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Tableau 20 – Aspects de l’animation périscolaire qui ont attirés, en pourcentage

Aspects qui les ont attirés Personnels de métier Ensemble

Relation aux enfants 85,4 93,9

Relation aux adultes 39,0 34,3

Activités 29,3 42,9

Autonomie 48,8 33,3

Horaires 14,6 15,2

Valeurs 43,9 35,9 (N=198)

Dans ce tableau, les personnels de métier sont celles et ceux qui ont le plus été attiré.es par les critères « sérieux » de l’animation. Ils et elles sont 5 points de plus à déclarer « venir pour les relations avec les adultes », et 15 points pour « l’autonomie dans le travail ». A l’inverse, on retrouve

89 beaucoup moins de personnels de métier déclarer venir pour « les activités ». Autrement dit, ils et elles ne sont pas là pour s’amuser. Ce qui est encore plus intéressant à observer, c’est le taux plus fort de personnes venues pour les « valeurs ». L’animation est un champ du travail social qui est très marqué par son aspect militant. Une de ces raisons d’être, est d’aider les personnes en difficulté. L’ambition est de répondre aux problèmes « socio-culturels » des populations les plus « défavorisées », autrement dit les classes populaires.

Thibaut et Laurence ont complètement intégré ces codes, il et elle sont dans l’animation pour ses valeurs. Laurence nous dit :

« Oui je suis dans le social c'est, ça fait partie peut-être de moi de mes valeurs l'entraide, le côté relationnel l'écoute. »27

Quant à Thibaut il abonde en ce sens en nous confiant :

« Je veux me battre pour les enfants que je vois, c'est pas des merdes, c'est pas des bons à rien et c'est vrai qu'il y a une partie, ils ont pas leur famille pour les soutenir ou alors ils ont trop de petits frères et ils sont abandonnés, il faut ramener l'argent pour pouvoir manger à la maison parce qu'on est 7 petits frères et qu'on crève la dalle qu'on avait plus de patates et le découragement. Finalement, j'ai connu ça aussi moi aussi j'ai fait des conneries moi aussi je suis tombé dans de mauvais trépas moi aussi on m'a toujours dit que je ferai rien de ma vie parce que je suis une merde parce que j'ai pas un rond et que je suis en train de devenir fou que ça fait parce que j'arrive même pas à me payer une putain de canette. »28

Par son expérience, Thibaut a construit une envie de « sauver » les jeunes en difficulté des quartiers populaires similaires à celui dans lequel il a grandi. On retrouve ici la figure décrite plus haut de l’ « animateur socio-culturel ». Autrement dit, pour revenir à notre hypothèse générale, on voit que Thibaut et Laurence, qui font carrière dans l’animation, ont intégré les codes et les normes du champ et c’est une des raisons qui leur permet de poursuivre à l’intérieur de celui-ci. Dans le même sens, c’est une des raisons qui pousse l’institution à leur faire confiance. On peut objectiver cette confiance par le fait que l’une et l’autre sont envoyés en formation pour poursuivre leur apprentissage du métier.

Par ailleurs, Thibaut et Laurence construisent leur définition de la « vraie animation » en opposition avec les autres animateurs et animatrices. Ce qui est pertinent c’est que l’on peut retrouver en creux les catégories que nous avons construites par ailleurs.

27 Entretien de Laurence. 28 Entretien de Thibaut.

90 Laurence critique les jeunes animateurs et animatrices qui travaillent avec elles :

« Ils voient pas vraiment le, c'est pas un métier, ils viennent là ils gagnent un peu de sous ils passent leur temps, ils voient pas ce qu’ un animateur peut apporter à un enfant c'est-à-dire on est là on fait une de l'éducation quand même et eux ils voient ça ... »29

On voit ici, qu’il est mal vu dans l’animation de venir pour le salaire et plus généralement d’être regardant.e en ce qui concerne les conditions matérielles d’emploi. Thibaut continue dans ce sens :

« Ils se la coulaient douce, rien à foutre, et ça un moment donné on travaille avec des gens avec des publics on est en contact humain on travaille pas avec des putains de produits à Carrefour donc un moment donné soit tu te lèves le cul et tu bosses soit tu vas postuler à Quick et tu feras tes heures et tu gagneras tes sous, tu arrêteras de nous faire chier tu gagneras mieux déjà que au niveau financier le métier est assez précaire qu'est-ce que tu vas te casser le cul à faire un métier que tu as pas envie de faire pour gagner pas un ... Et en plus pour pas le faire, enfin fait un minimum quoi sinon on va travailler à McDo tu gagneras plus et tu feras pas chier »

