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Notre analyse de la problématique débouche sur une synthèse qui se résume aux trois préoccupations présentées ci-dessous. Ces préoccupations structurent la suite de cette thèse et notre recherche d’explications à la problématique soulevée. Le point de départ est une situation irrégulière qui justifie le besoin d’exercer un pouvoir discrétionnaire, et puis, qui suscitera l’implication des directeurs des établissements d’enseignement dans un rôle stratégique, dans le but de générer une puissance d’agir qui conduira à une évolution favorable de la situation. o Préoccupation 1 : La diversité des personnes et de leurs intérêts

Nous désirons prendre en compte, par souci d’équité, la diversité des intérêts en cause dans une structure multipartite (Gravelle, 2012) lorsqu’une situation irrégulière se présente. La diversité se manifeste dans la présence de chaque individu. Elle est accentuée par les mouvements migratoires58 de la population. Les écoles deviennent de nouveaux points de rencontre de la diversité culturelle. La gestion de la diversité met en valeur les différences sans négliger les tensions qui lui sont liées (MELS, 2008). En reconnaissant cette diversité,

58Sans non plus réduire cette diversité à la mobilité de la population, lorsqu’elle couvre d’autres différences entre

nous posons comme condition de départ que chaque cas comporte potentiellement des conditions spécifiques qui pourraient passer inaperçues aux termes des encadrements généraux, d’où le besoin d’autonomie des établissements pour adapter les exigences aux besoins des diverses communautés (MELS, 2009 ; LRQ 1-13.3, Art 37). Notre première préoccupation est de pouvoir transcender les normes de service et la règlementation impersonnelle lorsqu’elles sont mal adaptées aux situations vécues (Crozier, 1963; Selznick, 1966; Lipsky, 1980; Frederickson, 1971; Waldo, 1984). Cette capacité suppose la sensibilité à déceler les causes sous-jacentes et non apparentes des situations irrégulières, pouvant parfois couvrir des inégalités sociales. Reconnaitre ces raisons d’intervenir implique à priori l’idée qu’il soit possible d’envisager des solutions créatives (MELS, 2009), en exerçant un pouvoir discrétionnaire qui puisse traiter équitablement la spécificité d’une communauté dont la diversité oblige à tenir compte de la singularité de ses membres.

o Préoccupation 2 : Les enjeux complexes d’intérêt public/politique

Nous désirons aussi tenir compte de la complexité des situations auxquelles s’exposent les établissements d’enseignement, ainsi que de la complexité grandissante du rôle de directeur (Brassard, 2007), et que les décisions locales puissent traiter d’enjeux d’intérêt sociopolitique qui dépassent l’horizon de pensée59 de ceux directement en contact avec le terrain (Peters, 1996; Issalys et Lemieux, 2002; Kooiman, 2003). C’est-à-dire que nous croyons pertinent de lier la discrétion d’agir équitablement lors de situations délicates, à une vision d’ensemble qui véhicule des valeurs démocratiques60 (Brassard 2004; 2007). Cette préoccupation concerne donc l’intégration stratégique et délibérée des décisions locales, au processus de la décision politique. Un directeur a l’occasion d’encourager l’adhésion aux objectifs institutionnels, non seulement dans une logique de collaboration à la réalisation du projet éducatif de l’établissement d’enseignement, mais également, d’équilibre avec les choix d’une société démocratique.

59En référence à l’étendu de la responsabilité de prévoir inhérente à une base d’action. 60En faisant appel à un jugement socialement responsable.

o Préoccupation 3 : Le caractère dynamique du changement

Finalement, la décision d’exercer un pouvoir discrétionnaire devrait ultimement se traduire en actions concrètes. Cette troisième préoccupation soulève que le besoin d’exercer un pouvoir discrétionnaire (préoccupation 1) et de prendre en considération la complexité des enjeux d’une décision (préoccupation 2), devrait ultimement conduire aux changements des conditions de départ qui justifiaient l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Le besoin d’adapter l’action est continu. Les changements apportent de nouvelles conditions. Ces occasions d’agir en marge du prévisible ne peuvent être clairement définies au préalable (Merikoski, 1958; Garant, 2010). Nous associons à cette préoccupation l’implication active des directeurs d’école, lorsqu’il y a lieu d’orienter, sur le fait, les changements qui se concrétisent. C’est-à-dire repousser les limites contraignantes (MELS, 2008) afin d’appuyer une puissance d’agir en temps réel.

L’analyse de la problématique a pour but d’identifier les connaissances qui permettraient de combler l’écart entre celles que nous avons et celles que nous devrions avoir (Gauthier, 2003). Cet écart c’est la compréhension du besoin d’assurer une « jonction stratégique » entre les décisions opératoires61qui font partie du quotidien des organisations publiques, et les étapes en amont du processus de la décision politique qui émanent de l’agenda politique. Nous y voyons un rapprochement disciplinaire possible entre le management des politiques publiques et le management des organisations publiques (Emery et Giauque, 2005). Cette approche met en contact le processus de la décision politique, le processus de la décision managériale, et le rôle stratégique que peut jouer une base d’action administrative dans ce rapprochement, au regard de l’intérêt général. Cette thèse se situe à un niveau de pensée stratégique, dans l’optique du management des politiques publiques.

