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Synthèse des résultats concernant l’expérience d’allaitement difficile

4.2 Expérience d’allaitement difficile ayant mené au sevrage

4.2.4 Synthèse des résultats concernant l’expérience d’allaitement difficile

En conclusion, les résultats provenant des questionnaires et de l’entrevue sur l’expérience d’allaitement difficile présentés en Figure 6 permettent de saisir la complexité du vécu pour les dyades mère-bébé. Les données des questionnaires permettent de constater que dès le séjour à l’hôpital, plusieurs des conditions suivantes étaient manifestes : un taux plus élevé de césarienne, des complications post-partum telles qu’hémorragie, séparation mère-bébé impliquant un délai pour initier le contact peau à peau, difficultés au niveau de la production lactée et de la prise du sein par le bébé, besoin de débuter des stratégies de soutien à l’allaitement ainsi que l’offre de compléments de préparations artificielles au bébé. Les réponses aux questionnaires, complétées par les données d’entrevue, montrent que les infirmières à l’hôpital ont offert un soutien instrumental apprécié pour faire face à ces difficultés, mais parfois un manque de cohérence d’une infirmière à l’autre ou de la maladresse ont été rapportés. À ce stade, il est mis en évidence dans les questionnaires et en entrevue que les mères ont profité de la présence proactive du père de leur bébé qui a tenté de les aider avec l’allaitement et les dispositifs d’aide.

Au retour au domicile, les mères ont mis en évidence, en répondant aux questionnaires, que les difficultés persistaient et que parfois malgré elles, elles ont complété l’allaitement avec des préparations artificielles. Avant d’en faire l’expérience, la majorité des mères disait vouloir essayer l’allaitement, mais une fois débuté, elles ont voulu persister malgré les difficultés. En entrevue, elles ont ajouté qu’étant très motivées à réussir l’allaitement, elles multipliaient les stratégies de persévérance pour éviter le sevrage. Elles ont qualifié l’allaitement comme étant difficile, compliqué, exigeant puisqu’elles consacraient une somme considérable de temps et d’énergie à nourrir leur bébé, ce qui est devenu rapidement une source de découragement, d’épuisement et de détresse. S’ajoute aux pleurs d’insatisfaction du bébé, l’insuffisance de gain ou la perte de son poids, ce qui affecte

le sentiment de compétence des mères. Toutes ont reçu le soutien instrumental et émotionnel des infirmières du CLSC et en entrevue, elles ont dit apprécier ce soutien. Elles ont confié aussi que le soutien du père de leur bébé demeurait important, il aidait avec les techniques d’allaitement, avec les stratégies de persévérance et émotionnellement, il tentait de refléter à la mère l’importance de son bien-être personnel. De retour au domicile, la persistance des difficultés a poussé certaines mères à penser au sevrage, mais avec la pression sociale omniprésente à allaiter, elles ont persisté encore. Elles ont expliqué qu’après tant d’efforts continuels infructueux, elles ont été ambivalentes face au sevrage, mais qu’elles ne voulaient pas s’y résigner. Il s’agissait d’un choix difficile et elles ne voulaient pas, en sevrant, décevoir les intervenants qui les soutenaient.

Après de multiples essais, elles ont confié être exténuées et confrontées au fait que leur bébé allaité ne gagnait pas suffisamment de poids, malgré le fait qu’il soit complémenté après les tétées. Face à ces facteurs déclencheurs, elles ont décidé de sevrer. En choisissant de nourrir leur bébé exclusivement au biberon, elles ont payé le coût émotionnel d’une culpabilité passagère décuplée par la pression sociale alors très vive. Malgré le sevrage de leur bébé, elles continuent à croire aux avantages de l’allaitement et confient vouloir le réessayer avec un prochain bébé.

En entrevue, s’exprimant sur l’alimentation au biberon, elles ont dit être soulagées que leur bébé soit nourri à satiété, de pouvoir contrôler les quantités de préparation artificielle prises, qu’il prenne du poids, qu’il dorme mieux et soit plus calme (diminution marquée des pleurs et de la frustration). Elles ont repris le contrôle sur leur horaire, pouvant désormais se reposer et s’accorder des moments à soi quand le père du bébé prenait la relève à son retour du travail. Celui-ci participait en assumant des boires et des soins au bébé. Les mères ont apprécié particulièrement ce partage avec le père de leur bébé. Par contre, en sevrant, certaines mères ont déploré perdre le soutien des intervenants qui les aidaient en période d’allaitement difficile. La pression sociale est persistante et parfois, les mères se font critiquer en donnant un biberon en public.

Figure 6. Synthèse de l’expérience d’allaitement difficile ayant mené au sevrage.

La prochaine section portera sur l’établissement de la relation mère-enfant dans ce contexte d’allaitement difficile ayant mené au sevrage. En guise d’entrée en matière, les propos de la participante 1 sont particulièrement intéressants, car ils illustrent le lien entre certaines conditions d’allaitement et la relation mère-enfant.

Si j’étais revenue à la maison plus tôt, je pense que mes chances (d’allaiter) auraient été meilleures. Et puis je pense que toute la frustration, parce que, à l’hôpital tu n’es pas poussée à la mettre au sein quand tu penses que c’est le bon moment, c’est à chaque fois qu’elle se réveille. Et puis, moi ce que je sentais de mon bébé c’est que des fois elle voulait, des fois c’était le temps, des fois ce n’était pas le temps. Et puis, si j’avais pu, si j’avais été encouragée à écouter les signes que cette enfant-là m’envoyait, la relation aurait été, le développement de la relation aurait été beaucoup plus facile (P1).