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Partie IV.  Référentiel expérimental

2.  Observations de terrain

2.6.  Synthèse des observations

Au total ce sont donc 13 foyers expérimentaux qui sont considérés ici. Les réflexions issues des observations menées sur le terrain sont déjà riches en enseignements en particulier sur l’aspect fonctionnel des différents types de foyer qui ont été réalisés.

Du point de vue des types de combustible, les résultats confirment s’il en était besoin les conclusions des travaux d’I. Théry-Parisot et C. Costamagno concernant l’usage de l’os comme combustible (e.g. Théry-Parisot, 2001 ; Théry-Parisot et Costamagno, 2005). Utilisé conjointement au bois, ce type de matériaux permet notamment l’obtention de flammes relativement hautes. Cependant l’absence de braises formées à partir de ce combustible se révèle être un caractère déterminant. Bien qu’il s’agisse d’une observation à objectiver, il semble que la chaleur émise par ce type de combustible est peu importante (absence de conduction ?) ce qui peut être un atout comme un désavantage en fonction des objectifs techniques recherchés (feu d’éclairage vs feu de chauffage par ex.).

Le caractère hautement contraignant de ce combustible paraît devoir être une nouvelle fois souligné (Rapport RGT 2006). En effet, si certains travaux ont montré que l’utilisation de l’os permettait de prolonger la durée de fonctionnement des foyers (Théry-Parisot, 2001 : p. 142 par exemple), il semble que cela ne soit le cas que dans des conditions optimales. Il s’agit notamment de fracturer le plus possible les os, et de veiller constamment à leur exposition aux flammes. Sans quoi le foyer s’étouffe en l’espace de quelques minutes. Cet aspect parait suffisamment prégnant pour que l’utilisation de l’os en tant que combustible dénote un choix technique fort, impliquant une dépense de temps et d’énergie importante. A priori, une telle démarche s’inscrit difficilement dans une utilisation opportuniste et/ou expédiente des foyers à os (Théry-Parisot et Costamagno, 2005).

Par ailleurs, il a été vu que si l’utilisation de bois vert paraît peu envisageable dans l’optique d’un foyer fonctionnant durablement et intensément, celle du bois humide est tout à fait probante. Bien que, comme pour l’os, une petite quantité de bois sec soit nécessaire pour l’allumage, l’humidité contenue dans le bois est rapidement évacuée et le combustible retrouve des capacités d’usage comparables à celles du bois sec.

En ce qui concerne le fonctionnement des foyers à proprement parler, différents critères descriptifs pour essayer de comparer ces foyers les uns aux autres ont été retenus :

െ Quantité de combustible; െ Durée;

െ Vitesse de combustion; െ Énergie émise.

Les durées de fonctionnement enregistrées résultent à la fois de la quantité de combustible et de la façon dont le foyer est alimenté. Pour exprimer ce dernier paramètre, la vitesse de combustion est apparue comme un outil efficace. L’énergie émise, calculée en fonction du type et de la quantité des combustibles, permet de dresser un bilan de chaque expérimentation. Cependant, il apparaît à la fois que l’estimation du pouvoir calorifique de l’os est incertaine et que les processus de transfert de chaleur (convection, rayonnement et conduction) doivent être mieux cernés pour tirer pleinement parti de ce paramètre.

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Partie IV: Référentiel expérimental

L’unité de base de nos expérimentations était un foyer à plat simple fonctionnant avec 5 kg de pin sec. Différents paramètres ont ensuite été variés séparément : la quantité de combustible, le nombre d’utilisations, la présence d’os et enfin la cuisson de viande.

En terme de durée de fonctionnement, il a été vu qu’une quantité de 5 kg de pin sec permettait le fonctionnement d’un foyer pour une durée de deux heures à deux heures et demie en fonction de la vitesse de combustion (2.5 à 2 kg/h ; voir par exemple le foyer 2012J et les différentes réutilisations de 2012D). En augmentant la quantité de combustible (foyers 2012E, F et G), les durées de fonctionnement se sont allongées, mais les vitesses de combustion également. Pour ces trois foyers, les durées constatées sont nettement en deçà de ce qui aurait pu être obtenu en maintenant une vitesse de combustion proche de 2 kg/h. Le rôle de l’utilisateur est ici central, mais il est aussi probable que le développement d’un lit de braises plus important permette également d’expliquer cette hausse de la vitesse. Le fonctionnement de ce type de foyer est donc plus intense à mesure que l’on augmente la quantité de combustible impliqué.

Ces données ont ensuite été confrontées aux stigmates observés en plan et surtout en coupe. Deux phénomènes ont principalement été suivis (Figure IV.38):

െ Épaisseur de sédiment rubéfié; െ Épaisseur de sédiment noirci.

Dans tous les cas le sédiment est rubéfié sous les foyers. La couleur de cette rubéfaction est plutôt semblable d’un foyer à l’autre, adoptant une teinte rouge orangé se rapprochant à l’état humide d’un 10R4/8 (Munsell Soil Color Charts) tranchant bien avec l’encaissant, qui à l’état naturel tire sur le brun clair proche d’un 2.5Y5/6 (idem). Cependant cette rubéfaction présente une certaine variabilité à la fois sur le plan vertical et sur le plan horizontal.