L’étude de l’objet empirique permet d’envisager que les directeurs des établissements d’enseignement du primaire puissent assumer ce rôle, « une jonction stratégique », et qu’il soit pertinent d’évaluer leur capacité à exercer une influence qui contribue activement, en temps

61Que nous avons exprimé sous forme de trois préoccupations : décider qu’il y a opportunité d’agir, faire des

réel, au processus d’actualisation de la politique d’éducation. Cette influence concerne le pouvoir discrétionnaire des intervenants de première ligne62, l’autonomie accordée aux écoles, et l’actualisation d’une politique publique qui s’opère en y apportant un contenu substantif. L’état optimal a pour condition de satisfaire les trois préoccupations soulevées plus haut.

L’analyse de la problématique – assurer une jonction stratégique – conduit ainsi à la question générale suivante :

Comment les directeurs des établissements d’enseignement du primaire peuvent-ils assumer le rôle stratégique qui accompagne l’autonomie que le gouvernement du Québec accorde aux établissements d’enseignement, pour mettre en œuvre la politique d’éducation?

La question de recherche est pertinente puisqu’elle aborde un élément critique de la stratégie intentionnelle d’intervention du MELS. La politique d’éducation prévoit que les établissements doivent définir leur projet éducatif, et adapter, au besoin, le Régime pédagogique. La mise en œuvre de la politique d’éducation sera grandement influencée selon que cette plus grande autonomie soit ou non assumée, et dans le cas échéant, comment elle le sera. En lui accordant plus d’autonomie, l’école est responsabilisée, pour que les acteurs qui œuvrent en son milieu puissent développer une identité propre, et parce qu’elle requiert un pouvoir réel pour réaliser la « nature même de la finalité de l’école, l’activité éducative qui s’y déroule » (Bisaillon et al, 2009, p.16). Cette autonomie semble difficile à assumer, entre autres, à cause du type de gouverne dans lequel l’école publique évolue (Bisaillon et al, 2009), et aussi, parce que la conception professionnelle du rôle de directeur n’est pas partagée.

À cet effet, les directeurs divergent sur l’interprétation de l’identité professionnelle du poste de directeur (Brassard, Cloutier et al, 2004). Les exigences légales, règlementaires, et concrètes de la fonction de directeur auraient fait évoluer cette identité en faveur d’un rôle d’intendance, en comparaison à la gestion pédagogique. Nous croyons pertinent d’interpréter la professionnalisation du rôle des directeurs d’établissement d’enseignement d’un point de vue plus global que les fonctions d’intendance et pédagogiques considérées en isolation. La problématique soulevée

ajoute une dimension stratégique au rôle de directeur d’école qui ne peut échapper à leur identité professionnelle, dès lors que l’État favorise une offre diversifiée, qui s’adapte par elle- même aux besoins évolutifs de sa population.

Cette dimension politicostratégique que nous conférons au rôle de directeur d’école, apparait peu explorée, parfois mentionnée, mais non exploitée. Nous prétendons que cette dimension stratégique, du rôle de directeur d’école, soit indissociable de la question d’autonomie. Pour qu’un établissement d’enseignement puisse assumer une plus grande autonomie, nous avançons qu’il revient à son directeur non seulement d’assurer la gestion des fonctions d’intendance ainsi que la direction pédagogique, mais également, de s’investir, à son échelle, dans la gestion d’un environnement politicostratégique qui rende cette autonomie justifiable63. Cette prise en charge force un questionnement sur le développement des habiletés de direction d’une école au-delà du contrôle efficient des ressources et des résultats. Elle oblige à traiter l’autonomie à la fois aux fins de la réalisation du projet éducatif de l’établissement, et également, au sens stratégique que nous soulevons, aux fins de la mise en œuvre de la politique d’éducation.

Nous avançons que les directeurs des établissements d’enseignement ont l’occasion et l’obligation de générer autour d’eux une puissance d’agir qui permettrait aux établissements de développer une identité adaptée à leur environnement, en tenant compte des encadrements nationaux. Ils pourront ainsi activement contribuer à l’actualisation de la politique d’éducation. La stratégie de mise en œuvre de la politique d’éducation se veut, du moins en intentions, sensible à cette puissance d’agir. Par conséquent, en évaluant si les directeurs des établissements d’enseignement peuvent assumer la fonction stratégique implicitement attendue d’eux, nous proposons une façon d’évaluer, en son point critique, la robustesse de la politique d’éducation, lorsque des frictions s’interposent au déroulement prévu. Notons que nous recherchons des explications structurantes, plutôt que le traitement des effets sociaux.

63Nous avons soulevé plus tôt que ces enjeux peuvent se manifester au quotidien sous plusieurs formes (Annexe

A) et demandent à être traités au regard des encadrements nationaux de la formation des élèves. Ils peuvent aussi concerner d’autres enjeux qui opposent les attentes du CE, de la commission scolaire, et du MELS.

3 L

A RECENSION DES ÉCRITS

Introduire les concepts qui permettent d’élaborer des solutions à la problématique soulevée