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Chapitre 2 : Mondialisation : Moyen-Orient, Liban, sport professionnel 69

2.2 Le Liban

2.2.2 Un système basé sur le confessionnalisme

État multiconfessionnel basé sur un système de quotas, le Liban contemporain est une mosaïque de dix-huit communautés dont l’importance varie selon la période et la région. Leur poids varie selon les fluctuations de la démographie et de l’immigration. Mais cette évolution surtout des dernières décennies a été marqué par l’affaissement des communautés chrétiennes au profit des communautés musulmanes.

Le fonctionnement des institutions libanaises est régi par l'accord de Taëf signé le 22 octobre 1989 comme déjà mentionné. Au Parlement, l’accord réserve soixante-quatre sièges pour les chrétiens, et autant pour les musulmans alors que précédemment on comptait cinquante-quatre sièges pour les chrétiens pour quarante-cinq pour les mu-sulmans. Ce Parlement est présidé par un Chiite et la vice-présidence est réservée à un Grec-Orthodoxe.

En ce qui concerne la formation du gouvernement, le poste de Président de la répu-blique est réservé à un chrétien maronite, celui de Premier ministre à un sunnite et celui de Vice-Premier ministre Grec-Orthodoxe. Le général en chef de l'armée liba-naise est obligatoirement un maronite.

Devenus aujourd’hui majoritaires, les musulmans sont divisés en trois groupes : les Chiites (35%), les Sunnites (30%) et les Druzes (5%). Quelles sont les incidences d’une telle mosaïque communautaire sur le sport au Liban ? Comment le sport pro-fessionnel dans ce pays ainsi caractérisé influence-t-il le sport mondial ?

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Pour répondre à ces questions, il faut avant tout comprendre la genèse et le

fonction-nement de l’organisation sportive communautaire. Comme l’affirme Max Weber34, un

groupe communautaire se définit comme un groupe humain, non fondé sur la paren-té, nourrissant une croyance subjective dans une communauté d’origine, à partir des similitudes de mœurs, de souvenirs, de sentiments et des croyances partagées (Patez, 1997).

A la différence avec les clubs communautaires qui existaient en France du temps des patronages, au Liban, la communauté est plus qu’une adhésion à une foi partagée, elle constitue un cadre social, politique et économique. Ainsi, chaque communauté est gouvernée par une autorité spécifique, régie par ses institutions et soumise à une juridiction autonome formée de membres appartenant à la hiérarchie religieuse, à laquelle l’État a reconnu la compétence d’appliquer ses lois et ses coutumes.

La Constitution libanaise, promulguée le 23 mai 1926 et modifiée par les accords de Taef dont nous avons parlé, confirme les garanties dont jouissent les communautés et reconnait trois groupes communautaires reconnus au Liban :

Communautés chrétiennes :

- Patriarcat grec catholique melkite,

- Patriarcat maronite,

- Patriarcat grec orthodoxe,

- Patriarcat arménien grégorien (orthodoxe),

- Patriarcat arménien catholique,

- Patriarcat syriaque orthodoxe (jacobite),

- Patriarcat syriaque catholique.

Communauté orientale assyrienne orthodoxe :

- Patriarcat chaldéen.

Église latine.

Église copte orthodoxe. Communautés musulmanes : - Communauté sunnite, - Communauté chiite, - Communauté alawite, 34

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- Communauté druze.

Communauté juive.

Cette répartition pluriconfessionnelle a donné lieu à plusieurs approches scientifiques celle de Simon Haddad professeur à l’université américaine du Liban, décrit ce sys-tème politique de deux termes : le consociationalisme et le confessionnalisme (Had-dad, 2009).

Le consociationalisme est un mode de gouvernance où les élites politiques représen-tant les différentes communautés, font coalition pour gouverner et cela malgré les intenses divisions entre elles.

Le confessionnalisme peut être vu comme étant une forme de consociationalisme et est utilisé pour décrire le cas unique du système politique libanais. Le confessionna-lisme est un système de gouvernance où le pouvoir est distribué selon les différentes communautés, ethniques ou religieuses, selon leurs pourcentages dans la population (Kerbaje, 2014).

Afin de mieux comprendre l’influence du confessionnalisme sur la vie quotidienne libanaise nous proposons cette observation.

D’abord les médias :

La chaîne télévisé « Future TV » fondée et financée par l’ancien premier ministre Ra-fik Hariri supporte l’idéologie du parti du Futur de religion musulmane sunnite. La chaîne « Al-Manar » appartient au Hezbollah parti musulman chiite ; « NBN TV » appartient à Nabih Berri président de la Chambre des députés et à son parti Amal (musulman chiite), « LBCI » appartient à un homme d’affaire chrétien, « MTV » ap-partient à la famille Murr (chrétienne) qui est présente aussi en politique, « OTV » le courant patriotique libre qui appartient au président de la république Michel Aoun.

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Les établissements scolaires et les hôpitaux ont également des affiliations commu-nautaires, même s’ils font preuve de plus d’hétérogénéité étant donné que les familles libanaises, musulmanes ou chrétiennes, recherchent plus la qualité que l’appartenance confessionnelle lorsqu’il s’agit de santé et d’éducation.

