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CHAPITRE 2 REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.4 Viabilité de l’utilisation de la biomasse perturbée

2.4.4 Bénéfices de l’utilisation de la biomasse perturbée

La demande mondiale en biomasse forestière a considérablement augmenté ces dernières années et plusieurs études ont évalué les bénéfices environnemental ou économique de l’utilisation de la biomasse perturbée (résidus de coupe ou perturbations naturelles), principalement pour la bioénergie [15, 73, 78, 124, 125].

McKechnie et al. en 2011, [125] ont réalisé une analyse pour la production soit de granules de bois ou de l’éthanol à partir de résidus ou d’arbres sains en Ontario. Les granules servent à remplacer du charbon et l’éthanol remplace l’essence (E85). Les résultats sont calculés pour une opération en continu de 100 ans. Les résultats démontrent que les résidus ont un temps de la dette en CO2 bien inférieur aux arbres sains. De plus, il est plus avantageux de produire des granules que de l’éthanol en termes de dette de carbone (impact à court terme). Cependant, sur le long terne, la production d’éthanol permet de déplacer plus d’émissions fossiles. Puis, Mitchell et al. en 2012 [73] ont modélisé le carbone pour les peuplements de pin infestés par le dendonctrone du pin ponderosa récoltés pour la bioénergie. Cependant, leur étalonnage du modèle reflète les pratiques de récolte des États-Unis, et ne couvre pas une chaîne d'approvisionnement spécifique.

L’étude de Lamers et al. 2014 [15], a étudié plus en profondeur le carbone forestier et le cycle de vie des granules produites en Colombie-Britannique et destinées au marché de l’Europe. Dans cette région, la matière non marchande (résidus de coupe, arbres morts) est généralement empilée et brûlée sur le bord de la route afin de réduire la source de matière combustible possible pour les feux de forêt. Les granules de bois provenaient de différents scénarios de référence pour les forêts touchées par le dendoctrone du pin ponderosa. La dynamique du carbone pour différents niveaux de mortalité d’insectes a été évaluée à l’aide du logiciel CBM-CFS3, au niveau du peuplement et du paysage. L’étude a tenu compte du stockage du carbone dans l'écosystème, des produits du bois et du remplacement des combustibles fossiles. Un facteur de déplacement de 0,923 pour le remplacement du charbon dans le nord-ouest de l’Europe par des granules de bois a été utilisé [15]. Les résultats indiquent que les pratiques actuelles d'exploitation, dans lesquelles les résidus de coupe sont brûlés et que la sciure de bois est utilisée pour la production de granules, ont un temps de dette en CO2 avoisinant les 20-25 ans pour les forêts de pin perturbées par le dendroctone et avoisinant les 37-39 ans pour les forêts dominées par l’épinette. Considérant les granules fabriqués à partir des résidus de coupe pour remplacer le charbon, les avantages nets de carbone sont immédiats. Les systèmes avec des proportions plus élevées d'arbres vivants offrent une atténuation du changement climatique plus grande si elle est utilisée pour les produits du bois permettant le stockage du carbone [15]. L’étude a aussi démontré que l’utilisation d’un site hautement perturbé (>85%) pour la production de bioénergie possédait un temps de dette en CO2 quasi nulle quand les granulés sont utilisés pour remplacer le charbon, au lieu d'être brûlé dans la forêt [15].

Puis, dans leur étude, Laganière et al. 2017 [78] évaluent le temps de la dette en CO2 de la substitution des combustibles fossiles par la bioénergie forestière avec trois types de matières premières (résidus de récolte, bois morts et arbres sains). Trois types de combustibles fossiles ont été substitué soit le charbon, le pétrole et le gaz naturel utilisé pour le chauffage ou la production d’électricité. Le temps de la dette avec l’utilisation de résidus forestiers est peu sensible et plus faible que lors de l’utilisation du bois mort. L’utilisation de bois sain possède les dettes les plus élevées, s’élevant toujours à plus de 100 ans. L’étude indique aussi que l'utilisation unique du paramètre du temps de la dette en CO2 pour évaluer la performance d'une matière première devrait être remise en question comme celle-ci possède une grande incertitude [78].

Finalement, la matière première et le type de combustible fossile remplacé ont une grande incidence sur le potentiel d'atténuation des GES. Des études ont documenté des temps de dette en

CO2 plus faibles que 20 ans pour la bioénergie issue des résidus de récolte [15, 44]. Dans le cas de résidus de récolte qui sont normalement brûlés au bord de la route afin de réduire les risques d’incendie, l’utilisation de la bioénergie pour remplacer les combustibles fossiles génère des avantages atmosphériques immédiats. De même, l'augmentation de l'efficacité de conversion de la biomasse à 35% peut générer des avantages immédiats dans certains cas lorsque les résidus de récolte sont laissés sur les sites de récolte [78]. Finalement, les auteurs recommandent de privilégier l’utilisation locale des copeaux de bois par rapport à l’exportation de granulés de bois [78]. Finalement, Barette et al. 2017 [124] déterminent les conditions de rentabilité d’une usine produisant des granules destinés à l’exportation internationale en utilisant comme matière première des résidus de coupe ou du bois mort. Les granules sont produits lorsque les arbres morts contiennent une trop forte proportion de pourriture avec une teneur en humidité plus faible, ce qui affecte la qualité du papier. Ainsi, cette matière première est considérée comme un contaminant dans la chaine de valeur pour les usines de mise en pâte. Les résultats démontrent que l'utilisation d'arbres morts pour le bois d'œuvre et les granules est presque aussi rentable que de les utiliser pour le bois d'œuvre et la pâte, avec une diminution du rendement allant jusqu’à 12% selon la taille de l'arbre. Cependant, la production de granules à partir d'arbres morts ne représentait pas une option financièrement viable et des subventions des gouvernements seraient nécessaires [124].

En terminant, le bénéfice net pour l'atmosphère de l’utilisation de la forêt pour la bioénergie est affecté par de nombreux facteurs, et les recherches futures devraient en outre évaluer quelles stratégies de bioénergie donnent les plus grands avantages de GES net sur les différentes échelles de temps requises à la reconstitution de la forêt suivant la ou les perturbations naturelles [14].

2.4.5 Analyse critique

L’augmentation des perturbations naturelles représente une réelle menace dans un contexte de réchauffement climatique. Plusieurs auteurs se sont concentrés sur la compréhension des mécanismes des évènements de perturbations tels que les feux et les infestations d’insectes. De plus, certains d’entre eux recommandent diverses pratiques devant être mises en place afin de limiter l’augmentation prévue des perturbations naturelles. L’enlèvement de la biomasse perturbé pour laisser place à de plus jeune forêt, diminuant la biomasse disponible pour des évènements de perturbation, fait partie des mesures d’atténuation envisagées. Parallèlement, la production de bioénergie à partir de la biomasse perturbée (résidus ou perturbations naturelles) permettant de

remplacer des produits issus des voies fossiles est envisagée. Cependant, très peu d’études ont regardé l’impact économique de la récolte pour le bois issu des perturbations naturelles. Il en est de même pour les études sur la modélisation du carbone forestier et l’identification des bénéfices environnementaux de l’utilisation de ce type de bois. Il importe donc d’étudier les conditions économiquement et environnementalement viables pour l’utilisation du bois perturbé issu des perturbations naturelles dans une bioraffinerie. Ce type d’étude devrait être plus répandue afin d’éventuellement aider les gouvernements à établir des stratégies permettant à la fois de réduire la quantité de bois morts dans les forêts et remplacer des produits fossiles par le fait même.