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Partie IV.  Référentiel expérimental

3.  Étude micromorphologique des structures expérimentales

3.4.  Faciès noircis de surface et subsurface

3.4.5.  Enrichissement en MO animale amorphe non altérée (M2)

Le sommet de la lame mince provenant de l’expérimentation M2 présente peu de différences avec le faciès naturel de l’encaissant. Tout au plus peut-on noter un léger assombrissement des premiers millimètres en PPL et XPL (Figure IV.64). En OIL, aucune variation n’est observable. À fort grossissement la présence de zones plus brunes au sein de la micromasse explique les quelques variations observées.

Nous pouvons également noter la présence de quelques concentrations de MO amorphe partiellement oxydée au sein de la porosité du sol et parfois imprégnant ou recouvrant des éléments grossiers (Figure IV.64b). Cependant ces éléments sont rares et peuvent aussi bien découler de notre expérimentation que de la présence naturelle de MO au sein de la formation SJ comme cela a été noté plus haut.

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Figure IV.64: Expérimentations, lame mince RGT12 M2b ; a) Sommet du sédiment imprégné de MO animale non altérée thermiquement, noter l’absence de distinction avec l’encaissant naturel. b) Détail du sommet du précédent, noter la présence rare de MO associée aux constituants grossiers. L’aspect « poussiéreux » est causé par des particules d’abrasifs utilisés lors de la fabrication de la lame mince.

3.4.6. Interprétation

Dans chacun des foyers expérimentaux, la combustion occasionne un noircissement de la partie supérieure de la sole. Cependant ce phénomène n’est pas homogène d’un foyer à l’autre, ni même au sein d’un même foyer.

En effet une grande variabilité existe dans l’expression de ce noircissement que ce soit du point de vue quantitatif (épaisseur de sédiment affecté) ou qualitatif (nature du noircissement).

Celui-ci est limité dans le cas des foyers ayant fonctionné avec du bois, et trois processus expliquent ce noircissement : la réduction des constituants ferreux de la matrice fine, l’altération de la MO héritée et un apport superficiel en résidus de combustion. La matrice fine argilo carbonatée est riche en fer, comme l’a montré son oxydation sous l’effet de la chaleur (cf. supra). Cependant, il est possible que localement celui-ci soit réduit au lieu d’être oxydé. Les facteurs permettant d’expliquer ce processus sont le manque d’oxygène et la présence de MO (Schwertmann, 1993). Or ce sont justement des conditions qui sont réunies au sommet d’une sole de foyer durant son fonctionnement. Le brunissement et la carbonisation du peu de MO que contient naturellement l’encaissant peuvent également être proposés pour expliquer ce noircissement (Wattez, 1992 ; González-Pérez et al., 2004 ; Mallol et al., 2013a). Enfin, un dépôt de résidus de combustion fins et très carbonés est observé en surface et sur quelques dizaines de microns. Cependant, l’absence de revêtement de ce type de matériaux dans la porosité du sol montre que la circulation de ce type de résidus reste superficielle sauf peut-être dans le cas du foyer 2013F. Celui-ci, ayant fonctionné avec du bois vert résineux, et présentant un faciès noirâtre brunifié plus développé, pourrait évoquer

un enrichissement en MO en lien avec de la résine contenue dans le bois et par la suite altérée par la chaleur, mais l’observation microscopique livre peu de précision à ce sujet. Globalement, la caractérisation par la micromorphologie de ce noircissement reste donc assez hypothétique.

Dans le cas des foyers à os, le noircissement est nettement plus marqué et affecte une épaisseur considérable. La fraction fine est noircie et certains constituants grossiers présentent des revêtements noirâtres également. La présence de MO amorphe, plus ou moins altérée, est également attestée sous forme de revêtements dans la porosité. Ces différentes caractéristiques s’écartent donc de l’altération thermique habituelle de la formation SJ. Un apport significatif en MO depuis le combustible osseux permet d’expliquer ce phénomène :

െ Une imprégnation de la micromasse et d’une partie de la porosité par des fluides provenant du combustible osseux ;

െ L’altération thermique de cette MO sous l’action de la chaleur du foyer, provoquant sa brunification puis son noircissement. Visiblement cette altération décroît en profondeur (faciès brunifié) appuyant l’idée que la MO va se dégrader sous l’effet de la chaleur qui elle-même décroît en profondeur.