Comme pour les médias les hôpitaux les écoles et les universités, ainsi est la situation dans le sport.

Dans le sport :

a- Le Basket-ball :

Le Basket-ball qui est la pratique sportive la plus populaire au Liban, se retrouve avec des équipes d’appartenance communautaire et d’affiliation politique :

Des clubs de basket-ball de Division 1 pour la saison 2016-2017 Nom du Club Appartenance communautaire Affiliation politique

1-«Homentmen » Club Arménien catholique, appartenant au parti Tachnag, 2-«Antranik » Antélias Club Chrétien Arménien parti politique Ramgavar, 3-«Champville » Club Chrétien Maronite Courant Patriotique Libre,

4-« Sagesse» Beyrouth Club Chrétien Maronite appartenant au parti Forces liba-naises,

5-«Hoops» Beyrouth Club Musulman Chiite,

6-«Al-Moutahed » Tripoli Club Musulman Sunnite Fondation Safadi,

7-«Al-Riyadeh (Sporting) » Beyrouth Club Musulman Sunnite Parti du Futur, 8-Université Notre Dame club chrétien maronite,

9-«Tadamon » : Club chrétien maronite, 10-«Byblos » : club chrétien maronite.

Cela ne s’arrête pas là, car les spectateurs suivent leur équipe en fonction de l’appartenance religieuse, politique et régionale. De même pour les joueurs, les spon-sors, les médias… tout est confessionnalisé.

b- Le football

Si dans le Basket-ball la domination chrétienne est évidente, ce n’est pas le cas du football car ci-dessous la distribution des clubs de football de Division 1 libanaise pour la saison 2016-2017 par appartenance communautaire et affiliation politique est la suivante :

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- Al Ahed Beyrouth Club Musulman Chiite ‘Hezbollah’,

- Salam Zgharta club chrétien appartenant au parti politique « Marada »,

- Al Ansar Beyrouth Club Musulman Sunnite Parti du Futur,

- Safa Club’ Beyrouth Club Druze Parti Progressiste Socialiste,

- Al-Nabi Shayth club musulman Shiite,

- Al Akhaa ahli appartient à la communauté druze,

- Al Nejme Beyrouth Club qui appartenait auparavant à la communauté

musulmane, Chiite, aujourd‘hui à la communauté sunnite et le parti du Futur,

- Al Tadamon Sour Club Musulman Chiite,

- Shabab Al Sahel Beyrouth Club Musulman Chiite,

- Racing Beyrouth Club Chrétien Orthodoxe Parti du Futur,

- Tripoli club appartenant à la communauté sunnite,

- Al ejtimaei Tripoli communauté sunnite.

Nous remarquons au football la domination « musulmane ».

c- Les fédérations

Ce système ou cette distribution est aussi présente dans les fédérations. Une étude faite par Nadim Nassif en 2003, montre la distribution de trente-deux fédérations libanaises avec l’appartenance communautaire de leurs présidents et vice-président : Athlétisme : chrétien chrétien,

Volley-ball : chrétien chrétien, Tae Kwon do : chrétien chrétien, Aviron : chrétien musulman, Ski : chrétien chrétien,

Ski Nautique : chrétien chrétien, Gymnastique : chrétien chrétien, Cyclisme : chrétien chrétien,

Haltérophilie : musulman musulman, Tir : chrétien chrétien,

Badminton : musulman musulman, Natation : chrétien musulman, Squash : musulman musulman, Escrime : musulman chrétien,

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Equitation : chrétien chrétien, Kick-boxing : musulman musulman, Tir à l’Arc : chrétien musulman, Karaté : chrétien chrétien, Basket-ball : chrétien chrétien, Tennis : chrétien chrétien,

Handball : musulman musulman, Tennis de table : chrétien chrétien, Football : musulman musulman, Lutte : musulman musulman, Boxe : musulman musulman, Wushu : chrétien chrétien, Voile : chrétien chrétien,

Echecs : musulman musulman,

Canoë-Kayak : musulman musulman, Muay Thai : musulman chrétien, Danse sportive : chrétien chrétien,

Handisport : musulman musulman (Abou Haidar 2012).

Georges Nseir, président de la fédération libanaise de Wushu dans sa thèse intitulée « Des communautés et des sports au Liban. Enjeux des regroupements sportifs et des rencontres intercommunautaires » obtenue à l’université de Strasbourg, analyse l’appartenance communautaire dans le sport. En effet, au football, deuxième sport le plus pratiqué au Liban, sur les quatorze joueurs de la sélection nationale en 1998-1999, douze étaient musulmans, soit plus de 85%.

Cette illustration montre combien l’appartenance confessionnelle est un facteur dé-terminant dans la société libanaise pour comprendre son fonctionnement si particu-lier. Au Liban, il est clair, comme l’illustre l’exemple du sport et de sa pratique. En effet, les clivages communautaires affectent profondément les instances de gestion des fédérations sportives et provoquent une répartition confessionnelle au sein des comités et bureaux fédéraux. Il faut ajouter que la propagation de l’influence impéria-liste a été un facteur majeur pour comprendre et évaluer l’impact du phénomène ana-lysé ici.

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