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CHAPITRE 4 SYNTHÈSE DES TRAVAUX

4.4 Analyse de l’utilisation du bois perturbé dans les scénarios sélectionnés

4.4.4 Impact des perturbations naturelles sur le carbone forestier

La modélisation réalisée avec CBM-CFS3 a permis d’obtenir l’évolution des stocks en carbone forestier pour la forêt saine ainsi que pour tous les types de perturbations (coupe, forêt, insecte). La figure 4-15 présente l’évolution du carbone dans l’écosystème (soit biomasse et MOM) pour la forêt naturelle (sans perturbation), la coupe forestière, le feu, la tordeuse ainsi que le dendoctrone. Les résultats présentent l’évolution cumulative du carbone par hectare, pour un horizon de 100 ans. Cet horizon est choisi puisqu’il correspond à la période de croissance d’une épinette noire et permet de bien distinguer la différence entre les types de perturbations naturelles.

Figure 4-15 : Évolution du stock de carbone de l’écosystème pour la forêt saine et perturbée Concernant la forêt naturelle, puisqu’elle ne subit aucune perturbation, elle continue d’accumuler du carbone. Cependant, puisque la forêt est âgée, la croissance est relativement faible. Suite à un événement de coupe forestière (bois sain), l’écosystème ne retrouve pas son niveau de carbone d’avant-coupe ni celui de la forêt naturelle non perturbée, même après 100 ans. Ceci s’explique par le fait que la forêt est plus jeune et donc, moins de matière s’est accumulée dans le puits de matière organique morte (MOM) au fil du temps. Pour le feu de forêt, une grande partie du carbone perdu est transféré à l’atmosphère lors de l’évènement (année 1). Après 90 ans, la forêt aura tout recapté ce carbone et donc aura retrouvé son niveau de carbone d’avant coupe. Par la suite elle continue de croitre à une vitesse plus lente. Cependant, comparativement à la forêt naturelle non perturbée, une certaine partie du carbone perdue ne sera jamais compensé. Lorsqu’une coupe de récupération est effectuée, moins de carbone se retrouve dans la forêt (car le puits de matière organique morte contient moins de carbone).

Lors d’un évènement de tordeuse des bourgeons de l’épinette, la forêt perd du carbone puisqu’une partie de la biomasse (feuillage) est transférée au puits de matière organique morte, et donc sera décomposée. De plus, une perte de croissance importante affecte le peuplement dans les dix années suivant la perturbation. La courbe de croissance suite à cet évènement est disponible à l’annexe K.

Par la suite, les arbres continuent de croitre et atteindront un volume marchand maximal entre 8 et 30% plus faible que si la forêt n’avait pas subi d’infestation. Si une coupe de récupération est effectuée, environ 70 ans suivant la perturbation, la forêt ayant été récoltée possède plus de carbone que si aucune coupe de récupération n’avait été effectuée, ce qui est corroboré par la littérature existante [208]. Pour l’évènement de perturbation du dendoctrone, bien que les insectes affectent différemment le peuplement, les résultats sont semblables à ceux de la tordeuse. Suite à une infestation du dendoctrone, une partie de la forêt sera atteinte de mortalité (2% dans ce cas), et il est considéré que ces arbres ne sont pas remplacés, ce qui explique pourquoi l’écosystème continue de perdre du carbone année après année. La coupe de récupération permet aussi, avec ce type de perturbation, d’augmenter le carbone stocké par hectare. Plus de renseignement sur l’évolution des réservoirs de biomasse et de matière organique morte pour les évènements de perturbation sont disponibles à l’annexe K.

4.4.4.1 Bénéfices liés à la récolte du bois perturbé

Afin d’évaluer les bénéfices liés à la récolte du bois perturbé, il importe de considérer l’échange en termes de CO2 entre la forêt et l’atmosphère, plutôt que de mesurer le carbone contenu dans la forêt. La figure 4-16 présente l’évolution cumulative des émissions de CO2 pour la forêt saine et perturbée, avec ou sans récolte. Il est à noter que le CO2 provenant du carbone retiré de la forêt n’est pas comptabilisé à cette étape.