Dans le cas du foyer 2012I, certains des revêtements organiques amorphes observés sont liés à ce processus. L’attribution de ce type de trait à la décomposition et l’humification de MO végétale (Stolt et Lindbo, 2010) paraît impossible compte tenu du contexte pédologique. Par contre, les écoulements de fluide graisseux sur et dans le sédiment de foyer ont été observés durant l’expérimentation (cf. Partie IV.2.4) et sont par ailleurs mentionnés par Wattez (1992 : Fig. 107), Sellami (Rapport RGT 2006), Hérisson (2012) ou plus indirectement par Brodard et al., (2015 : p. 9) dans des travaux comparables.

Les cas des foyers à bois ayant servi à la cuisson de viande rappellent le cas des foyers à os, mais avec un noircissement moins marqué du haut de la sole. Même si un apport en MO lié au fonctionnement peut être envisagé, il paraît limité par rapport aux expérimentations avec de l’os. Notons que la présence de fat derived-char, permet d’évoquer une dégradation de la MO issue de la viande dans la partie aérienne des foyers (au niveau du lit de braises notamment). Cette combustion d’une partie de la MO animale avant même son contact avec le sédiment pourrait être l’un des facteurs expliquant ce moindre noircissement des sommets de sole de foyer ayant servi à la cuisson.

Le fonctionnement de foyer implique dans tous les cas la formation d’un faciès noirâtre recouvrant le sommet de la sole rubéfié. Cependant en fonction du type de combustible ou bien d’utilisation, ce faciès peut être de plusieurs natures.

െ Dans le cas des foyers à bois, il correspond à la réduction de la fraction fine et dans une moindre mesure à la brunification ou la carbonisation de la MO du sol. Au sommet de la sole, un liseré très noir peut correspondre à un dépôt de résidu de combustion particulaire comme de la suie.

െ Dans le cas des foyers à os et ayant servi à la cuisson de viande, le noircissement du haut des soles est bien plus marqué et est causé par un apport de MO en lien avec le fonctionnement des structures de combustion : écoulement de fluide depuis les os ou la viande. Ces fluides percolent la porosité du sol où ils sont brunifiés ou carbonisés en fonction de la température.

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Ils sont par exemple observés sous forme de revêtements amorphes dans les chenaux. Le cas de l’expérimentation M2 démontre qu’en l’absence d’altération thermique, ces imprégnations de MO sont quasiment imperceptibles en lame mince.

3.5. Synthèse

L’étude micromorphologique a permis de proposer les interprétations suivantes (Figure IV.65): െ L’altération thermique du sédiment se manifeste surtout par l’oxydation de la fraction fine,

causant sa rubéfaction selon une épaisseur variable en fonction de la durée, de l’intensité et du nombre d’utilisations.

െ Des faciès noircis et/ou brunis sont observés en subsurface. Ils correspondent à deux phénomènes liés à différents paramètres expérimentaux :

െ Dans le cas de foyer ayant fonctionné avec du bois, une fine couche en subsurface peut correspondre à un dépôt de suie. Toutefois ce mécanisme d’enrichissement ne paraît pas être très important (absence de revêtement par ex.) dans la plupart des cas. Un faciès plus épais apparaît lorsque le nombre d’utilisations augmente. Cela a pu entraîner un dépôt plus conséquent de résidus de combustion en surface, favorisant la réduction de sédiment sous-jacent.

െ Dans le cas de foyers ayant fonctionné avec de l’os comme combustible, ou ayant servi à la cuisson de viande, le noircissement et la brunification correspondent à un enrichissement en MO par un phénomène de percolation dans la micromasse et la porosité du sol. C’est cette MO, ensuite brunifiée puis carbonisée sous l’effet de la chaleur, qui cause le développement d’un épais faciès noirâtre au sommet de soles de foyers concernés.

Figure IV.65: Schéma de synthèse, organisation des différents faciès en fonction des différents types d’expérimentation. Les épaisseurs des faciès sont données à titre indicatif.