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Le courant institutionnaliste accorde une importance significative aux structures et au désign institutionnel parce qu’ils sont le produit d’un acte délibéré sur les « règles du jeu » (Klijn et Coppenjam, 2006). L’analyse structurale permet d’interpréter la capacité politique de

126Nous avons déjà soulevé dans la problématique une cacophonie que nous pouvons expliquer par la présence de

différents modes de gouvernance qui se prêtent à des hybridations, en se superposant.

127La décentralisation des décisions devrait correspondre au champ de compétences associées au poste.

l’administration publique, en se penchant sur les mécanismes d’influence pouvant générer une puissance d’agir. Cette approche met en relation l’institutionnalisation des règles et des structures formelles, avec les structures informelles. Ces structures informelles confèrent aux organisations un caractère organique adaptatif, indépendamment des caractéristiques personnelles des dirigeants (Selznick, 1958). Cette puissance d’agir peut émerger lorsque des individus interagissent dans une forme quelconque de structure relationnelle, affectée par des règles et des ressources, selon qu’elles soient contraignantes ou habilitantes (Tsoukas, 1989, p.554).

Laisser émerger une puissance d’agir et planifier un mode d’action sont des approches fondamentalement différentes, bien que, pour s’adapter à leur environnement, même les systèmes d’action les plus complexes129 aient besoin de « régularités ». Avec l’expérience, certains postes, strange attractors points, permettent de décoder les boucles d’apprentissage sous-jacentes à la logique de changement, et de générer des attentes réciproques qui faciliteront la convergence en dépit d’un chaos apparent (Bovaird, 2008). Pour identifier le positionnement organisationnel propice à ce rôle régulateur et structurant130il est nécessaire de « rechercher les points sensibles, d’amplification ou d’inhibition […] faciliter le rétablissement des équilibres par une décentralisation qui permette de détecter les écarts au mieux, là et quand ils se produisent » (Rojot, 2003, p.116).

L’analyse structurale concerne les structures relationnelles et d’interdépendances (Sayer, 2004). Elle aide à révéler des relations dont la forme « obéit à des principes d’organisation qui échappent plus ou moins à la conscience des acteurs sociaux et auxquels ils peuvent difficilement déroger » (Lemieux, 2004, p 10). Ces principes résideraient dans les propriétés potentielles du référent, et celles-ci seraient activées lorsque des circonstances appropriées sont présentes.

Le positionnement des acteurs aurait des conséquences comportementales importantes, notamment la « position centrale » (Lemieux et Ouimet, 2004) – men in the middle (Broom et Selznick, 1958) – lorsqu’elle génère des relations réciproques (Knoke, 1990, p.10). Lemieux (2006) s’appuie sur deux théories explicatives, la groupabilité (clusterness) et la connexité, pour proposer un

129En référence à des systèmes adaptatifs et complexes CAS (Complex Adaptative Systems).

modèle qui se concentre sur l’analyse des relations d’influence responsables de la régularisation des rapports de conflits ou de coopération. Le principe de groupabilité explique, selon le sens positif ou négatif des relations, comment les acteurs se regroupent en blocs internes pour coopérer, et externes lorsqu’ils s’opposent (Lemieux, 2006). Leur sensibilité au calcul politique est une tentative d’occuper des positions « satisfaisantes » (Lemieux, 2006, p.67; Simon, 1987, p.204). Le positionnement dépendra donc du type de contrôle exercé sur les moyens d’action qui affectent les relations de pouvoir.

La distribution de pouvoir entre acteurs ainsi que la capacité à générer des relations réciproques confèrent un positionnement central (Knoke, 1990, p.10). Le positionnement d’une base d’action dépendra alors du contrôle exercé sur les moyens d’action qui affectent les relations de pouvoir. Les bases d’action regroupent des acteurs selon leurs relations internes positives, à savoir : « les postes, ou moyens positionnels, sont en quelque sorte des bases d’action d’où partent et arrivent des relations avec d’autres acteurs » (Lemieux, 2006, p.18). Cette définition cible les pouvoirs qui émanent d’un tout, plutôt que de ses composantes. Elle permet d’analyser le rôle important de l’équipe de direction sur l’apprentissage collectif.

Le Tableau 3.2 de la page suivante présente six moyens d’action, en ordre croissant d’importance relative131, selon leur capacité à être contrôlants. C’est-à-dire : « la capacité d’un moyen d’être contrôlant est définie par sa plus ou moins grande détermination des autres moyens » que détiennent leurs titulaires pour s’assurer que les opérations se déroulent conformément à leurs préférences (Lemieux, 2006, p.19). Les normes132 (valeurs), les liens (relationnels) et les postes déterminent les trois autres (informations, commandes et supports). Les moyens normatifs et informationnels étant les moins apparents, ils ont une capacité à ne pas être contrôlés. Les postes et les supports matériels étant les plus visibles, la capacité à être contrôlés est plus élevée.

Tous ces moyens permettent d’exercer une influence soit positive (habiliter), soit négative (contrainte). L’inclinaison positive ou négative est en fonction des préférences du destinataire.

