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Tableau 25 – Diplôme obtenu dans l’animation, en pourcentage

Diplôme de l’animation Jeunes en attente Personnels de métier Ensemble

BAFA/BAFD 53,1 83,3 61,7

Filière animation professionnelle 8,2 50,0 18,4

CQP/DUT/Autre 10,2 11,9 9,7

Aucun diplôme 32,7 4,8 26,7 (N=2016)

On ne retrouve qu’un jeune en attente sur deux diplômé.es d’un BAFA ou d’un BAFD, mais surtout on retrouve 6 fois plus de non-diplômé.es chez les jeunes en attente que chez les personnels de métier. Pour autant lorsqu’on les interroge sur leur niveau de formation, ces jeunes sont plus nombreux.ses à déclarer un niveau suffisant de formation.

107 En outre, il semblerait que l’on retrouve moins une socialisation familiale à l’animation et au monde associatif. Alors que 37,8% des parents de personnels de métier ont fréquenté des associations, seuls 20,2% de notre catégorie l’ont fait. Ils sont également deux fois moins nombreux.ses à avoir des parents ayant travaillé dans l’animation. On peut retrouver cet écart dans le parcours de Sabrina. Sa mère, avec qui elle vit, n’a ni fréquenté d’association ni travaillé dans l’animation, alors que Sabrina est devenue formatrice BAFA. Voilà ce qu’elle dit à ce propos :

« Ouais, surtout que ouais le truc de formatrice parce que elle (ma mère) se disait pas genre avec le BAFA elle aussi elle savait pas que après ouais elle s'est dit que c'est bien genre elle fait du bon boulot, elle était trop fière de moi »44

Alors que Marlène est également formatrice BAFA, cela lui a semblé être une étape « normale » dans son parcours dans l’animation.

Ce qu’il faut relever c’est que dans le parcours de Marlène et Sabrina on ne retrouve pas de moments de révélation comme dans ceux de Thomas et Laurence. Marlène nous explique qu’elle a fait des colonies de vacances toute son enfance grâce au comité d’entreprise de son père et que, devenir animatrice semblait être « une continuité ». Sabrina, même si elle a fréquenté des centres aérés, dit ne s’être jamais trop intéressée à la chose jusqu’au lycée où sa formation l’invite à aller faire des stages d’animation. Son lycée lui propose alors de passer le BAFA.

Nous allons le voir, la socialisation à l’animation arrive tardivement chez Sabrina, mais nous pouvons l’observer en train de se faire :

« On me disait ouais c'est le BAFA genre n'importe qui l’a et genre moi non je répondais comme si comme si j'allais passer un contrôle, parce qu'en fait ça me plaisait et à la fin ouais j'ai vu que j'étais bien dans ça il y a le directeur aussi qui m'avait prise et qui m'avait dit de donner mon mail et tout et que si je cherchais du travail une fois que j'aurai mon BAFA et qu'il me prendrait et après de là je me suis dit ouais s'il est venu me voir et tout c'est que j'étais bien »45

Le BAFA offre un espace de réussite à Sabrina alors que l’école « la saoule ». De plus, la reconnaissance institutionnelle apportée par le directeur de la formation s’intéressant à elle lui donne envie de poursuivre là-dedans, elle explique ensuite ce qui lui plait dans l’animation :

« Tandis que dans l'animation il y a des jeux, et même avec les jeux on apprend en fait genre parce qu'il y a des stratégies c'est-à-dire que ça nous pousse à réfléchir à faire des choses, à travailler en équipe mais différemment et c'est ça que j'accroche plus en fait plus quand je bouge que je parle

44 Entretien de Sabrina. 45 Idem.

108 bah c'est comme ça plus que je suis à l'aise que derrière un cahier tout ça (elle montre mon carnet posé sur la table ouvert), je suis moins à l'aise » 46

Sabrina accroche avec les pédagogies dites « actives » de l’animation qu’elle oppose rapidement avec celles du système scolaire ou on est « assis derrière un cahier ». A la fin de sa troisième partie du BAFA elle est cooptée dans l’association dans laquelle elle fait son service civique, ce qui valide institutionnellement sa réussite dans l’animation. Les moments de vie associative sont des apprentissages du « sens de la pratique » pour reprendre l’expression de Jérôme Camus :

