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CHAPITRE 2 REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.5 Synthèse de la revue de littérature

Lors de la conception de procédés de bioraffinage, plusieurs scénarios sont normalement considérés, principalement afin de considérer le grand éventail de produits possibles, la complexité des chaines de valeurs et les risques technologiques et de marchés. Cependant, il importe d’éliminer les options non avantageuses et une méthodologie systématique doit être employée à cette fin. Plusieurs études indiquent l'importance d’éliminer les scénarios de bioraffinage non prometteurs avec la méthode de l’analyse décisionnelle multicritères (ADMC) [13, 24, 126]. L’ADMC est une méthode de décision permettant de considérer plusieurs critères suivant un processus de décision logique. L’ADMC permet de rationaliser le concept de décision tout en fournissant un processus rigoureux et essentiellement, une décision plus équilibrée [126]. Toutefois, il est reconnu que les critères environnementaux sont souvent mal compris dans le processus de décision [40] et que le type de normalisation peut avoir un impact sur le niveau de compréhension [35]. Cependant, l'identification de la meilleure normalisation n'est pas évidente pour les critères environnementaux. En ce qui concerne le calcul des bénéfices environnementaux associés aux procédés de bioraffinage, l’ACV conséquentielle est recommandée et souvent utilisée. L’ACV est une méthode qui s’utilise en régime permanent et donc, qui ne permet pas d’utiliser un inventaire dynamique et de prendre en compte le timing des émissions. De plus, cette méthode considère que le carbone biogénique est carboneutre, ce qui a été critiqué à de maintes reprises dans la littérature. Des études ont proposé des solutions afin de tenir compte du temps requis avant qu’une émission de CO2 biogénique ne soit recaptée par une nouvelle forêt en croissance. Par exemple, dans leur étude, Cherubini et al, en 2011 [52] proposent une valeur de GWPBio, qui permet de calculer le « Global Warming Potential » ou potentiel de réchauffement planétaire pour une émission de CO2

biogénique. Cette valeur tient compte de la dégradation de l’émission de CO2 et de l’impact sur le forçage radiatif qu’aura eu avant que l’émission ne soit recaptée. Cette méthode permet donc de considérer à la fois l’impact de la forêt, mais aussi sur l’atmosphère. Cependant, elle ne permet pas de tenir compte de la dynamicité des autres types de GES. Donc, l’ACV dynamique est une méthode plus complète pour la représentation de la dynamique de dégradation dans l’atmosphère. De plus, le temps de rétention de l’émission de CO2 dans l’atmosphère est très variable d’un endroit à l’autre puisque le climat, le type de forêt, le type d’espèce forestière sont tous des facteurs affectant cette période de temps. Donc, cette valeur n’est pas représentative pour tous les sites d’étude. Il est vrai que le réchauffement planétaire est un problème global cependant, pour comptabiliser les émissions relativement au pays émetteur il importe de calculer les émissions localement. De plus, les résultats seront aussi différents si la forêt est déjà gérée ou non. Il est donc difficile de définir un facteur général permettant de représenter les différentes situations. Ainsi, la modélisation des réservoirs forestiers ainsi que l’inventaire des émissions du cycle de vie entier de la bioraffinerie sont nécessaires afin d’avoir le portrait global de l’impact sur le réchauffement climatique.

Puis, il importe de déterminer les conditions d’utilisation du bois issu des perturbations naturelles afin de réduire la quantité de bois morts dans la forêt et d’améliorer le bilan carbone. Certaines études se sont penchées sur le sujet en présentant des résultats pour la production de granules de bois. Cependant, aucune étude n’a proposé une méthodologie permettant de déterminer les bénéfices environnementaux, au niveau de la forêt, et économiques, au niveau du procédé, relié à l’utilisation du bois perturbé par le feu ou les insectes dans une bioraffinerie produisant des biocarburants et des bioproduits. Finalement, dans la littérature existante, il n’existe aucune publication représentant un cadre méthodologique permettant de tenir compte de l’impact économique et environnemental tout en tenant compte des impacts liés à l’utilisation de la forêt, saine ou perturbée, ainsi que sur l’atmosphère.

2.5.1 Lacunes dans le corps des connaissances

Plusieurs lacunes ont été identifiées dans le corps des connaissances et les principales sont résumées ci-dessous :

• Il n’existe aucune approche méthodologique globale permettant de déterminer l’impact économique et environnemental d’une bioraffinerie utilisant de la biomasse perturbée;

• Les critères environnementaux sont mal compris dans les processus de décision multicritères ce qui diminue leur contribution dans la décision finale et l'identification de la meilleure normalisation pour les critères environnementaux n'est pas évidente;

• Le principe de carboneutralité appliqué dans l’ACV traditionnelle ne permet pas de déterminer l’impact réel de la bioraffinerie sur les changements climatiques et il importe de tenir compte de la forêt et de l’atmosphère dans les analyses environnementales;

• Il n’existe pas de méthode permettant de déterminer l’avantage d’utiliser du bois perturbé contrairement au bois sain considérant les bénéfices économiques et environnementaux considérant l’aspect temporel de la forêt.

La synthèse des lacunes de la revue de littérature a permis d’identifier une question de recherche principale : « comment déterminer si l'utilisation du bois perturbé, dans un procédé de bioraffinage, est préférable pour l'environnement et économiquement viable considérant les impacts sur la forêt et l’atmosphère ? »

De plus, trois sous questions ont aussi été identifiés, tel que présenté ci-dessous :

1. Quelle est la méthode la plus efficace pour communiquer les critères environnementaux et faciliter leurs compréhensions dans le contexte d’un ADMC ?

2. Quelle est l’évaluation réelle et pertinente de l’impact environnemental d’un procédé de bioraffinage, considérant les aspects du cycle de vie, de la forêt et de l’atmosphère? 3. Comment déterminer si l’utilisation de la forêt perturbée dans un procédé de bioraffinage

2.5.2 Hypothèses de recherche

Afin de valider la question de recherche du projet de doctorat, l’hypothèse principale mentionne qu’il existe une méthodologie systématique permettant d'identifier sous quelles conditions la forêt perturbée possède un bon potentiel économique et environnemental pour l’utilisation comme matière première dans une usine de bioraffinage.

De plus, afin de valider les trois sous-questions identifiées préalablement, trois sous-hypothèses ont été formulées :

1) Dans une analyse décisionnelle multicritères pour la prise de décision, avec une normalisation appropriée, il est possible qu’un ou plusieurs critères environnementaux obtiennent un poids plus approprié comparativement aux valeurs brutes de l’ACV;

2) L’analyse environnementale des scénarios de bioraffinage peut être effectuée à l’aide de différentes méthodes d’ACV, mais l’interprétation affecte de façon plus importante l’issue de l’analyse;

3) Il existe des conditions pour lesquelles l'utilisation du bois perturbé dans un procédé de bioraffinage est préférable pour l'environnement et économiquement viable.