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L’animation, un monde difficilement comptabilisable

c) Les points à améliorer

A. L’animation, un monde difficilement comptabilisable

Nous l’avons vu précédemment, plusieurs raisons conjoncturelles et académiques peuvent expliquer le manque de données quantitatives et qualitatives sur le sujet de l’animation périscolaire et de ses personnels. La catégorie « animateur périscolaire » n’existant pas dans les PCS de l’INSEE, il nous est difficile d’avoir une idée du nombre de ces personnels du périscolaire. Néanmoins nous pouvons utiliser une source institutionnelle différente. En effet, la Direction de la Jeunesse de l’Education Populaire et de la Vie Associative (DJEPVA)8 produit chaque année, via sa Mission des

Etudes de l’Observation et de la Statistique (MEOS), des données sur les équipes d’animation et de direction déclarées sur le logiciel d’habilitation des ACM. Cette démarche est obligatoire pour obtenir l’agrément Accueil Collectif de Mineurs. Les personnels du périscolaire, appelés « intervenants », étaient 100 000 en 2012, près de 250 000 en 20169. Ces chiffres sont incomplets pour nous, car ils ne

prennent pas en compte les temps périscolaires qui ne sont pas déclarés en ACM comme les « garderies » du matin et du soir. De plus, le statut d’emploi de ces « intervenants » n’est pas renseigné sur le logiciel. Or nous l’avons vu, dans certaines communes, notamment dans les zones rurales, ils

8 En effet, depuis l’élection d’Emmanuel Macron en Mai 2017, il n’existe plus de Ministère de la Jeunesse, de l’Education Populaire et de la Vie Associative, souvent appelé « Jeunesse et Sports ». Le Ministère des Sports est indépendant, et les autres compétences ont été transférées dans une direction du Ministère de l’Education Nationale dirigée par Jean-Benoit Dujol.

9 La publication des chiffres de 2017 devait intervenir au cours du mois de Mai mais à été repoussée par l’Institut Nationale de la Jeunesse et de l’Education Populaire (INJEP).

36 peut y avoir l’implication de bénévoles ou d’enseignant.es dans la prise en charge des temps périscolaires (Lebon et Simonet, 2017a).

Ce qui est indéniable avec les chiffres présentés par la MEOS c’est l’augmentation significative du nombre de personnes intervenant sur les « accueils périscolaires ». Les rapports mis en avant nous semblent crédibles dans la mesure où le Ministère de la Jeunesse et des Sports estimait au moment de la mise en place de la réforme entre 175 000 et 350 000 le nombre de création de poste dans l’animation périscolaire (Lebon et Simonet, 2017b).

Déjà, dans le travail que nous avons cité de Francis Lebon et Emmanuel de Lescure, les auteurs faisaient état des difficultés à quantifier le nombre d’ « animateurs socio-culturels » dont ils tentaient de faire une morphologie. En effet, l’enquête-emploi dénombrait près de 60 000 de ces professionnels en 2002. De leur côté les chercheurs, travaillant dans le champ de l’animation, en comptaient 120 000 pour certains (Mignon, 2005), et 200 000 pour d’autres (Augustin et Gillet, 2000). Pour Lebon et de Lescure, cette incertitude quantitative est le produit d’une volonté des « intellectuels d’institution » de donner une importance à la professionnalisation des métiers de l’animation en gonflant certains chiffres, « donner une place aux animateurs dans la statistique contribue à leur donner une place dans la société » (Lebon et de Lescure, 2007).

Nous sommes là face à un enjeu majeur pour les sciences sociales qui s’intéressent au monde de l’animation. En effet, un des traits de ce secteur est qu’il semble en voie de « professionnalisation » depuis maintenant près de quarante ans. Michel Simonot déjà en 1974 interrogeait ce phénomène qui repose selon lui sur quatre facteurs : Rétribution, Reconnaissance d’avantages, Acquisition de connaissances sanctionnée par un diplôme, Contrôle de la profession (Simonot, 1974). Dans ce cadre- là nous pouvons dire que nous avons assisté à une professionnalisation de l’animation. En effet, une convention collective encadre les métiers de l’animation depuis 1988 et plusieurs diplômes ont été mis en place du niveau V au niveau II et des instances de régulation, principalement les services déconcentrés du Ministère de la Jeunesse et des Sports, assurent la continuité du champ.

Jean-Pierre Augustin et Jean-Claude Gillet postulent également que la professionnalisation est en cours dans leur ouvrage paru en 2000. Ils reprennent des critères proches de ceux de Simonot : lieu d’exercice défini, système d’expertise (ensemble de savoirs théoriques, méthodologiques…), référentiel éthique à des valeurs, reconnaissance de la profession, contrôle de la profession (Augustin et Gillet, 2000). Ces critères pour la plupart subjectifs peuvent donner lieu à plusieurs interprétations, mais pourtant les auteurs en sont convaincus la professionnalisation est en cours. Même s’ils reconnaissent que l’animation, à l’instar des cadres de Boltanski, ressemble à la « cohésion d’un ensemble flou ». La professionnalisation se caractériserait également par la construction d’une

37 « identité pour soi », d’une histoire et d’aspirations communes, et d’une « identité pour autrui », de revendications et de reconnaissance.

Francis Lebon et Emmanuel de Lescure critiquent les positions de ces chercheurs. Pour eux, ils relèvent d’une sociologie « optimiste ». La professionnalisation fait office de programme pour le champ de l’animation. Autrement dit, constater la professionnalisation est une manière de la rendre effective, pourtant selon Lebon, le groupe des animateurs est très flou et renvoie à des réalités profondément hétérogènes (Lebon et de Lescure, 2007).

Les difficultés à construire des données fiables sur les animateurs socio-culturels serait dues aux caractéristiques structurelles d’un groupe professionnel profondément hétérogène. Une des démarches les plus heuristique est peut-être de se concentrer, comme nous le faisons, sur un sous- groupe. Nous travaillons sur les animateurs périscolaires, mais pourrions effectuer un travail similaire à propos des animateurs de colonies de vacances, les animateurs sportifs, les animateurs de prévention … Nous faisons l’hypothèse qu’il y a des différences dans la composition sociale de ces professions et donc dans les itinéraires des personnes qui y travaillent. Cependant nous ne nions pas la possibilité que les personnes que nous comptabilisons comme « personnel du périscolaire » puissent-être employées dans d’autres secteurs de l’animation (colonies de vacances, centres aéré, accueil de jeunes …)

B. Les animateurs périscolaires de la ville de Marseille, quelques données

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