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4.2 Expérience d’allaitement difficile ayant mené au sevrage

4.2.3 Passage au biberon

Le principal critère d’inclusion pour la participation à l’étude était le vécu d’allaitement difficile ayant mené au sevrage. Avant leur recrutement à l’étude, les participantes avaient adopté le biberon comme mode d’alimentation. Cette sous-section, résumée dans le Tableau 12, porte sur le processus de décision ayant mené au sevrage et ses impacts sur les mères et leur bébé.

4.2.3.1 Processus ayant mené au sevrage

Le processus ayant mené au sevrage est divisé en deux dimensions. Premièrement, le processus de la prise de décision est examiné à la lumière des propos des mères et deuxièmement, les éléments déclencheurs ayant permis de concrétiser la décision de sevrer sont examinés.

La décision de sevrer survient alors que les ressources disponibles pour composer avec l’allaitement et les stratégies de persévérance à sa poursuite ont échoué à le rendre fonctionnel pour les dyades mère-bébé. Il ressort des propos des mères que la prise de décision s’est produite avec le temps et après beaucoup d’hésitation. Dans certains cas, elles ont assuré avoir pesé le pour et le contre de la poursuite d’un allaitement difficile. En plus, elles ont mentionné leur difficulté à se décider avant de sevrer : « Alors j’ai décidé d’arrêter. C’était dans la tête peut-être une semaine ou deux avant d’arrêter. […] Mais quand ta décision, pis c’est dur de prendre une décision […] J’étais un bout de temps ambivalente, par rapport à est-ce que je continue, est-ce que j’arrête ? » (P5). D’autres mères ont dit avoir pris la décision avec leur conjoint et le quart des participantes évalue avoir fait le bon choix de sevrer.

Pour mieux cerner ce processus de décision, il a été demandé à toutes les participantes d’identifier un élément qu’elles considèrent comme l’évènement ayant déclenché le sevrage. Elles ont admis qu’elles pensaient déjà au sevrage avant de prendre la décision et que souvent, l’élément déclencheur était simplement le moment où elles ont arrêté de tergiverser entre sevrer ou persister. La majorité parle de leur état personnel et moins de la moitié, de l’état de leur bébé comme élément déclencheur. Celles qui révèlent que leur état a déclenché le sevrage, parlent entre autres, d’un moment d’épuisement ou du sentiment d’avoir été au

bout des ressources : « Qu’est ce qui m’a décidé? L’élément déclencheur ça a été que, comme plusieurs facteurs en même temps, ce n’est pas juste une chose. […]. Je suis allée au bout du rouleau » (P11). L’une d’entre elles a rapporté les paroles d’une infirmière soulignant qu’il fallait qu’elle soit heureuse pour que son bébé le soit aussi, une autre a fait état de la contribution des douleurs aux seins et une d’un débit d’expulsion du lait trop lent.

Comme mentionné dans le Tableau 12, certaines ont identifié l’état de leur bébé comme étant l’élément ayant précipité le sevrage. Pour la majorité des mères, les préoccupations étaient à ce moment : la faim du bébé, la prise de poids insuffisante ou les signes d’insatisfaction.

Ben c’est quand l’infirmière venait le peser à toutes les semaines, puis là elle m’aidait puis là à un moment donné, j’ai essayé de pas faire le biberon, juste allaiter il avait descendu en bas de 4.5 lbs. Alors là, elle a dit oui je pense que tu dois mettre le biberon. J’ai tellement eu peur que là j’ai décidé d’arrêter d’allaiter et puis de donner juste le biberon pour qu’il grossisse (P7).

4.2.3.2 Passage au biberon : impacts sur la mère

Suite au passage au biberon, les mères ont rapporté des conséquences pour elles- mêmes : les impacts émotionnels et les aspects pratiques. Au niveau émotionnel, elles sont partagées entre la culpabilité et le soulagement. La moitié a tenu des propos en relation avec une culpabilité passagère associée à la décision de sevrer. Malgré cette culpabilité, elles ont relaté avoir été soulagées, avoir été moins stressées et avoir repris le contrôle sur elles-mêmes et sur l’alimentation de leur bébé suite au passage au biberon.

C’est moins pesant sur les épaules. Je pense parce qu’il n’y a plus de crainte, il n’y a plus d’appréhension. […] Fait que, j’vous dirais que moi j’étais libérée dans un sens face à la pesanteur de l’allaitement. […] Oui. Je trouve que oui. Je me sens mieux là-dedans. […] ça m’a un petit peu soulagée (P5).

De plus, la moitié des mères a rapporté des aspects pratiques à donner le biberon, notamment, pouvoir bénéficier d’une plus grande participation du père et le fait d’avoir plus de liberté : « Mais en même temps ça a changé la relation avec son père. Mon conjoint peut plus participer. […] Donc ça m’a donné un répit » (P10). Elles ont souligné pouvoir sortir avec leur bébé ou s’absenter plus facilement.

4.2.3.3 Passage au biberon : impact sur le bébé

En plus d’identifier des changements pour elles-mêmes lors du passage au biberon, les mères remarquent aussi des impacts sur leur bébé. Généralement, elles déclarent que leur bébé s’est adapté facilement au biberon, avec même parfois une meilleure régulation du sommeil; qu’il a démontré des signes de contentement, de satisfaction ou encore, il était heureux : « Puis, dès qu’on a donné le biberon, il faisait de bonnes nuits, […] son comportement a changé. Il était vraiment bien là. […] Il avait l’air plus heureux… » (P2).

Par contre, au niveau physique, il arrive que la digestion du bébé soit altérée par les préparations commerciales. Pour certaines dyades mère-bébé, cela fut problématique puisque le bébé a présenté des malaises gastro-intestinaux.

Il a beaucoup d’inconfort depuis qu’on a changé pour le biberon. Je pense qu’il a de la misère à digérer le lait. On a changé de lait trois fois. Il a beaucoup beaucoup d’inconforts, souvent il ne fait pas de sieste pendant la journée parce que il fait des gaz constamment. Il a des petites coliques (P4).

Tableau 12

Passage au biberon Processus ayant mené au

sevrage

Impacts sur la mère Impacts sur le bébé

 Prise de décision

- Ambivalence et peser les pour et contre (n = 4) - Difficile et progressif (n = 4) - Implication du conjoint (n = 3) - Bonne décision (n = 3) Éléments déclencheurs : - État de la mère (n = 9) - État du bébé (n = 5)  Niveau émotionnel : - Culpabilité passagère (n = 6) - Soulagement, reprise du contrôle (n = 6)  Aspects pratiques : - Liberté (n = 6) - Participation du père (n = 6)  Contentement - Bonne adaptation (n = 8) - Satisfaction (n = 5)  Inconforts gastro- intestinaux (n = 5)

Finalement, le passage au biberon représente une décision longuement réfléchie. Aucune ne pensait sevrer à l’hôpital, mais à la maison, avec la persistance des problèmes, elles ont commencé à se questionner sur leur capacité à allaiter. Elles ont vécu beaucoup d’ambivalence avant de prendre la décision de sevrer. Souvent après y avoir déjà pensé, c’est

un élément déclencheur, comme l’état nutritionnel du bébé ou leur état de fatigue, qui provoque le sevrage. Ce choix s’accompagne d’un sentiment de culpabilité, mais également d’un soulagement au niveau physique et émotionnel. Plusieurs mères ont constaté que leur bébé était finalement satisfait au biberon, même si quelques-unes ont déploré pour lui une moins bonne digestion du lait artificiel.