Sur le plan vertical, la rubéfaction affecte une épaisseur très variable du sédiment (1,5 à 5,5cm ; 2,7 cm en moyenne), avec une limite basse assez bien marquée d’un point du vue macroscopique. L’épaisseur de sédiment affecté semble avant tout dépendre de l’intensité de la combustion. En effet nous avons constaté que les foyers utilisés à plusieurs reprises selon une intensité modérée (2012B, C et D) présente des épaisseurs de sédiment rubéfié nettement moins importantes que les foyers ayant fonctionné à une seule reprise avec la même quantité de combustible, mais pendant moins longtemps (2012E, F et G ; Tableau IV.9).

Utilisation multiple 2012B 2012C 2012D Utilisation unique 2012E 2012f 2012G

Combustible total (kg) 2*5 4*5 10*5 Combustible (kg) 10 20 50

Durée totale 314 593 1455 Durée 202 291 560

Vitesse combustion

moyenne (kg/h) 1,92 2,05 2,1 Vitesse combustion moyenne (kg/h) 2,97 4,12 5,35 Épaisseur rubéfiée (mm) 22 19 26 Épaisseur rubéfiée (mm) 33 37 55

Tableau IV.9: Comparaison de foyers à utilisations uniques et multiples.

La quantité totale de combustible ainsi que la durée de fonctionnement ne sont donc pas des paramètres permettant d’expliquer l’épaisseur de sédiment rubéfié (Tableau IV.10). C’est la mise en parallèle de ces deux éléments, sous la forme d’une vitesse de combustion, qui permet de décrire l’intensité du fonctionnement.

Rubéfaction max (mm)

Rubéfaction max (mm) 1

Durée (min) 0,106146788 Combustible (kg) 0,52032622

Vitesse (kg/h) 0,743870738

Tableau IV.10: Matrice de corrélation concernant la rubéfaction (toutes les expérimentations sont prises en compte).

Plus largement, les vitesses de combustion relativement basses (≈ 2 kg/h) causent une épaisseur rubéfiée proche de 20 mm, même en cas de réutilisation. Les vitesses de combustion plus élevées (> 2,5kg/h) vont permettre la rubéfaction d’une épaisseur de sédiment plus importante (jusqu’à 55mm). Toutefois, cette augmentation n’est pas linéaire, d’autres paramètres doivent certainement rentrer en ligne de compte : conditions météo, humidité du sol, disposition du combustible entre autres. Le foyer 2013D par exemple présente une épaisseur de sédiment rubéfié relativement importante (37 mm) alors que la vitesse moyenne de chacune de ses trois utilisations n’est pas particulièrement élevée (2,6 km/h).

Le cas des foyers ayant impliqué l’utilisation d’os comme combustible s’insère plus difficilement dans ce modèle. En effet, bien que les quantités de combustible soient élevées pour des durées de fonctionnement relativement courtes (et donc une vitesse de combustion élevée), les épaisseurs de sédiment rubéfiées sont peu importantes. Si lors de nos expérimentations nous avons constaté, certes très empiriquement, une chaleur émise par radiation moins importante autour de ces foyers, il semble donc que la chaleur transmise par conduction dans l’encaissant sédimentaire ait été également moins importante. Cela confirme les observations de I. Théry-Parisot selon lesquelles les températures de combustion de l’os et du bois sont comparables, mais l’énergie dispensée par l’os est bien moindre que celle du bois (os : < 1915 kcal/kg, Pinus sp. : 4618 kcal/ kg ; Théry-Parisot, 2001).

Sur le plan de la variabilité horizontale, nous avons noté que la plupart de nos foyers expérimentaux présentaient une épaisseur de rubéfaction maximale au centre de la structure, mais que dans quatre cas (2012D, 2012C1 2012F et 2012J) cette épaisseur était atteinte en direction de la périphérie de la structure. Aucun élément dans le fonctionnement de ces foyers, ou dans la nature de l’encaissant, tel qu’observé sur le terrain ne nous permet d’expliquer cette différence notable.

Tous les foyers expérimentaux présentent, en plus du sédiment rubéfié, un niveau de sédiment noirci sur une épaisseur et selon une intensité variables. Ce noircissement est localisé en sub-surface et en sub-surface des foyers et recouvre visiblement le faciès rubéfié mentionné précédemment. Son épaisseur est très variable (2 à 25 mm, 6 mm en moyenne) :

െ Il est peu épais pour les foyers à bois (2 mm environ) sauf dans les cas du foyer réutilisé 10 fois (2012D :7 mm) et du foyer ayant fonctionné avec du bois vert résineux (2013F : 5 mm); െ Il est épais dans les foyers à os (2012H : 20 mm ; 2012I : 5 à 25 mm si l’on considère le faciès

grisâtre observé comme une expression du même phénomène;

െ Il est également épais dans le cas des foyers à bois ayant servi à la cuisson de viande (2013D : 15 mm ; 2014 : 11 mm).

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Partie IV: Référentiel expérimental

Il semble donc que la nature du combustible soit un premier facteur favorisant la mise en place de ce noircissement. L’utilisation d’os est à ce titre particulièrement opérante, mais dans une moindre mesure l’emploi de bois vert est également à mentionner. D’autre part, la cuisson de viande conduit elle aussi au noircissement de la partie supérieure des soles. Dans une moindre mesure, il a été vu que le fonctionnement répété d’un même foyer à bois pouvait conduire à l’augmentation de l’épaisseur du fin liseré noirci qui caractérise tous les foyers à bois.

Figure IV.38: Schéma de synthèse des observations conduites sur les foyers expérimentaux (épaisseurs indicatives).