en dehors de l’animation. C’est le cas d’un tiers d’entre elles, soit 11 points de plus que la moyenne de l’échantillon. Lynda en a vécu trois en tout dans sa carrière. Peu de temps après sa sortie de l’école, elle est envoyée en formation de standardiste. Elle s’engage alors dans une voie qui lui plait vraiment :

« C'est vraiment, moi j'ai toujours aimé tout ce qui était téléphone en fait j'adore le standard plus il y a des appels, plus j’aime ça »51

Elle vivra ensuite deux autres formations professionnelles, bien plus récentes. Tout d’abord celle de CQP52 « Agent de sécurité évènementiel » en 2016 pour assurer la gestion des matchs de

football qui se déroulaient à Marseille pendant le championnat d’Europe de football. Puis en 2017, elle entre en CQP « Animateur périscolaire » proposé par son employeur actuel. On peut observer l’épaisseur symbolique pour Lynda de réussir dans ce type de formation :

50 Entretien de Lynda. 51 Idem.

52 Certificat de Qualification Professionnel. Cette certification n’est pas un diplôme, elle est délivrée par les branches d’activités elles-mêmes, et ne donne pas le droit à un niveau de qualification.

114 « J'ai été contente quand j'ai passé la pratique parce que j'ai eu deux personnes (les certificateurs) qui m'ont dit que vraiment ce que j'avais fait c'était bien c'est vrai que ça m'a fait plaisir (…), ils ont regardé mais même après la façon dont ils m'ont dit comment ça leur avait plu ça m'a touché quelque part (…) non mais c'est vrai que ça fait plaisir tu as pas l'impression que tu as fait quelque chose pour rien »53

On peut saisir l’importance pour Lynda de réussir, et de voir des personnes légitimes du champ confirmer que sa pratique est conforme avec celle qui est attendue. Finalement, tout se passe comme si Lynda vivait la reconnaissance de ses capacités dans cette formation, à 57 ans.

Il semblerait donc que ces femmes (in)actives sont issues des classes populaires peu qualifiées et ont elles-mêmes eu une scolarité plutôt difficile. C’est le cas de Lynda. L’animation ne semblait pas faire partie de leurs plans initiaux, d’ailleurs nous le verrons elles sont très peu à avoir passé le BAFA. Nonobstant, nous remarquons que c’est une catégorie de personnes ayant vécu plusieurs formations professionnelles dans leur carrière. C’est au travers de ce type de formations que Lynda a obtenu une forme de reconnaissance institutionnelle de ses compétences.

B. Des femmes aux foyers et des femmes précaires ?

Nous l’avons vu, l’école n’a pas duré longtemps dans le parcours de ces femmes (in)actives puisque deux tiers d’entre-elles ont arrêté avant 20 ans. Il convient alors de se pencher sur le parcours professionnel de ces femmes. La première chose qui est à noter, c’est que ces femmes (in)actives ont eu peu d’activité professionnelle avant l’animation périscolaire :

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