« Ça a plus de sens pour moi (…) là je vois pourquoi on fait ça pourquoi il y a çi pourquoi il y a ça genre ça me plaît et je fais en fait non genre ça m'aide aussi à ne pas dérailler à ne pas me dire çi ça, parce que je sais pourquoi je suis là en fait et ouais ça me plaît bien après il y a les jeux j'en apprends à chaque fois ouais c'est intéressant »47

Le passage par l’animation et la formation BAFA transforme les valeurs éducatives de Sabrina ; lorsqu’elle raconte ses moments de baby-sitting avec sa petite sœur elle dit :

« Des fois, je fais avec elle et même pour parler des fois j'ai de la patience et tout genre, normalement on crie direct genre là non j'arrive »48

Ici, on voit toute l’efficacité de l’apprentissage du sens de la pratique. Alors que « normalement », que l’on pourrait traduire par « avant », Sabrina aurait fait respecter son autorité en haussant la voix, elle choisit désormais de parler et d’être patiente. On retrouve des normes du champ de l’animation et plus généralement de l’éducation populaire. Ces mouvements défendent une éducation alternative à l’école ; active. Plus généralement ils défendent une éducation et une communication « non-violente ». On peut supposer que les codes éducatifs de classes moyennes à fort capital culturel et de classes populaires se confrontent.

Si Sabrina ne raconte pas son parcours comme une révélation, on peut identifier assez clairement des étapes d’une socialisation tardive réussie au champ de l’animation. Cette socialisation est validée par le champ lui-même puisque Sabrina est devenue formatrice BAFA et est donc chargée de transmettre à son tour les valeurs, les normes et le sens de la pratique. On peut supposer que cette reconnaissance institutionnelle est ce qui fait douter Sabrina dans ses choix, puisqu’elle veut garder la porte de l’animation ouverte. Finalement, sa socialisation réussie pourrait lui permettre de faire carrière dans l’animation à l’image de Laurence et Thibaut.

46 Ibidem. 47 Ibidem. 48 Ibidem.

109 En outre, pour généraliser notre analyse, même si ces jeunes en attente ne sont pas très socialisé.es au champ de l’animation, il semblerait qu’ils et elles soient attiré.es par le secteur du social et des relations humaines. Marlène nous explique que ce qui l’intéresse le plus dans l’art c’est de « l’ouvrir aux autres, de transmettre » ce qu’elle a appris. Pour Sabrina, son projet est de devenir aide- soignante ou infirmière. On peut supposer que le fait de grandir dans une grande famille pousse à s’intéresser aux métiers de relations humaines. Ainsi on retrouve seulement 4,3% d’enfants uniques parmi les jeunes en attente alors qu’ils et elles sont 58,7% à être issus de familles de 4 enfants ou plus, contre 49,5% dans le reste de l’échantillon. Le rang de la fratrie semble jouer également dans la socialisation à prendre en charge les tâches de care. Même si nous n’avons pas cette variable dans notre questionnaire, plusieurs études en sociologie semblent confirmer cette idée (Court et al., 2016). Marlène et Sabrina ne sont pas les ainées de leur fratrie, néanmoins chacune de leur côté ont été conduites à effectuer des tâches de care auprès de membre de leur famille. Sabrina a 6 frères et sœurs, elle est la quatrième. Elle a grandi avec sa mère et ses trois petits frères et sœurs, dans la mesure où les plus grands avaient quitté le foyer. Elle confie qu’elle prend souvent en charge des tâches de garde d’enfant. Marlène quant à elle n’a qu’un grand frère qui est handicapé, donc « finalement « ouais j’ai un grand frère mais en fait c’est mon petit frère ». Elle a eu souvent à s’occuper de ce dernier, d’autant qu’elle est proche de lui en termes d’âge. Néanmoins, il est important de rappeler que ce sont souvent les grandes sœurs plutôt que les grands frères qui sont mobilisées dans la prise en charge des tâches de care dans le cadre domestique (Court et al., 2016).

Les jeunes en attente n’ont pas une socialisation aussi conforme au champ que les personnels de métier. Néanmoins, nous l’avons constaté avec Sabrina, il peut y avoir des phénomènes de « conversion » en cours, qui pourraient déboucher sur des bifurcations professionnelles.

D. S’investir dans la vie privée ?

Pour terminer notre analyse des itinéraires des jeunes en attente, nous devons nous intéresser à leur parcours familial. Nous essaierons de les comparer aux étudiant.es dans la mesure où ce sont deux catégories aux âges médians équivalents ; 20 ans.

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