Thibaut se positionne en gardien de l’orthodoxie de l’animation. Il ne comprend pas pourquoi certaines personnes viennent dans l’animation, alors que le métier est précaire, pour ne pas s’impliquer complètement. Finalement, on a l’impression qu’il leur reproche de ne pas avoir les mêmes motivations « militantes » que lui dans leur travail. On peut imaginer que ce qui frustre Thibaut c’est de voir que certains personnels puissent considérer l’animation périscolaire comme n’importe quel autre métier. Il prend d’ailleurs comme référentiel des activités plutôt dominées de l’espace social, comme le travail à la caisse d’une grande surface, où à la préparation d’aliments dans un fast-food. Ces activités professionnelles sont souvent montrées du doigt dans l’animation comme figures idéal typiques des métiers purement « alimentaires ». On peut postuler que l’animation et la restauration rapide sont deux faces d’une même pièce ; la précarité. Une face étant davantage valorisée que l’autre. Dans les représentations que Thibaut défend, nous avons l’impression que les travailleurs et les travailleuses précaires auraient « le choix » de s’engager dans une activité désintéressée ou non. Il ne voit pas pourquoi il ferait des sacrifices matériels pour défendre ses idées et ne serait pas imité par les autres. Finalement on a l’impression que Thibaut n’accepte pas que des personnes dévalorisent l’image du métier dans lequel il s’est beaucoup investi et dont il aimerait voir l’image sociale revalorisée. Dans le discours de Thibaut et Laurence, on retrouve les animateurs et les animatrices recruté.es rapidement avec la réforme des rythmes scolaires et qui n’ont pas eu le temps d’être

91 socialisé.es au champ de l’animation. On le verra plus loin, mais en creux on retrouve notre catégorie des « jeunes en attente ».

Ce que l’on peut remarquer, c’est que d’autres catégories que nous avons construites ne sont pas montrées du doigt de la même manière. Thibaut et Laurence acceptent plus facilement le dilettantisme des étudiant.es. Thibaut nous dit :

« Il y en a quand même qui sont impliqués où le boulot ça les fait kiffer, même si vous avez d'autres études à côté, d'autres choses à faire, c'est normal on n'a pas tous les mêmes objectifs au bout d'un moment donné voilà. »

D’un point de vue rationnel, on peut dire que les étudiants et les étudiantes ne représentent pas de « menace » pour la carrière de Thibaut, puisqu’à priori ils et elles ne recherchent pas de places dans le secteur. Si on veut dépasser cette analyse plutôt économique, on verra que la catégorie étudiant.es que nous avons construite est également socialisée au champ de l’animation, et donc respecte les codes et les normes défendues par les personnes également socialisées au champ.

Les personnels de métier sont des « clients idéaux » du champ de l’animation. Ils et elles viennent pour des raisons sérieuses, et ils et elles défendent le discours légitime du champ. Nous pouvons voir que cette relation avec le champ leur permet d’acquérir de la légitimité pour rester, et surtout pour que l’institution « investisse » en eux. En effet, ils et elles sont très nombreux.ses à avoir été envoyé.es en formation professionnelle. D’ailleurs, on retrouve 28% de la catégorie actuellement en formation professionnelle de l’animation au moment de l’enquête, contre seulement 13,8% dans le reste de l’échantillon. Autrement dit, ces personnels sont là depuis longtemps et ils seront là après la fin des TAP. Le fait d’être envoyé.e régulièrement en formation, est une preuve que l’on peut envisager l’animation comme une carrière. Néanmoins, ce sont des carrières courtes, comme dans l’étude de Francis Lebon et Emmanuel de Curraize, seul 45% des « animateurs socio-culturels » sont toujours en poste 3 ans après leurs débuts (Lebon et de Curraize, 2008). D’ailleurs Thibaut, nous dit :

« Je veux pas être méchant mais mais même si je l'ai pas sur moi vu la gueule de mon CV je m’en tire assez bien je crois, je travaille depuis 2012 dans l'animation avec un BAPAAT depuis 2014 je travaille aussi au CRTA, au AOM, les Orphelins de Marseille, Terre et Mer, ProximiJeunes j'ai travaillé aussi à Puyricard pour le centre socio-culturel Louise Michel »30

92 Dans le référentiel de Thibaut, travailler dans le métier depuis 6 ans (plus loin il me dira qu’en fait, il a commencé en 2013) c’est une longue carrière. On peut imaginer que ce référentiel est influencé par les autres personnels qu’il fréquente, qui ne durent pas dans le métier.

C. Une vie familiale stable mais précaire

Nous avons vu que les personnels de métier avaient l’intention de faire carrière dans le champ de l’animation. Nous pensons que la sphère professionnelle n’est pas hermétique aux autres sphères. Nous devrions retrouver des effets ou des causes de ces carrières dans la vie privée des individus que nous observons.

Lorsque l’on s’intéresse à leur itinéraire familial on s’aperçoit que les personnels de métier sont les plus stables au regard de la norme de la mise en couple. En effet, nous sommes conscients que l’âge est une variable importante pour ce que l’on observe. Nous les avons comparés avec les femmes (in)actives (qui est la catégorie la plus proche en termes d’âge) :

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