131L’importance réfère au degré d’influence, et non de la nature du moyen.

132Les normes (valeurs) est le moyen d’action le plus contrôlant en ce qu’il a un effet déterminant sur tous les

L’influence positive est un atout parce qu’elle s’harmonise aux préférences du destinataire. Inversement, elle est négative lorsque cette influence contraint le destinataire à prendre action à l’encontre de ses préférences. L’orientation positive ou négative n’exprime aucun jugement sur les effets de l’action qui découle de l’influence.

Tableau 3.2 Moyens d’action en ordre croissant selon leur capacité à être contrôlants MOYENS

D’ACTION NATURE DU CONTRÔLE

Supports

Le contrôle des moyens de support est constitué de ressources « transmissibles et déperditives » (Lemieux, 2006, p.18), tels que les ressources matérielles et humaines, l’enveloppe budgétaire, le temps accordé… . Les ressources additionnelles peuvent être un atout pour le destinateur d’influence qui désirerait habiliter les initiatives d’un destinataire d’influence, en accord avec les préférences de ce dernier. Par contre, les supports peuvent être un enjeu de contrôle pour contraindre les choix ou l’action.

Commandes

La dimension « commandes » permet d’exercer un contrôle direct sur l’action, dans une relation hiérarchique. L’action suit un processus délibéré (de planification) qui s’opérationnalise par les commandes d’un destinateur sur un destinataire, soit verbalement, soit par l’entremise de consignes standardisées écrites. Elles servent à régulariser les comportements par des moyens formels.

Informations

Ce type de contrôle se présente comme une forme de support, mais de nature non matériel. Le contrôle « d’informations » s’articule autant autour des canaux formels de communication, qu’autour des canaux informels (Crozier, 1963). L’utilité indicative (et non normative) de l’information s’insère en marge des moyens actionneurs. Elles sont un atout pour le destinateur d’influence.

Postes Les postes sont des « bases d’action » d’où partent et arrivent des relations avec d’autres acteurs. Ils évoquent des capacités qui leur confèrent une influence, un pouvoir selon leur composition (effectifs133). Ils sont disposés selon un ordre total ou partiel. (Lemieux, 2006, p.18)

Liens

Ces moyens renvoient à la dimension « sociale », relationnelle, externe aux relations impersonnelles de commandement, issues de l’autorité hiérarchique. Les mécanismes de coordination en cause sont communicationnels, pour établir des liens. Cette dimension interactive est socialisante, et offre un véhicule par lequel l’intelligence collective peut se développer.

Normes

Les valeurs agissent non sur l’action, mais sur ce qui peut conditionner l’action, en tissant une toile de fond sur laquelle le jugement peut s’appuyer. La dimension normative guide la capacité de juger selon une échelle de valeurs qui sert d’ancrage à la relation « moyens – finalités ». Ce moyen d’action s’immisce dans une dimension politique, qui réfère à un « contrat social », en faisant valoir un « autrui-généralisé » (Habermas, 1987), en fonction d’un système de justifications (Boltanski et Trévénot, 1991).

Note : En ordre croissant d’importance selon la capacité à être contrôlants : allant des supports aux normes

Nous comparons ces moyens d’action à des mécanismes générateurs qui produisent des effets de champ ou de structure (Koöler, dans Piaget, 2007) sur un objet multidimensionnel. Leur contrôle

133Les postes sont une sorte de quantification des effectifs. Un poste collectif aurait une quantification plus

importante qu’un poste individuel (Lemieux, 2006, p.17). Les effectifs sont une modalité de ce moyen d’action (poste) et non le moyen d’action en lui-même.

permet de générer une puissance d’agir. Par l’entremise de ce contrôle, une base d’action pourrait exercer une influence déterminante sur celles qui l’entourent. La « position structurale d’acteur dominant » permet d’exercer une relation de pouvoir (influence), directe ou indirecte, sur chacun des autres acteurs, lorsqu’au moins un autre acteur peut également exercer une relation de pouvoir sur ce premier134 (Lemieux, 2006, p.68). Ce positionnement permet d’induire l’unité d’action, et nous nous intéressons à ces postes parce qu’ils sont en position de potentiellement contribuer au processus d’orientation et de renouvèlement des politiques publiques. L’analyse structurale se prête à l’évaluation de la capacité politique d’une base d’action qui exerce un contrôle déterminant sur différents moyens d’action. Les relations d’influence qui s’en suivent peuvent affecter la régulation des affaires publiques (Lemieux, 2006), en s’interposant dans les interactions des sous-systèmes politique, organisationnel, professionnel et socioéconomique. Les différents facteurs en cause méritent d’être abordés davantage du point de vue de la complexité que de la contradiction (Winter dans Meyers et Vorsanger, 2003). Surmonter cette complexité renvoie à l’idéal d’un bien commun, et dépend de l’influence positive et critique des agents de changements, lorsqu’ils font entrer en une relation de réciprocité, l’intérêt général et l’intérêt particulier. Ce rôle revient à l’administration publique parce que l’État est le seul à pouvoir légitimement l’assumer (Klijn et Koppenjam, 2000).