Le feu est l’évènement qui rejette le plus de CO2 à l’atmosphère. Cependant, après 90 ans celui-ci est tout recapté. Il est possible de constater que le feu suivi d’une coupe de récupération permet de capter plus de CO2, sur 100 ans, qu’en laissant les chicots de tige et de branche en forêt se décomposer. De plus, la forêt récoltée permet de combler le déficit en CO2 perdu environ 20 ans plus tôt que la forêt qui se régénère naturellement. Contrairement au feu de forêt, la forêt affectée par la tordeuse rejette du CO2 à l’atmosphère tranquillement année après année. En effet, puisque ce type de perturbation ne renouvelle pas le peuplement, que le carbone transféré dans les puits de matière organique morte se décompose et que la croissance est diminuée suite à l’infestation, cela explique pourquoi la forêt ne capte pas plus de carbone qu’elle en émet. Il est donc possible de remarquer qu’en récoltant une partie de l’infestation, après environ 30 ans la forêt recommence à capter plus que carbone qu’elle en émet. Tout comme la tordeuse, la forêt perturbée par le dendoctrone émet du CO2 année après année, cependant il y a une stabilisation après environ 20 ans. Cette perturbation ne renouvelle pas le peuplement, mais n’affecte pas la croissance non plus. Ainsi, uniquement le carbone transféré dans les puits de matière organique morte au moment de l’infestation se décompose dans les années suivant la perturbation, ce qui explique la stabilisation des émissions à l’atmosphère.

Ainsi, sur une période de 100 ans, pour 1 hectare perturbé par le feu, la tordeuse et le dendoctrone, 29, 43 et 44 tonnes de CO2/ha seront évitées en récoltant une partie de la forêt comparativement au fait de ne pas effectuer de coupe de récupération. Certes, la récolte d’un ha de bois sain permet de capter bien plus de CO2 (soit 176 t de CO2/ha) et ceci est principalement dû au fait qu’uniquement 20% de l’hectare peut être récolté dans le cas des perturbations naturelles. Finalement, afin de déterminer le bénéfice réel supplémentaire de la coupe d’une forêt perturbée, il importe de calculer, par tonne récoltée, combien d’émissions de CO2 sont évitées en récoltant une partie de la forêt perturbée par rapport au fait de ne pas effectuer de coupe de récupération. La figure 4-17 présente les bénéfices d’utilisation du bois perturbé, mais aussi du bois sain comparativement à la forêt naturelle respective (saine ou perturbée selon les cas).

Figure 4-17 : Bénéfices cumulatifs (t de CO2/bdmt) pour la récolte de bois sain et perturbé (0 °C) La récolte d’une tonne de bois sain permet la captation, après 100 ans, de 1.5 tonne de CO2. Ainsi, afin que la récolte du bois perturbé soit intéressante d’un point de vue environnemental, les bénéfices reliés à la récolte doivent être supérieurs à la récolte de bois sain. Concernant le bois provenant des infestations d’insecte, en tout temps le bénéfice en termes de CO2 pour chaque tonne récoltée est supérieur qu’avec le bois sain. Pour ces deux perturbations, après environ 5 ans il y a un bénéfice comparativement à la forêt naturelle perturbée. Pour le bois de feu, à court terme le bénéfice est immédiat et bien plus grand que le bois sain, cependant sur un horizon de 100 ans, le bénéfice est semblable au bois sain, et même moindre. La raison principale est le fait qu’une grande partie du carbone de la forêt est perdu lors du feu, que ce soit avec ou sans récolte. De plus, comme le feu renouvelle le peuplement, après 100 ans une nouvelle forêt s’est installée. Par contre, en posant l’hypothèse que tout le carbone restant dans les chicots se retrouvait à l’atmosphère, le bénéfice serait plus grand qu’avec la récolte de bois sain. Cette hypothèse est erronée; cependant elle permet de mettre en lumière le fait que dans son modèle de décomposition, le logiciel CBM- CFS3 transfère une partie du carbone de la matière organique morte vers la litière et éventuellement vers le carbone noir présent dans le sol. Hors, il est connu que CBM-CFS3 ne modélise pas bien le carbone contenu dans la litière et le sol puisque ces informations sont encore mal connues [75]. Ainsi, il est possible que la valeur obtenue pour le bénéfice de la récolte de bois de feu contienne une incertitude causée par des valeurs incomplètes dans le modèle. Finalement, dans le contexte de

cette étude, une quantité limitée de biomasse est récoltée annuellement pour alimenter les usines de pyrolyse rapide. Cependant, dans le cas où au niveau national des stratégies permettraient d’aller récolter le bois de feu en plus de la quantité récoltée pour les activités forestières, un bénéfice environnemental serait certes observé.