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Établissement de la relation mère-bébé suite au passage au biberon

5.1 Caractéristiques sociodémographiques et cliniques

5.3.2 Établissement de la relation mère-bébé suite au passage au biberon

Face à l’expérience d’allaitement difficile, les mères de l’étude ont opté pour le sevrage. Leurs propos permettent de dégager qu’en quelque sorte, le sevrage s’accompagne du sentiment que la relation avec leur bébé s’améliore. L’établissement de la relation mère- bébé dans cette sous-section est décortiqué selon les cinq composantes du modèle au stade du passage au biberon.

5.3.2.1 Cinq composantes du modèle de la relation mère-bébé

Les résultats ont mis en relief qu’au niveau de la découverte, la connaissance du bébé s’est accrue au sevrage. Aucune information n’a été retrouvée dans les écrits pour cet élément précis. Cette étude apporte comme nouveauté qu’en mettant fin aux défis d’une expérience d’allaitement difficile, les mères deviennent plus conscientes de la personnalité de leur bébé. Par ailleurs, il faut mentionner que la connaissance du bébé s’accroit naturellement avec le temps (Bell, 2002). Évidemment, au moment du sevrage, les bébés étaient plus âgés, les mères découvraient de plus en plus leur caractère. Il est donc impossible de dire que ce n’est que la disparition des défis de l’allaitement avec le passage au biberon qui est responsable du fait que les mères connaissent mieux leur bébé à ce moment.

Le contact affectif aussi s’est un peu transformé pour les dyades mère-bébé de l’étude. Vu que le stress des difficultés de l’allaitement avait disparu, les mères ont perçu que le soulagement se partageait entre elles et leur bébé. Il s’agit d’un résultat original à la présente étude. Dans des études antérieures, les mères mentionnaient du soulagement pour elles-mêmes, mais pas l’impression que celui-ci était partagé par leur bébé (Shakespeare et al., 2004; Hoddinott et al., 2012). Le fait que la mère soit en mesure de reconnaitre un partage dans le soulagement est un élément positif indiquant sa sensibilité maternelle. Effectivement, les mères de l’échantillon détenaient une bonne sensibilité maternelle selon leurs réponses au questionnaire sur ce thème, facteur qui peut expliquer qu’elles étaient en mesure d’identifier des changements dans les émotions de leur bébé. Cette capacité

d’attention émotionnelle retrouvée chez les participantes joue un rôle spécialement pour l’attachement sécurisant du bébé (Voort et al., 2014).

Aucune étude consultée n’a mentionné ce qui se produit avec la proximité

physique suite au sevrage. Cependant l’une d’entre elles, qui comparait la durée des

contacts physiques entre celles qui allaitent et celles qui donnent le biberon (Smith et Ellwood, 2011), révélait que les premières ont plus de proximité physique que les secondes. La présente étude dépeint la situation tout autrement. Le résultat qui s’y dégage est que suite à leur expérience d’allaitement, les mères ont voulu maintenir le rapprochement physique apprécié qu’offre l’allaitement. Aucune des études répertoriées n’a décrit ce phénomène du désir de maintenir un rapprochement suite au sevrage. Les mères ont même décrit des stratégies qu’elles ont utilisées pour conserver la proximité avec leur bébé. Ce constat montre que même suite au sevrage, le fait d’avoir eu une expérience d’allaitement avec ses multiples occasions de proximité physique a un impact positif sur le rapprochement dans la relation mère-bébé. Autrement dit, il se peut qu’en ce qui a trait à la proximité physique, l’allaitement, même s’il est difficile et mène au sevrage, représente un avantage à long terme pour la relation mère-bébé incitant à la proximité dès la naissance. Ceci amène à penser qu’une expérience éphémère, ou même la simple initiation à l’allaitement, pourrait permettre d’établir une proximité plus intime avec le bébé.

Au niveau de la communication, les résultats de la présente étude ont montré qu’elle a été facilitée suite au passage au biberon. Les défis de l’allaitement difficile disparus, les mères ont rapporté plus de communication avec leur bébé. L’étude de Larsen et Kronborg (2013) relate aussi plus de communication suite au sevrage. Les mères consultées dans cette précédente étude convenaient qu’elles avaient alors plus de temps pour des interactions, notamment pour jouer avec leur bébé. Donc, pour cette composante de la relation mère-bébé, le résultat de la présente étude confirme ce qui a déjà été rapporté par Larsen et Kronborg. Cette concordance dans les résultats des études ajoute du poids au fait que suite à une expérience d’allaitement difficile, le passage au biberon apporte variété et souplesse dans les échanges mère-bébé. Par contre, il faut considérer que la maturation du nourrisson peut être responsable, au moins en partie, de l’évolution de la communication. Que les bébés aient grandi depuis l’expérience d’allaitement difficile

suffit à se demander à quel point le sevrage joue sur l’évolution de la communication. Par contre, la différence incontestable est que les mères deviennent plus conscientes de la communication avec leur bébé.

Larsen et Kronborg (2013) ont rapporté que l’engagement maternel était affecté par la culpabilité du sevrage. Les participantes de la présente étude l’ont aussi ressenti et ont élaboré davantage sur cette culpabilité que dans les écrits précédents. Par exemple, les mères ici ont insisté sur le fait que leur culpabilité a été passagère. Elles ont aussi élaboré sur la culpabilité en expliquant que ce fut une période où elles se sont questionnées, se demandant si le fait de sevrer faisait d’elles de mauvaises mères. Elles en sont arrivées à la conclusion qu’elles assumaient très bien ce rôle sans allaiter. Elles ont aussi décrit que leur rôle de mère était rempli de satisfactions et qu’elles se sentaient pleinement engagées dans la relation avec leur bébé. La description faite par les mères de l’engagement maternel suite au sevrage dépasse ce qui avait déjà été effleuré par d’autres auteurs. Les propos des mères ont permis d’étayer l’engagement dans la relation avec le bébé suite au passage au biberon. En somme, suite au sevrage, les participantes apprécient pouvoir se concentrer sur la relation et rapportent ressentir un bon lien avec leur bébé. Si cet élément se retrouvait dans la littérature consultée, ce portrait complet de la relation mère-bébé, suite au passage au biberon, apporte une toute nouvelle perspective sur l’évolution de la relation, ce qui ne se retrouvait pas dans les écrits. Effectivement, les résultats illustrent que les défis temporaires pour la relation pendant l’expérience d’allaitement difficile ont tous été réglés suite au passage au biberon, mais qu’en plus, les mères ont rapporté une connaissance accrue de leur bébé, de nombreuses occasions d’échanges réciproques, souples et ludiques avec lui et la perception d’un soulagement émotionnel partagé lors des boires. Cette description est innovatrice, par rapport aux connaissances existantes. Finalement, les mères de la présente étude ont confié qu’elles ont déployé des efforts pour maintenir le rapprochement physique qu’elles ont aimé pendant l’allaitement, description jamais faite par des mères dans les études consultées. Par contre, il se peut que les mères acceptant de participer à une étude sur la relation mère-bébé, aient à la base une préoccupation plus élevée pour cette relation et soient de celles qui s’y investissent plus, dénotant peut-être à la base un engagement maternel supérieur.

5.3.3 Établissement de la relation mère-bébé sans égard au contexte d’alimentation